3olya : quand un assassin se transforme en martyr

Ce monsieur ( photo ci-dessus ) est présenté par les médias tunisiens, par Mosaïque fm. entre autres, comme étant l’homme qui s’est immolé par le feu, samedi dernier, en plein centre-ville de Tunis. Je pense que les journalistes sont allés vite en besogne en lui attribuant le titre de martyr (chahid).

Je vous invite à lire le statut disponible ci-dessous. Je l’ai publié sur mon deuxième compte, Pierrot Le Fou II et sur TunisieFocus , il y a un peu plus de deux mois. D’aucuns ont été choqués par sa teneur. D’ailleurs, les gens sont prompts à contester la véracité des allégations portées dans ce texte. D’un autre côté, je les comprends car de telles allégations peuvent leur faire peur.

********

J’ai fait une capture d’écran d’une vidéo qui s’est abondamment propagée ces derniers jours sur Facebook (voir ci-dessous). Il s’agit d’un micro-trottoir, a priori réalisé par une web TV, que les gens partagent sans se poser trop de questions et, de surcroît, en chialant et en se greffant les joues comme des pleureuses égyptiennes. Ils ont fini par faire de l’homme qui apparaît sur cette vidéo un saint martyr.

Comme il se présente sous les apparences d’un vieux clochard édenté, ce monsieur peut exciter en nous un sentiment de pitié. En réalité, son passé est loin d’être reluisant. L’homme en question a passé 24 ans de sa vie en prison, après avoir découpé en morceaux son amant qui s’apprêtait à se marier. En prison, on l’appelait 3olya et il traînait une réputation de délateur ( Qaoued , sabbeb hakem ) .

Pour revenir à cette vidéo, j’estime que c’est un condensé de toute la médiocrité et des scènes pathétiques auxquelles nous assistons depuis dix ans. Tout y est : sensiblerie, misérabilisme, exhibition de la misère, voyeurisme, pornographie télévisuelle, compassion éphémère de téléspectateurs avides de pleurnicheries et de gémissements, chouineries accompagnées de reproches adressés aux dirigeants auxquels on impute tous les malheurs du monde, alors qu’ils sont à l’image de la populace qui les a élus et qui refuse de se regarder dans un miroir…

Manifestement, le mec qui se trouvait derrière la caméra se délectait du piteux spectacle qu’offrait ce clochard mythomane et bon comédien. A un moment donné, on l’entend lui dire sur un ton faussement compassionnel : « Bois mon frère , bois ! A ta santé ! Laissez-le s’exprimer .Parle , prends tes aises »

Il ne faut pas être un foudre de guerre pour comprendre que le mec derrière la caméra se réjouissait d’avance du succès qu’allait rencontrer cette interview à la noix. Sans oublier la musique qui accompagne ce genre de scènes pleurardes ! Elle est toujours mal choisie, inappropriée, car zéro culture musicale. Le but est de faire pleurer dans les chaumières.

Le summum du pathétique est atteint à la fin de cette interview. Le clochard fait semblant d’ingurgiter une bouteille remplie de vitriol et prononce la profession de foi musulmane (chahada ), comme s’il ne lui restait que quelques secondes avant de rencontrer la Grande Faucheuse. Ensuite, il tourne les talons et file en douce, laissant derrière lui la nunuche qui fait office d’intervieweuse en pleurs.

C’est une interview qui offre des saillies tragi-comiques et dans laquelle le ridicule le dispute au tragi-comique. En somme, cette vidéo est une allégorie de la situation prévalant en Tunisie.

Complément d’informations

3olya habitait à Hay Ettadhamen avant de commettre l’irréparable et faisait du « commerce » (il vendait des chiens). Il faut savoir aussi que le cinéma auquel il s’est adonné sur cette vidéo est monnaie courante dans nos prisons. En effet, beaucoup de détenus ingurgitent de l’eau de javel ou autres produits toxiques, acides, dilués dans de l’eau, pour semer la panique dans les rangs des matons et aller à l’hôpital.

D’aucuns m’ont posé cette question : comment ça se fait qu’il soit libre, alors qu’il a été condamné à perpétuité ?

En ce qui concerne la perpétuité, elle serait de 33 ans en Tunisie. Beaucoup de criminels sont libérés avant d’avoir purgés la totalité de leur peine d’emprisonnement, notamment après plusieurs années « de bons et loyaux services » rendus à l’Etat, aux flics. Ce qui est le cas du dénommé 3olya .

Une petite précision sordide : il a découpé son amant en moreaux et les a conservés dans du sel. 3olya est loin d’être un martyr, ce n’est pas un ange ailé.

Sacré 3olya !

Pierrot LeFou