Un tribunal américain bloque les droits de douane « réciproques » de Donald Trump

Le président américain Donald Trump a subi, mercredi 28 mai, un nouveau camouflet judiciaire, alors qu’un tribunal américain a bloqué les droits de douane dits « réciproques » imposés depuis début avril sur l’ensemble des produits entrant aux États-Unis. L’administration Trump a interjeté appel.

Si les trois juges du tribunal de commerce international des États-Unis (ITC) ne contestent pas dans leur décision la possibilité pour les États-Unis d’augmenter les surtaxes que le pays impose sur ses importations, ils ont estimé que ces dernières relevaient d’une prérogative du Congrès et que Donald Trump avait ainsi outrepassé les pouvoirs dont il dispose.

Ils considèrent que le président ne peut pas invoquer la loi d’urgence économique de 1977, utilisée pour justifier l’usage de décrets présidentiels afin d’instituer ces droits de douane, pour « imposer une surtaxe illimitée sur les produits provenant de quasiment tous les pays ».

Pour les juges, les décrets pris depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche « outrepassent les pouvoirs accordés au président dans le cadre de la loi IEEPA (permettant d’agir en cas d’urgence économique) pour réguler les importations via l’usage de droits de douane ». Cela concerne à la fois les droits de douane imposés au Canada, au Mexique et à la Chine, accusés de ne pas lutter assez efficacement contre le trafic de fentanyl, et la surtaxe d’au moins 10% imposée le 2 avril sur l’ensemble des produits entrant aux États-Unis, et jusqu’à 50% selon les pays d’origine.

La loi IEEPA « permet au président de prendre les sanctions économiques nécessaires en cas d’urgence pour combattre une menace extraordinaire et inhabituelle », a rappelé le tribunal. Mais toute interprétation qui lui délègue « une autorité illimitée sur les droits de douane est anticonstitutionnelle », ont insisté les juges. Dans une opinion écrite accompagnant la décision, l’un des juges, qui n’est pas nommé, a estimé en effet que cela « constituerait un renoncement du pouvoir législatif au bénéfice d’une autre branche du gouvernement », ce qui est contraire à la Constitution américaine.

Le gouvernement Trump a interjeté appel mercredi, selon un document judiciaire consulté par l’AFP.

La Maison Blanche proteste

Dans un communiqué, un porte-parole de la Maison Blanche a dénoncé une décision de « juges non élus » qui n’ont « pas le pouvoir de décider comment gérer convenablement une urgence nationale ». « Le président Trump a juré de placer les États-Unis en premier et le gouvernement est décidé à utiliser tous les leviers du pouvoir exécutif pour répondre à cette crise et restaurer la grandeur américaine », a ajouté ce porte-parole. Selon la presse américaine, le gouvernement prévoit de faire appel.

De son côté, le chef de file de la minorité démocrate à la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks, a estimé dans un communiqué que la décision venait confirmer que « ces droits de douane sont un abus illégal du pouvoir exécutif ».

Le tribunal se prononçait à la suite de deux plaintes déposées ces dernières semaines, l’une par une alliance de douze États américains, notamment l’Arizona, l’Oregon, New York et le Minnesota, l’autre par un groupe d’entreprises américaines. Ils reprochaient précisément à Donald Trump d’utiliser une loi qui ne lui permettait pas d’utiliser des mesures d’urgence pour imposer des droits de douane, un pouvoir que la Constitution américaine attribue au Congrès, un argument repris donc par le tribunal.

La Chine en a profité pour exhorter les États-Unis à « annuler totalement les droits de douane unilatéraux injustifiés », selon un porte-parole du ministère chinois du Commerce.

Une arme de politique commerciale

Depuis son retour à la Maison Blanche, le milliardaire républicain a utilisé les droits de douane comme principale arme de politique commerciale, mais également d’incitation à la réindustrialisation du pays et de moyen de pression sur d’autres pays. Le 2 avril, il a notamment présenté ses droits de douane dits « réciproques », censés concerner l’ensemble des pays dans le monde, avant de reculer face à la chute des marchés financiers, accordant une pause de 90 jours au-delà de 10% de droits de douane, afin d’ouvrir la porte à des négociations commerciales.

Après une réplique de Pékin, qui a augmenté ses droits de douane en réponse à ceux imposés par Washington, les deux premières puissances économiques mondiales se sont répondu coup pour coup jusqu’à les porter à respectivement 125% et 145%, au-delà de la surtaxe existante avant le 2 avril. Les deux pays se sont finalement entendus mi-mai sur un retour à 10% sur les produits américains et 30% sur les produits chinois.

Le 23 mai dernier, Donald Trump s’en est par ailleurs pris à l’Union européenne, assurant qu’elle ne « cherchait pas d’accord » commercial avec les États-Unis, menaçant d’imposer 50% de droits de douane sur les produits en provenance des 27, avant de reculer en annonçant une pause sur cette surtaxe jusqu’au 9 juillet.