Les troubles provoquent la peur de l’Italie au sujet du gazoduc trans-tunisien.
L’incident a conduit les Italiens à faire pression sur le chef du gouvernement Mechichi pour protéger les installations vitales de Kasserine.
Un diplomate arabe a révélé ce qu’il a décrit comme une pression ‘’énorme’’ exercée sur la Tunisie par l’Italie et l’Algérie concernant la protection du gazoduc algérien vers l’Italie, qui passe par la Tunisie.
S’adressant à « The Arab Weekly », le diplomate a déclaré que les manifestations sociales croissantes dans le pays avaient accru la pression exercée sur le Premier ministre tunisien, Hichem Mechichi.
Les manifestations ont pris une tournure dangereuse lorsque des manifestants ont tenté de prendre d’assaut le siège de la station de compression de gaz de la Société Trans-Tunisian Pipeline (SERGAZ) dans la région de Majel Bel-Abbas dans la province occidentale de Kasserine.
Le diplomate a souligné que le développement ‘’terrifiait’’ les autorités italiennes et a également soulevé des inquiétudes à Alger. La SERGAZ est chargée de veiller au bon fonctionnement de la partie du gazoduc située sur le territoire tunisien qui transporte le gaz naturel algérien vers l’Italie. Interrompre les opérations d’écoulement et de pompage causerait de graves dommages à l’économie algérienne et aurait de graves répercussions sur la capacité de l’Italie à faire face au froid hivernal.
SERGAZ dessert la partie Trans-Tunisienne du gazoduc appartenant au géant italien de l’énergie Eni. Le gazoduc a une longueur de 1 200 km, dont 600 km en Algérie, 370 km en Tunisie et 155 km en mer Méditerranée, reliant la Tunisie et l’île italienne de Sicile.
Le gazoduc transporte annuellement environ 34 milliards de m³ de gaz algérien vers l’Italie. Il constitue l’une des principales sources d’approvisionnement énergétique de l’Italie et contribue à diversifier les sources d’approvisionnement non seulement vers le marché italien, mais aussi vers l’Europe, d’autant plus que le gazoduc susmentionné s’étend désormais jusqu’en Slovénie. SERGAZ joue un rôle crucial dans toute la chaîne en assurant les opérations de pompage sur le territoire tunisien.
Selon la source diplomatique, Eni, propriétaire du gazoduc, ‘’a mobilisé ses relations en Italie et en Algérie pour faire pression sur le gouvernement de Mechichi afn qu’il assure une protection adéquate des installations du gazoduc, afin d’empêcher les manifestants d’en prendre le contrôle, dans un scénario de répétition des manifestations d’El-Kamour dans le sud de la Tunisie.’’
Eni est considérée en Italie non seulement comme un géant de l’énergie, mais aussi comme faisant partie de l’establishment de la politique étrangère et du renseignement à Rome, ce qui en fait l’un des grands cercles de lobbying ayant un impact sur tous les gouvernements italiens.
Jeudi dernier, le ministère tunisien de la défense a annoncé que des unités militaires ont dû tirer des coups de semonce en l’air pour disperser les manifestants devant le siège de la station de pression de SERGAZ dans la région de Majel Bel-Abbas, dans le gouvernorat de Kasserine.
Le communiqué du ministère indique que la ville d’Awlad Marzoug, dans la région de Bel-Abbas, a été témoin de manifestations menées dans un contexte de revendications sociales qui se sont ensuite transformées en une tentative d’assaut sur les bâtiments de l’entreprise. Les manifestants se sont mis à lancer des pierres et de cocktails Molotov, blessant 4 soldats et forçant l’un d’eux à tirer des coups de feu en l’air pour disperser les manifestants.
Immédiatement après ces événements, Mechichi a reçu un appel téléphonique de son homologue italien, Giuseppe Conte, pour discuter des relations bilatérales entre les deux pays. Le cabinet du Premier ministre tunisien a déclaré que Conte ‘’a exprimé sa profonde satisfaction quant au niveau de coopération entre les deux pays dans tous les domaines, d’autant plus que l’Italie est le premier investisseur dans le domaine de l’énergie’’ en Tunisie. Le Premier ministre italien a réaffirmé la volonté de son pays de doubler ses investissements dans les domaines de l’énergie et des énergies renouvelables en Tunisie – une affirmation qui, selon les observateurs liés aux événements de Majel Bel-Abbas, confirme la pression exercée sur le gouvernement tunisien par le biais d’outils diplomatiques et en brandissant la carotte de l’augmentation des investissements.
Le chercheur politique tunisien Hichem Hajji n’a pas exclu que de telles pressions soient utilisées, déclarant à The Arab Weekly : ‘’Il n’est pas possible de parler du contexte actuel des relations tuniso-italiennes sans évoquer l’importance du rôle que l’Italie a joué en Tunisie depuis des décennies en raison de son statut de voisin et de l’impact de ce qui se passe en Tunisie sur la sécurité nationale de l’Italie.’’
Il a estimé que ces relations sont actuellement dominées par « de fortes tensions sans précédent dues aux craintes italiennes concernant les grabuges dans la région de Majel Bel-Abbas »