Quand l’ambassadeur d’Indonésie fournit des explications superficielles sur l’Islam de son pays

L’ambassadeur d’Indonésie en Tunisie est passé dans la matinale d’Ifm. Il est vraiment très sympathique et semble avoir fait sensation sur ceux qui étaient présents dans le studio. En revanche, il a tellement caressé les Tunisiens dans le sens du poil que c’en est devenu ridicule. L’animateur de l’émission, l’inénarrable et increvable Borhen Bessaïs, lui a posé une question pertinente : « Comment ça se fait que l’Indonésie, un pays majoritairement musulman, connaît un développement extraordinaire, alors que, généralement, là où il y a islam, point de développement ? Comment les Indonésiens ont-ils réussi à concilier Islam et croissance ? »

La réponse de l’ambassadeur était d’un pathétique achevé : « Nous sommes un peuple optimiste et notre Islam est grandement influencé par le réformateur Mohamed-Tahar Ben Achour » lui a-t-il répondu. Comme la culture de Borhen Bessaïes est strictement arabo-arabe mâtinée de marxisme adolescent, il s’est contenté de cette réponse au ras des pâquerettes.

Pour bien comprendre le rapport que les Indonésiens entretiennent avec l’Islam, il faut lire les textes de l’anthropologue Clifford Geertz, notamment « Observer l’islam : changements religieux au Maroc et en Indonésie ». En effet, la longue expérience de terrain de ce grand anthropologue américain en Indonésie où il effectue des séjours prolongés dans les années 1950 et au Maroc dans les années 1960 et 1970 lui a permis de publier de nombreux articles et ouvrages de type monographique portant sur la vie sociale et culturelle des populations rencontrées dans les pays suscités à travers les thèmes de la religion, mais aussi de la parenté, de la vie politique, de l’agriculture, de l’organisation sociale, etc.

Dans « Observer l’islam », Clifford Geertz explique que l’islam des Indonésiens est très différents de celui des Marocains. Les premiers ont une conception assez souple de la religion puisque l’islam est venu se greffer sur une société qui était déjà très imprégnée des religions extrême-orientales (bouddhisme, confucianisme, hindouisme…). Ainsi, les Indonésiens ont un rapport apaisé à la religion.

Cela est moins vrai pour les sociétés de constitution tribale où l’influence islamique pèse autrement sur elles. Clifford Geertz explique que l’Islam indonésien et l’Islam marocain sont deux types d’Islam différents, ils varient selon le cadre social, culturel et symbolique, rompant ainsi avec la représentation d’un Islam unique et homogène. Il faut tenir compte des aspects cognitifs (vision du monde) et affectifs et stylistique (ethos) du groupe qui accueillent l’Islam et l’intègre dans son histoire. Et ces aspects diffèrent d’une aire géographico-civilisationnelle à une autre.

Pierrot LeFou