Il y a trois ans, nous célébrions le centenaire de la fin du premier conflit mondial. Pour chercher à ne pas faire bégayer l’histoire, pour bâtir tous ensemble les réponses utiles de notre monde, nous avions alors lancé le Forum de Paris pour la Paix.
Depuis 3 ans, la vie est encore plus dure.
Une pandémie s’est abattue de manière inédite sur le monde et a changé nos vies.
Le terrorisme frappe durement en Europe et ailleurs, encore hier sur le continent africain.
Les tensions sont extrêmes et les défis sont là pour nous rappeler au fond la complexité des problèmes qui sont les nôtres.
Ces défis s’ajoutent à ceux que nous connaissons depuis des décennies : le défi climatique, et le défi des inégalités qui est lié à l’épuisement, au dérèglement de notre modèle économique et financier.
Tous ces défis impliquent davantage de coopérations internationales.
Ces défis adviennent à un moment où notre multilatéralisme est extrêmement fragilisé soit parce que de nouvelles puissances régionales émergent avec des agendas, des objectifs qui ne sont plus compatibles avec celui-ci, soit parce que nous avons collectivement fragilisé ce multilatéralisme en en faisant parfois l’otage de nos intérêts particuliers ou de nos désaccords.
Beaucoup de choses sont à reconstruire parce que nous n’avons jamais été aussi interdépendants.
Au fond, les destins d’un habitant de Rio, Lagos, Canberra, Vienne, Paris, Dakar n’ont jamais été si liés qu’aujourd’hui par le commerce, par le numérique, par les consciences. C’est le rôle que les réseaux sociaux jouent.
Nous devons nous mettre d’accord sur une même lecture du monde, le faire entre pays développés et pays en voie de développement, pays émergents, quels que soient les niveaux de développement économique, financier et sociaux. Parce que ces défis sont les mêmes pour tous.
Parce qu’on ne peut pas réussir sur chacun des défis sans les uns et les autres.
Comment garantir effectivement l’accès universel aux moyens de lutte contre notre pandémie ?
C’est le premier défi. Nous avons lancé dès le début de la crise l’initiative ACT-A autour de l’OMS avec plusieurs pays, avec la puissance de feu du G20 et aussi de forces régionales, non-gouvernementales, du secteur privé. Un objectif : trouver le vaccin. Une ligne : la santé est un bien public mondial.
Sur le climat, comment être dans la réalité et pas dans les mots ? Comment être à la hauteur des ambitions que nous nous étions données il y a 5 ans en adoptant l’accord de Paris sur le climat alors même que chacun de nos pays se bat contre une crise sanitaire, économique et sociale d’une ampleur inouïe ?
Notre conviction – je crois pouvoir le dire – c’est qu’au fond, après la bataille contre le virus, la reconquête, la relance économique, doivent être une refondation par la transformation écologique et la réponse aux défis du climat et de la biodiversité. Le défi qui est le nôtre, c’est d’accélérer les financements qui permettent les transformations.
Comment transformer les règles de la mondialisation contemporaine pour répondre à l’explosion sans précédent des inégalités ? Comment rebâtir un commerce international qui soit plus juste, qui réponde à ces inégalités ?
On le voit très clairement, les inégalités se font au sein de nos pays, entre pays et entre générations. L’ouverture de nos économies est menacée par les extrêmes dans nos pays, par le doute qui s’est installé. Ces règles à l’international sont un défi clé qui doit être au cœur de ce nouveau consensus.
Comment défendre les valeurs universelles et les droits fondamentaux proclamés dans la Charte au XXIème siècle, face à un recul historique partout dans le monde ?
L’universalité de nos valeurs est aujourd’hui bousculée par des discours de haine, par une habitude, en quelque sorte, aux faits terroristes. Il faut non seulement condamner, mais aussi défendre cette universalité des valeurs. C’est un travail que nous avons commencé avec l’appel de Christchurch il y a un an et demi. Nous devons poursuivre. C’est là aussi un travail qui va se faire à l’international.
Ces défis immenses, nous nous les posons alors même que nous gérons l’urgence dans nos sociétés. Nous ne pouvons pas attendre d’avoir mené ces guerres de l’urgence pour rebâtir les fondamentaux qui permettront de mieux les prévenir.
Le moment est venu en quelque sorte d’inverser l’ordre des termes que Charles Dickens employait sur la Révolution. Il écrivait : « C’était la pire des époques, c’était la meilleure des époques ».
On a un peu goûté au pire cette année et il nous faut tout faire pour que l’année 2021 nous permette, face à ces défis, de tous avancer plus vite.
On le fera.
On le fera avec toutes les femmes et les hommes de bonne volonté : organisations internationales, gouvernements, mais aussi ONG, think tanks, chercheurs, entreprises, citoyens, parce que nous sommes convaincus que c’est dans la pluralité de cette capacité à agir que nous aurons une réponse.
On le fera. Ensemble.
Emmanuel Macron, le 12 novembre 2020