L’UE va contrer les nouvelles sanctions américaines contre l’Iran

La loi de blocage révisée de l’Union européenne (UE) est entrée en vigueur mardi 7 août, dans le but de contrer la remise en place des sanctions américaines contre l’Iran, a annoncé lundi la Commission européenne sur son site internet.

Cette loi, introduite en 1996 en réponse aux lois américaines sur les sanctions extraterritoriales, a été amendée le 6 juin, en ajoutant à son champ d’application la liste des sanctions extraterritoriales imposées par les Etats-Unis à l’Iran.

Ni le Conseil de l’Union européenne ni le Parlement européen n’ayant émis d’objection à cet amendement au cours des deux mois de la période d’examen, la loi entrera pleinement en vigueur mardi, un jour après que les Etats-Unis auront remis en place une première série de sanctions à l’encontre de l’Iran.

La loi de blocage interdit aux résidents et aux entreprises de l’UE de se soumettre à la législation américaine sur les sanctions extraterritoriales, à moins d’y être exceptionnellement autorisés par la Commission européenne.

Elle autorise également les entreprises européennes à « obtenir compensation des dommages causés par cette législation auprès des personnes ou entités responsables », et rend nul et non avenu à l’intérieur de l’UE tout verdict rendu à cet égard par une cour de justice étrangère.

Federica Mogherini, Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a émis lundi un communiqué conjoint avec les ministres des Affaires étrangères du Royaume-Uni, d’Allemagne et de France, affirmant qu’ils sont « déterminés à protéger les acteurs économiques européens engagés dans des relations commerciales légitimes avec l’Iran ».

Le communiqué souligne que l’accord sur le nucléaire iranien, ou Plan d’action global conjoint (JCPOA), fonctionne correctement et remplit ses objectifs, et qu’il est en conséquence « un élément clé de l’architecture globale de non-prolifération nucléaire, crucial pour la sécurité de l’Europe, de la région et du monde entier ».

Depuis son retrait du JCPOA en mai dernier, Washington essaie de remettre en vigueur ses sanctions contre l’Iran, avec pour but de bloquer ses transactions financières internationales et de réduire à néant ses exportations de pétrole.

Les premières sanctions américaines devraient être remises en place le 6 août, et porteront notamment sur le secteur automobile de l’Iran, ainsi que sur son commerce de l’or et de divers autres métaux essentiels. Les autres sanctions seront mises en place le 4 novembre, et viseront le secteur iranien de l’énergie, les transactions pétrolières, et toute transaction concernant la Banque centrale d’Iran.

De quoi s’agit-il ?

Ce règlement européen de 1996, créé à l’origine pour contourner les sanctions américaines sur Cuba, la Libye et déjà l’Iran, permet de protéger les entreprises de l’UE des sanctions de pays tiers.

Cette législation interdit aux entreprises européennes de se conformer aux effets extraterritoriaux des sanctions américaines, sous peine de pénalités fixées par chaque Etat membre. Elle leur ouvre également le droit à être indemnisées de tout dommage découlant de ces sanctions par la personne morale ou physique qui en est à l’origine. Enfin, elle annule les effets dans l’UE de toute décision de justice étrangère fondée sur ces sanctions

L’UE veut donc éviter à tout prix que les sanctions américaines touchent « par ricochet » des entreprises européennes commerçant avec l’Iran.

Cette loi a-t-elle déjà fonctionné ?

Le désaccord avec les Etats-Unis sur l’embargo cubain ayant été résolu au niveau politique, l’efficacité de ce règlement n’a jamais été véritablement éprouvée.

Cette loi a cependant été invoquée en 2007 quand l’Etat autrichien a menacé de sanctions administratives la banque autrichienne Bawag pour avoir fermé les comptes de clients cubains à la demande de son nouveau propriétaire, un fonds américain. L’Autriche n’est « pas le 51e Etat fédéré d’Amérique », avait alors argué la ministre autrichienne des Affaires étrangères de l’époque.

« Les mesures ont finalement été abandonnées (…) lorsque la banque en question a repris ses relations d’affaires avec les citoyens cubains en question », rappelle la Commission européenne.

La loi peut-elle s’appliquer avec le cas iranien ?

Pour pouvoir s’appliquer aujourd’hui au cas iranien, la loi de blocage a été approfondie et amendée. Elle doit entrer en vigueur le mardi 7 août 2018 à 06H01 (04H01 GMT), l’heure à laquelle une première série de sanctions américaines prend effet.

Ces dernières comprendront des blocages sur les transactions financières et les importations de matières premières, ainsi que des sanctions sur les achats dans le secteur automobile et l’aviation commerciale.
Une seconde série de sanctions américaines touchant les secteurs du pétrole et du gaz entrera en vigueur le 5 novembre 2018.

La loi aura-t-elle de réelles conséquences ?

Les conséquences de cette loi pourraient cependant être plus symboliques qu’économiques. « C’est un signal politique adressé par l’UE. Ce n’est pas un remède miracle, mais il a un caractère dissuasif, pour empêcher l’application de sanctions à des personnes ou des entreprises non américaines », a expliqué lundi un haut responsable européen.

« Les entreprises qui décident de se retirer d’Iran à cause des sanctions doivent demander l’autorisation et justifier les raisons de leur retrait (envers leur Etat d’origine, ndlr) pour être exonérées des pénalités européennes », a détaillé la même source. Les exonérations seront décidées au cas par cas.

« Les pénalités seront décidées par l’Etat membres de l’entreprise. Elles seront différentes selon les pays, mais elles devront être dissuasives et proportionnées », a précisé le responsable européen.

Qui serait favorisé par cette loi ?

De fait, cette loi servirait davantage aux PME peu exposées aux Etats-Unis qu’aux grands groupes.
Pour ces derniers, la solution passe plutôt par la négociation de dérogations ou d’exemptions avec les Etats-Unis.