L’UE met en garde la Turquie contre ses forages illégaux en Méditerranée orientale

Peu avant l’ouverture de la conférence internationale de Berlin sur la Libye, dimanche 19 janvier, l’Union européenne a mis en garde la Turquie contre tout forage illégal d’hydrocarbures en Méditerranée orientale. Et ce, notamment dans les eaux de Chypre.

« Tous les membres de la communauté internationale doivent s’abstenir de toute action susceptible de porter atteinte à la stabilité et à la sécurité régionales », a indiqué le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell dans un communiqué diffusé samedi 18 janvier. « L’intention de la Turquie de lancer de nouvelles activités d’exploration et de forage dans l’ensemble de la région va malheureusement dans le sens opposé », a-t-il déploré.

Sanctions ciblées

L’UE s’est mise en mesure de prendre des sanctions ciblées contre « les personnes ou les entités qui sont responsables d’activités de forage non autorisées d’hydrocarbures en Méditerranée orientale ou qui sont impliquées dans ces activités ». Une liste est en préparation et pourrait être discutée au cours de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, le lundi 20 janvier, à Bruxelles. Les sanctions consisteront en une interdiction de pénétrer sur le territoire de l’UE et un gel des avoirs. De plus, il sera interdit de prêter des fonds aux personnes et aux entités inscrites sur la liste.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui participe à la conférence de Berlin, a rejeté les « ultimatums » de l’Union européenne. Il a rappelé que la Turquie abritait quelque quatre millions de réfugiés, en majorité syriens, et qu’elle pourrait leur ouvrir les portes vers l’Europe. L’implication turque dans le conflit en Libye est dictée par des facteurs géopolitiques et par des motivations d’ordre économique.

L’appétit énergétique de la Turquie

Des gisements d’hydrocarbures en Méditerranée orientale aiguisent l’appétit de la Turquie mais aussi celui d’autres riverains, la Grèce, l’Egypte, Chypre et Israël. Menacée de sanctions européennes pour ses forages au large de Chypre, la Turquie entend s’appuyer sur un accord controversé avec le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj concernant la délimitation maritime pour faire valoir des droits sur l’exploitation des hydrocarbures. Cet accord a poussé la Grèce à renforcer ses liens avec l’homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, reçu vendredi à Athènes. La Turquie a accusé la Grèce de saboter les efforts en vue de ramener la paix en Libye.

Erdogan souhaite le début des forages « dès que possible » dans une zone contestée en Méditerranée

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré le 15 janvier que son pays allait commencer « dès que possible » à faire des forages dans une zone contestée de la Méditerranée orientale riche en hydrocarbures, au risque d’aggraver les tensions.

M. Erdogan a indiqué que ces forages seraient menés dans une zone couverte par un accord controversé de délimitation maritime, conclu fin novembre entre Ankara et Tripoli, qui étend le plateau continental de la Turquie. « Nous allons commencer dès que possible les activités d’exploration et de forage (…) Dans un premier temps, notre navire Oruç Reis effectuera des travaux de recherche sismique », a déclaré M. Erdogan dans un discours à Ankara.

La Turquie multiplie depuis plusieurs mois les initiatives en Méditerranée orientale où la découverte ces dernières années d’importants gisements gaziers, notamment au large de Chypre, a creusé l’appétit des pays riverains.

Dans ce contexte, l’accord conclu fin novembre à Istanbul par M. Erdogan et le chef du gouvernement de Tripoli, Fayez al-Sarraj, a suscité les vives critiques de plusieurs pays, notamment la Grèce et Chypre.

Selon Ankara, cet accord permet à la Turquie d’avoir des revendications sur certains gisements et d’avoir son mot à dire sur le projet de gazoduc EastMed, qui vise à exporter en Europe centrale du gaz israélien et traverserait la zone revendiquée par les Turcs.

Avec cet accord, « il n’est plus possible, d’un point de vu légal, de faire des explorations, des forages ou de faire passer un gazoduc dans la zone située entre les plateaux continentaux de la Turquie et de la Libye sans leur aval », a dit M. Erdogan.

Plusieurs bateaux turcs sont déjà à la recherche de pétrole et de gaz au large de Chypre, sujet de tensions avec l’Union européenne dont Chypre est membre, la Turquie occupant la partie nord de l’île.

Début novembre, l’UE a franchi une nouvelle étape vers l’imposition de sanctions contre la Turquie pour ces forages illégaux, en adoptant formellement un cadre juridique pour cibler les personnes concernées.