Les docteurs [titulaires d’un doctorat] à la situation précaire se comptent par milliers en Tunisie et donnent de la voix depuis quelques jours. En effet, bon nombre d’entre eux sont au chômage ou vivent de petits boulots – très souvent dans le secteur informel -. Après des années et des années de patience, ils exigent aujourd’hui leur intégration dans la fonction publique, notamment dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, si tant est que la recherche existe sous nos cieux, sans passer par aucun concours.
Les élèves qui ne sont pas très doués pour les études ne devraient pas se mettre martel en tête. Nos docteurs prouvent qu’ils gagneraient à s’orienter vers une formation professionnelle. Ça leur fera gagner plusieurs années. Les plus filous et les plus cupides d’entre eux peuvent, dès maintenant, rejoindre la faune putassière ou intégrer l’école de la crapulerie ; une école dont les lauréats règnent désormais en maîtres absolus en Bougnoulie.
C’est triste de voir des jeunes gaspiller leur vie en faisant des études inutiles pour passer, par la suite, des années et des années à se bercer d’illusions. C’est triste de voir des jeunes diplômés universitaires (il faut se l’avouer, très souvent incultes) dévorés par une stérile et vaine espérance, ayant marre d’enchaîner les boulots alimentaires sans aucun rapport leur niveau d’études et de se répéter sans la moindre conviction que demain ira mieux, sombrer dans la dépression ou s’embarquer clandestinement vers la rive nord dans des barques de fortune.
On persiste à tromper les jeunes en les laissant croire qu’en entrant à l’université, ils vont se doter et accéder à un métier rémunérateur et flatteur une fois le diplôme en poche, comme c’était le cas le siècle dernier. Les parents rêvent de voir leurs enfants exercer un métier prestigieux, mais les places sont chères et s’obtiennent par une sélection de fait. Cette sélection ne s’opère plus lors des études secondaires (sixième, brevet et bac) et à l’université, mais se fait désormais plus tard dans le monde professionnel. Aujourd’hui, tout le monde peut accéder à l’université, mais l’accès au marché de l’emploi est une autre paire de manches.
Une fois le diplôme universitaire en poche, les jeunes se mettent à croire à leur avenir dans des fonctions supérieures, lesquelles fonctions sont limitées. Ils passent alors des concours qui ne sélectionnent que les plus qualifiés, les plus pistonnés et surtout les plus « arroseurs ». Ils auront ainsi perdu cinq, huit, dix années de leur vie, voire plus, et, par conséquent, auront le sentiment d’avoir été dupés, trahis. Le malaise intérieur devient de plus en plus profond et les perspectives les moins agréables deviennent de plus en plus séduisantes.
A part quelques filières plus ou moins porteuses, l’obtention d’un diplôme universitaire reste symboliquement quelque chose de fort, mais ne garantit en rien la réussite d’une vie.
Pierrot LeFou