L’argent douteux des banques « islamiques »

Une publicité sur les mérites de la Banque Zitouna, fidèle «aux préceptes de la chariâ» est diffusée sur Mosaïque Fm, en principe, quotidiennement.

Au delà de l’impact insidieux du poids des mots, entendus quotidiennement, une telle publicité ne laisse pas indifférent, dans un pays où le peuple lutte, depuis 11 ans, difficilement pour un Etat démocratique, freiné, essentiellement par une mouvance islamiste, qui n’a jamais abandonné son projet califal, avec comme référentiel, justement, la chariâ. (Voir l’article 10 du projet de constitution d’Ennahdha et se souvenir de la bataille menée par les démocrates, au cours de l’écriture de «notre» Constitution de 2014, contre les tentatives de la mouvance islamiste d’introduire des notions piège contre l’Etat de droit et des égalités).

On imagine, facilement, le matraquage quotidien de telles publicités qui vise implicitement à agir sur les esprits d’une population, plutôt, conservatrice, assez sensible à la chose religieuse, balisant, ainsi, le chemin vers l’installation, au fur et à mesure, d’une radicalisation d’une société fragilisée par le chômage, la pauvreté et le manque de besoins vitaux, sans parler des libertés.

Parmi les ouvrages sur cette question il y a «La face cachée de l’islamisation» / «La Banque islamique», de Yassine Essid, édité en 2016 – où on y trouve une matière assez exhaustive, sur l’arnaque qu’il y a derrière ce modèle financier, et sournoisement, installé et dont on ne parle jamais dans les plateaux télé ou les radios, médias qui invitent, pourtant, sans cesse expert-e-s du domaine économique et financier pour parler des dégâts résultant d’une mauvaise gestion depuis 11 ans de règne des adeptes de la chariâ que Mosaïque n’hésite pas à « fredonner » inconsciemment? ou indifféremment?

En voici quelques extraits :

D’abord, à propos de ces banques dites islamiques Y. Essid nous rappelle qu’«A l’origine, la diffusion du système bancaire islamique dans les pays arabes et musulmans avait un objectif idéologique et politique certain, si l’on en juge par la relation organique qui, dès le départ, s’établit entre l’association organique des Frères musulmans en Égypte et la constitution des premières expériences dans ce domaine, considérées, du point de vue idéologique, comme autant d’étapes dans la concrétisation de ce qui était pour eux le future Etat musulman… » Constat, longuement, expliqué et argumenté, bien entendu, par l’auteur.

Ensuite, plus loin, il revient sur le cas tunisien pour nous rappeler que dans ce processus exponentiel de la finance islamique, «il faut commencer par la première marche. En attendant, certains pays (ou ce qu’il en reste) dits du «Printemps arabe», se rapprochent lentement, mais sûrement, de l’islamisation totale de la société, en payant le prix fort du sang ou de la misère, voire des deux à la fois. [Ce que nous avons vécu et subi pendant les 11 dernières années, n’est ce pas ?!] … «La méthode a connu un début d’organisation en Tunisie, pendant le gouvernement de la troïka conduite par le mouvement islamiste, qui a fait en sorte de rendre le système financier plus conforme aux valeurs universelles prônées pas l’islam. La banque Zitouna, jusque là marginalisée, a ainsi bénéficié d’une reconnaissance politique. On ne sait, en revanche, de quelle façon les emprunts et les facilités de la Banque centrale de Tunisie s’accommodent à leur tour avec la charia, ni comment cette banque s’arrange avec sa gestion du risque de liquidité, question cruciale pour toutes les banques islamiques et qui pèse lourd sur leur solvabilité »… «Un pas timide dans le sens d’une mutation du système financier a ainsi été franchi lors de la revivification de quelques produits financiers, halal, parmi lesquels les sukûk, ou émissions obligataires, et le régime des wakfs ».

L’auteur nous rappelle, à ce propos, un des prêches du « cheikh » à vie de la mouvance islamiste qui « avait déclaré que ceux qui se dressent aujourd’hui contre le régime des wakfs, ou le jugent inutile, rejettent en réalité les préceptes de l’islam. Pareille jurisprudence, à propos de nombreuses sentences peu ou guère respectées, ferait obligatoirement de la majorité des Tunisiens des hérétiques non déclarés. Ce même dirigeant est allé chercher dans l’inépuisable arsenal religieux du licite et de l’illicite des arguments insolites pour dénoncer ceux qui s’écartent, dans la pratique de leur religion, des injonctions divines et frapper d’anathème tous ceux qui s’opposent aux islamistes ou jugent leurs initiatives superfétatoires. »

Sur «L’expansion des banques islamiques» et le non dit des raisons du «bien-fondé » du système économique islamique lui-même, Essid, dans un autre chapitre, dit que «Dans le domaines des finances, les laudateurs de ce système, plus que jamais nombreux depuis la crise de 2008, se gardent bien de nous expliquer l’amalgame qu’ils n’ont jamais cessé d’entretenir entre la notion de fâ’ida- taux d’intérêt fixe et prédéterminé qui consacre en Occident la relative autonomie de l’épargne et du capital bancaire d’un côté, du capital bancaire et du capital productif de l’autre, illicite à leurs yeux- et la notion d’usure, ribâ-moralement inadmissible, même pour un non musulman, qui consiste à profiter de la détresse d’un débiteur pour lui imposer des conditions insupportables en multipliant le montant de sa dette »…

Ailleurs, l’auteur nous offre une fourchette des «noms, affiliations et vues des savants des comités de consultation des banques islamiques, dont la plupart sont d’intransigeants islamistes et, dans certains cas au moins, des partisans ouverts du radicalisme islamique. On y trouve, tout d’abord et avant tout, l’incontournable : Youssef Qaradhâoui ; Ensuite Muhammad Taqi Usmani, Hanafi pakistanais ; Muhammad Ali Elgri, professeur en économie islamique à l’université Abdulaziz et membre du sharia board de l’AAOIFI ; Faysal Mawalawi, chef religieux et homme politique libanais qui a été aussi secrétaire général de la Jamaa Islamiya, l’une des principales mouvances islamistes du pays ; Nizam Yaquby, indonésien, professeur, prêcheur, membre de la Shariah Supervisory Board chez Navis Capiital Partners et conseiller auprès d’un grand nombre de comités à l’échelle mondiale ; Suleyman al-Maniya, saoudien, juge à la cour de cassation. Tous siègent aux conseils consultatifs de la charia de dizaine de banques, et tous avaient béni sans hésitation les produits bancaires islamiques, y compris la fameuse titrisation.

Essid qui explique comment ont été effectués certains financements de groupes fondamentalistes par la « finance islamique» tel la Qaïda n’omet pas de rappeler, dans cet ouvrage, le silence sournois de banques occidentales vis-à-vis de leur clientèle sur les dangers, sur le long terme, d’un tel système, veillant, au contraire à le développer, endossant non seulement « les avantages pécuniaires, mais aussi l’idéologie intégriste et fondamentaliste qui va avec et qui prêche aujourd’hui la restauration à l’échelle mondiale du califat ». Le pays qui occupe le haut de la pyramide est, -et c’est bien connu- l’Angleterre.

Bref ! Un des livres à lire pour mieux comprendre et mesurer tout l’enjeu de ses Instituons, installées et naturellement intégrées, un peu partout, dans le monde pour le gain faisant fi du devenir de populations de plus en plus précarisées au profit de l’obscurantisme.

Le silence sur ces «finances» occultes chez nous et ailleurs sera-t-il, un jour rompu ?
Et une publicité qui fait l’éloge d’Institutions accusées de financer des groupes terroristes à l’échelle mondiale doit-elle continuer à être diffusée devant le silence de la HAICA en premier et les autres structures journalistiques, ensuite ?!

Amel Bejaoui Kadi