La Tunisie doit éviter le pire! Revenir à la raison..

Qui l’eut cru? J’ai travaillé des années avec l’universitaire Kais Saied, devenu depuis lors président de la République tunisienne, depuis 2019. Au terme de ce mandant, l’économie tunisienne s’est dégradée dangereusement. Je me permets de partager ces quelques constats, avec mon ex collègue, de façon collégiale, comme il fut un temps.

Vous êtes élu, haut la main, avec plein de promesses, dans le cadre d’une élection libre, transparente et démocratique, opposant une quinzaine de candidats.

Mais, aujourd’hui tout indique que quelque chose s’est arrêté, s’est brisé subitement, comme un logiciel conçu pour une obsolescence programmée.

À mon ancien collègue professeur, pendant 6 ans sur le campus de la Faculté de Droit et Sciences conomiques et politiques de Sousse (1988-1994), je me permets de souligner ces cinq constats, sous forme de critiques constructives. Plus de doléances que des exigences!

1- La Tunisie ne doit pas revenir au one man show ! Cela ne durera pas longtemps, et cela coûtera cher à tous et toutes. On ne doit pas ensemble léguer à nos enfants des bombes à retardement. La Tunisie est à bout de souffle, et dans son ensemble, elle s’appauvrit et s’endette de jour en jour sous la pression de ces blocages, instabilités et incertitudes politiques.

2- La Tunisie a besoin d’une élection présidentielle où toutes les sensibilités politiques sont présentes et représentées. Toutes, absolument toutes. Or, ce n’est pas le cas, on ne fait pas une élection présidentielle crédible avec autant de conditions et de conditionnalites taillées sur mesure, pour bloquer l’entrée en compétition, sous des prétextes variables et à géométrie variable. Il faut ouvrir le spectre des candidatures, des sensibilités et des offres de politiques économiques à venir.

3- La Tunisie ne peut plus tenir encore un 5 ans, sans programme économique, sans résultats palpables au niveau du portfeuille et pouvoir d’achat de ses citoyens et citoyennes. À l’évidence, vous pilotez le pays sans objectifs chiffrés, sans boussoles, sans cartes économiques, financières et budgétaires. Et cela s’appelle de l’improvisation et de la gouvernance à l’aveuglette. Les données de l’ISQ, de S&P, de EIU, du FMI…le confirment. Votre bilan à cet effet est déplorable, pour ne pas dire néfaste pour mes enfants, comme pour les votres. Sous votre présidence, la Tunisie et les Tunisiens se sont appauvris, perdus du pouvoir d’achat, et le chômage n’a pas reculé.

4- La Tunisie a besoin de réformes douloureuses que vous n’avez pas initiées durant vos 5 ans de législature . Vous avez jeté l’odieux sur les autres (ces corrompus, complotistes, etc.). C’est votre droit de faire ce type de politique politicienne. Mais, sachez qu’à terme, cela n’est gagnant pour personne en Tunisie. La Tunisie a besoin de leadership transformateur, mobilisateur, créateur de richesses qui profitent aux Tunisiennes et Tunisiens, de tous les âges, toutes les régions et toutes les obédiences idéologiques. Les mots s’évaporent, il n’y a que les faits et les actions qui restent, pour l’histoire.

5- La Tunisie mérite mieux et les deux mois qui nous séparent des élections présidentielles sont insuffisantes pour apaiser les esprits, pour débattre sereinement, et aller voter ensemble, en choisissant les meilleures options et alternatives qui se présentent dans des élections libres qui nous font sortir par le haut (plutôt que par le bas), qui nous mettent en marche vers le devant, pas vers l’arriere.

Monsieur le président: Pourquoi ne pas relaxer les délais et alléger les condionnalités. On peut invoquer des forces majeures. Celles véhiculées par les risques imminents qui guettent la Tunisie, si le scénario actuel est maintenu en place. Je peux vous l’affirmer, que la Tunisie vous comprendra et vous en sortirez encore plus respecté et plus grand pour l’histoire.

Pourquoi ne pas donner du temps au temps, pour faire une pause, pourquoi pas faire une marche arrière, pour éviter d’enfoncer le pays dans un tunel d’incertitude, dans un brouillard de désenchantement, aux consquences catastrophiques.

Ni la géopolitique, ni le timing ne sont favorables à la tangente dans laquelle vous emmenez la Tunisie…, monsieur le Professeur, cher collègue de toujours!

Source : Economics for Tunisia, E4T, 11 août 2024