Je vis de l’héritage de Bourguiba….Jusqu’à ce que Char3 Allah reprenne ses droits

Essoussi Kamel

Elle est veuve française née dans le fin fonds de la Corrèze qu’elle a fini par oublier à force de vivre heureuse et épanouie dans cette petite maison dans la prairie de Ksibet Sousse. Feu son mari, cadre moyen, venait à peine d’être enterré suite à une angine de poitrine aigue. Sa tristesse n’avait d’égale que son désarroi face aux incertitudes qui la hantaient quant au sort de ses deux filles dont l’une est étudiante et l’autre souffrant d’une maladie chronique qui nécessitait des soins lourds et coûteux.

Son chagrin consommé, la succession du défunt son mari s’ouvrit. La veuve, sans travail, savait pertinemment que les fruits de cette succession ne suffisaient ni à sa peine, ni à ses besoins immédiats. Mais quelle ne fût sa surprise de voir toute la caravane des oncles et tantes, des cousins germains débarquer chez elle pour revendiquer leur part de ce bout de terrain dûment acquis à la sueur du front par le père et que la veuve avait aménagé en un petit nid d’amour où il faisait bon vivre. Le couteau entre les dents et la fausse compassion dans les yeux, ils brandissaient Charaa Allah qui l’obligeait en tant que non musulmane de leur laisser la maison. Ils glorifiaient Charaa allah encore qui les gratifie en leur donnant encore le droit aux deux tiers de leur propre maisonnée. Horrifiée ! Le sang glacé ! Elle contenait mal sa colère devant leur faire semblant de ces lointains membres de la famille qui versaient en faux discours et en larmes de crocodile qu’ils savaient théâtralement commander. « Charaa Allah » se félicitaient encore les oncles où Dieu privilégie toujours la fille comme dans cet exemple, contrairement à ce que prétendait cet hérétique vieux du palais de Carthage et de ces koffars qui l’entourent. Ah Charaa Alaah ! Et si on rétablissait la zakat pourtant pilier de l’Islam, que de pauvres n’aura-t-on pas sauvé de la misère dans ce pays, se lamentaient ils sur le chemin du retour devant la radio qui discutait du projet de Monplaisir de sa ré institution de nouveau .

Un jour, versée dans ses petits problèmes à faire des petits calculs pour savoir si elle devait continuer à vivre ici, elle reçut une invitation à joindre le bureau régional de la caisse de sécurité sociale pour affaire la concernant munie de certains documents. Mais qu’elle ne fut sa surprise lorsqu’on lui annonça qu’elle avait droit à une pension de vieillesse, un capital décès en plus d’une couverture maladie pour elle et toute sa famille.

Sa surprise était encore plus grande le jour où elle reçut deux mois plus tard 45.000 D au titre du capital décès -1/3 pour elle, les deux tiers partagés à parts égales entre les 2 filles encore mineures-. Sa caisse lui avait aussi adressé un décompte de sa pension mensuelle de veuve qui avoisinait les 7O % de ce que touchait mensuellement feu son mari – 975 Dinars-, les 2 filles orphelines se partageant les 30 % restants. Mieux encore, la fille handicapée pouvait continuer à se soigner gratuitement.

Riches de tous leurs droits que leur octroyait le législateur par le biais de la sécurité sociale, la veuve et les trois orphelines n’étaient plus à l’abandon. Désormais, elles disposent de droits pécuniaires importants qui leur assuraient à vie une existence décente et digne. Elles avaient même oublié un moment leur différent avec les oncles et les tantes à propos du terrain non encore vendu et se jurèrent même de racheter l’intégralité du terrain et les parts enlevées en vertu de Char3 Allah. Le montant du capital décès était largement suffisant pour la transaction. Les filles pouvaient continuer leurs études. La veuve se rendait tous les fins de mois au bureau de poste à percevoir sa pension peinarde. Le guichetier, tampon au front et barbe hirsute ne répondait même à son bonjouuuur souriant. Il ne levait même pas les yeux devant cette kafira safira dont les os crameront sûrement en enfer. Il lui servait ses billets très vite, pressé d’aller faire ses ablutions et sa prière du Vendredi. La veuve entassait ses billets dans son porte feuille et marmonnait entre les lèvres : Je vis finalement de l’héritage de Bourguiba ou du moins de ce qui en reste…..jusqu’à que Char3 allah l’engloutisse

Essoussi Kamel