Selon des sources de l’Agence italieenne « Nova », le président de la Chambre des Représentants, Aguila Saleh, et le maréchal Khalifa Haftar « menacent de fermer les champs pétroliers pour faire pression sur le Conseil présidentiel et le gouvernement de Dabaiba pour qu’ils renoncent au limogeage du gouverneur de la Banque centrale libyenne, Al Siddiq Al Kabir, et permettre également un changement dans la direction de l’institution financière au cours de la prochaine période »
Une nouvelle menace de fermeture des champs pétroliers libyens émane de la Chambre des représentants, l’organe législatif élu en 2014 basé dans l’est du pays, et de l’Armée nationale libyenne (ALN) autoproclamée, dirigée par le général Khalifa Haftar. Selon ce qu’a déclaré une source de la présidence de la Chambre des représentants citée par la chaîne de télévision libyenne « Al Hadath », des consultations auront lieu avec l’ENL sur les « mesures à adopter pour répondre à l’escalade provoquée » par le président du Conseil présidentiel libyen (institution tripartite exerçant la fonction de chef de l’État et chef suprême des forces armées), Mohamed Menfi, et par le président du Gouvernement d’unité nationale (Gun, basé à Tripoli), Abdulhamid Dabaiba. « Nous évoquerons la possibilité de fermer complètement les champs pétroliers », a indiqué la même source. Selon des sources de « l’Agence Nova », le président de la Chambre des Représentants, Aguila Saleh, et le général Haftar « menacent de fermer les champs pétroliers pour faire pression sur le Conseil présidentiel et le gouvernement de Dabaiba pour qu’ils reviennent sur le limogeage du gouverneur de La Banque centrale libyenne, Al Siddiq Al Kabir, et permettra également un changement dans la direction de l’institution financière dans la prochaine période ».
Hier, le président Saleh a annoncé qu’Al Kabir et le vice-gouverneur de la Banque centrale, Maraj Barassi, poursuivraient leur mandat et ne seraient destitués et remplacés qu’en cas d’accord avec le Haut Conseil d’État (le « Sénat » basé à Tripoli). Le 19 août, le Conseil présidentiel libyen a annoncé la destitution d’Al Kabir. Saleh a averti que la décision de nommer un nouveau gouverneur de la banque centrale « pourrait conduire au gel des avoirs libyens et à l’effondrement de la monnaie locale ». En outre, le président de la Chambre des représentants libyenne a souligné que les pouvoirs du Conseil présidentiel sont définis par les résultats du Forum de dialogue politique libyen et n’incluent pas la nomination ou la révocation du poste. Le Haut Conseil d’État a également indiqué qu’Al Kabir continuerait à diriger la Banque centrale libyenne, qualifiant de « nulle » la décision du Conseil présidentiel libyen.
La semaine dernière, la Chambre des représentants de Libye a annoncé la fin du mandat du gouvernement d’unité nationale à Tripoli, reconnaissant l’exécutif de l’Est dirigé par le Premier ministre désigné Oussama Hammad comme le seul gouvernement légitime jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement unifié. Lors d’une session parlementaire tenue à Benghazi, le président Saleh a déclaré que l’accord de Genève, qui avait conduit en 2021 à la création du Conseil présidentiel et du gouvernement dirigé par le Premier ministre Dabaiba, devait être considéré comme expiré. La Chambre des représentants a également décidé de considérer le Président Saleh lui-même comme commandant suprême des forces armées, à la place du Conseil présidentiel, déclaré caduc et donc dépourvu de toute autorité légale. Dans son discours, Saleh a réitéré l’importance de travailler avec détermination pour former une autorité unifiée, capable de démanteler la centralisation du pouvoir et de promouvoir une répartition équitable des ressources dans toutes les régions du pays. Selon Saleh, chaque gouvernorat devrait avoir le droit de gérer de manière indépendante les affaires de sa population, avec un budget alloué en fonction de critères de population, de superficie et de ressources disponibles.
Les forces de Haftar investissent des zones dans le sud près de l’Algérie
« L’opération globale » annoncée le 7 août 2024 par les forces terrestres de l’armée nationale libyenne (ANL) dirigées par Saddam Haftar, fils de l’homme fort de l’est libyen, se poursuit dans le sud et l’ouest libyen. Les combattants de l’ANL progressent dans cette vaste zone désertique qui jouxte le Tchad, le Niger, et l’Algérie.
Le maréchal Haftar, qui a renforcé ses relations avec les juntes militaires au pouvoir dans plusieurs pays du Sahel, voudrait peser plus fort dans l’équation libyenne, mais aussi régionale. Avec le soutien militaire et moral d’alliés étrangers, comme la Russie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, il cherche en réalité, selon plusieurs observateurs, à contrôler toutes les richesses de ces vastes zones qui abondent de mines d’or, de pétrole et de gaz. Ses réelles intentions pourraient s’avérer « moins nobles », selon les experts, alors qu’officiellement l’opération vise à « sécuriser les frontières sud du pays et à renforcer la stabilité de la Libye dans des zones stratégiques ».
Le communiqué de l’ANL, évoquait la nécessité de contrôler « des zones stratégiques ». C’est dans ce but, par exemple, que des affrontements ont eu lieu, ce lundi, entre l’unité 128 de l’ANL, et des trafiquants tchadiens armés, investissant illégalement des mines d’or dans les montagnes de Kalanga, non loin de la frontière avec le Tchad. L’unité 128 de l’ANL serait elle-même impliquée dans des opérations de trafics transfrontaliers, selon des rapports des experts de l’ONU sur la Libye. Ces affrontements violents ont fait cinq morts dans les rangs de l’ANL. Le bilan n’est pas connu du côté des trafiquants.
Les unités de l’ANL ont fortifié leur présence également sur le triangle frontalier de Salvador très emprunté par les trafiquants, les migrants et les djihadistes. Il est situé entre les trois frontières de Libye, d’Algérie et du Niger.
Khalifa Haftar affirme que ses troupes, sont là pour sécuriser les frontières, combattre les trafics et le terrorisme, mais ils sont accusés de plutôt vouloir gérer ces trafics dans leur intérêt. Des rapports de l’ONU ont déjà souligné l’existence d’un trafic d’essence actif depuis le sud libyen vers le Tchad, le Soudan et le Niger. Selon ces rapports, c’est l’unité Sobol Assalam de l’ANL, qui connait bien les chemins du désert qui s’en chargeait, bien avant ce déploiement dans le sud et le sud-ouest.
Lieux d’une importance stratégique
Parmi les lieux stratégiques que le maréchal Haftar cherche à contrôler, l’aéroport de Ghadamès qui acquiert une grande importance stratégique selon les spécialistes du dossier. Il est actuellement contrôlé par les forces de Tripoli. Situé à 650 km au sud-ouest de Tripoli, à l’intersection des frontières de la Libye avec l’Algérie et la Tunisie, il pourrait, en cas de prise, renforcer la position de l’ANL face au camp de l’ouest libyen, mais aussi dans la région du Sahel.
Dans cette même zone se situe le champ pétrolier et gazier Hamada. Ce gisement devrait être opérationnel dans les prochaines semaines pour livrer au moins 8 000 barils par jour à l’issue d’une première phase des travaux de développement du site qui viennent d’être terminés.
Le contrôle des champs pétroliers fait partie de la lutte pour le pouvoir en Libye, c’est la seule vraie source de richesse du pays, et depuis 2011, les différentes parties de la lutte ont à tour de rôle essayé de contrôler le secteur pétrolier. Début août, le camp Haftar a imposé la fermeture partielle du plus grand champ pétrolier du sud, Charara, faisant perdre à l’État des millions de dollars.