Autopsie d’une mort annoncée : Le phosphate tunisien et ses dérivés.

Le Groupe Chimique de Tunisie (GCT) et la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) forment une holding publique dédiée à l’exploitation du phosphate, à sa transformation et à sa commercialisation. Cette holding comptait 12 172 employés en 2018 : 6 320 à la CPG et 5 852 au GCT.
Le GCT est à 40% de sa capacité actuellement et la CPG a connu une chute de la production de phosphate du CPG, ramenée de 8 M tonnes en 2010 à 4,12 M tonnes en 2019.
Cette situation impacte fortement les comptes des deux entités de la holding, le GCT et la CPG cumulant respectivement des pertes financières de 760 millions de TND et de 480 millions de TND depuis 2012, soit au total 1.24 milliard de TND, montant comparable aux résultats positifs annuels obtenus avant 2011.
La GCT doit aujourd’hui recourir à un autre fournisseur de phosphates en raison de la faible production et des blocages logistiques au sein de son fournisseur historique, la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG).
La holding CPG-GCT constitue l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois dans les régions de Gafsa et de Gabès où a lieu l’essentiel de ses activités.
Depuis 2011, de nombreuses manifestations et sit-in bloquent les voies ferrées et les routes qui relient les sites d’extraction du phosphate des sites de transformation, ce qui a entraîné des paralysies de production au sein de la CPG et des coupures d’approvisionnement au détriment du GCT.
La Tunisie était classée en 2010 au cinquième rang mondial des producteurs de phosphates, avec environ 8 M de tonnes produites. Aujourd’hui de nouveaux challengers sont arrivés sur le marché dont le voisin algérien avec un potentiel très important.
Les externalités négatives des industries extractives liées au phosphate et chimiques pour ses dérivés entre détérioration de l’environnement, des ressources en eau, en sol et les dégâts sur la santé humaine nous font réfléchir sur l’intérêt même de maintenir ce secteur devenu un réel fardeau pour la région de Gafsa, Gabe et Sfax.
Sur le plan émotionnel, les habitants de cette région n’ont plus d’espoir et ressentent une injustice quant aux politiques pratiquées jusqu’à lors autour des onze sites de production.
A moins de changer drastiquement les moyens et types de production, avec un transport plus économique pour rester compétitif, et une reconversion progressive du bassin minier de Gafsa vers d’autres activités de substitution, forcé est de constater qu’il vaudrait mieux programmer l’arrêt de cette industrie ou la limiter aux activités manufacturières.
Actuellement mieux vaut recevoir des bateaux de phosphates venant d’Algérie pour être transformés en Tunisie avec notre savoir-faire avéré (ICF, SIAPE,…) que de continuer à produire du phosphate.
Cela coûtera trop cher à la communauté que d’investir encore dans ce secteur pour tenter de le sauver. Les gens ne sont plus prêts à faire des sacrifices dans cette région sinistrée. On vit la malédiction du phosphate.
Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi.
Walakom sadid annadhar.

Hassen Zargouni
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