Après l’accord entre le gouvernement Maduro et l’opposition, les Etats-Unis allègent les sanctions contre le Venezuela

Venezuela : après l’accord entre le gouvernement Maduro et l’opposition, les Etats-Unis allègent les sanctions

L’accord conclu , samedi 26 novembre, porte sur dégel de fonds pour financer «la protection sociale» et a immédiatement entraîné un nouvel allègement des sanctions américaines envers le régime autocratique de Nicolás Maduro.

Une petite lueur d’espoir pour le Venezuela englué depuis plus de sept ans dans une grave crise économique sociale et démocratique, aussitôt suivie d’effet. Le gouvernement Maduro, considéré comme illégitime par la communauté internationale (dont l’UE et les Etats-Unis) et l’opposition ont signé samedi à Mexico «un second accord partiel en matière de protection sociale» au terme de négociations suivies de près par les Etats-Unis, la France, l’Espagne, la Norvège, le Mexique et la Colombie, sur fond de crise énergétique internationale due à la guerre en Ukraine.

«Le triomphe de la politique»
Les représentants du président Nicolás Maduro et de l’opposition ont signé cet accord aux termes de négociations qui représentent «un espoir pour toute l’Amérique latine» et «le triomphe de la politique», a salué le ministre mexicain des Affaires étrangères Marcelo Ebrard. Washington a salué l’accord dans un communiqué commun avec l’Union européenne, le Canada et le Royaume Uni, qui ajoute : «Nous exhortons les parties à dialoguer de bonne foi en vue d’un accord global menant à des élections libres et équitables en 2024″.

Immédiatement après l’annonce, les Etats-Unis ont emboîté le pas en autorisant le géant pétrolier Chevron à reprendre une partie de ses extractions d’hydrocarbures au Venezuela. Un nouvel allègement des sanctions américaines envers le régime de Caracas, conditionné au fait que la société d’Etat Petroleos de Venezuela, «ne reçoive aucun revenu des ventes de pétrole réalisées par Chevron».

Chevron s’est engagé à respecter le «cadre réglementaire imposé», en confirmant avoir reçu l’autorisation de reprendre une partie de ses activités au Venezuela. En mai, Washington avait déjà permis à Chevron de «négocier» son éventuelle reprise d’exploitation au Venezuela, ce qui représentait une première entorse à l’embargo sur le pétrole vénézuélien imposé par Washington en 2019 dans l’espoir d’évincer Nicolas Maduro.

Les Etats-Unis cherchent à diversifier leur approvisionnement en hydrocarbures pour compenser la perte du brut russe à la suite des sanctions prises en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le Venezuela disposerait des plus grandes réserves au monde, d’après certains experts.

Pas d’accord sur les élections
Sur le fond, le pouvoir et l’opposition sont tombés d’accord pour entreprendre toutes les démarches nécessaires afin de débloquer des «fonds légitimes» appartenant au Venezuela «qui se trouvent gelés dans le système financier international». Cet argent alimentera un «fonds pour la protection sociale du peuple vénézuélien» afin de répondre aux besoins les plus urgents du pays (système de santé, nourriture, réseau électrique, éducation, réponse aux pluies torrentielles qui ont tué près de 80 personnes en octobre).

Pour la conception et la gestion de ce fonds, les deux parties vont demander le soutien des Nations unies, selon l’accord lu par un représentant de la Norvège, pays médiateur dans le dialogue inter-vénézuélien de Mexico. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a «pris note» de cette demande d’assistance, a indiqué son porte-parole. «Le secrétaire général salue l’accord» et «encourage» les parties à conclure «de nouveaux accords qui relèvent les défis politiques, sociaux et humains auxquels fait face le pays».

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a salué un «pas vers un nouveau chapitre» pour son pays, qui doit «continuer d’avancer vers la paix et le bien-être que nous souhaitons tous». «Par la voie de cet accord, nous allons sauver plus de trois milliards de dollars», a estimé son représentant à Mexico, le président du Parlement Jorge Rodriguez. La «mission» de l’opposition est «d’obtenir les conditions démocratiques d’une alternance», a déclaré son représentant, Gerardo Blyde.

Le président Maduro exige la levée des sanctions économiques américaines qui frappent son pays, notamment de l’embargo sur les exportations de pétrole. Pour sa part, l’opposition vénézuélienne réclame des solutions à la «crise humanitaire» et des garanties pour des «élections libres et observables», a indiqué jeudi un communiqué de la Plateforme unitaire.

Il n’y a pas de consensus sur ces élections qui devraient avoir lieu en 2024, d’après une source proche du dossier consultée jeudi par l’AFP.

L’opposition accuse Maduro d’avoir été réélu en 2018 de manière frauduleuse. La pauvreté touche huit personnes sur dix au Venezuela, d’après l’enquête nationale Encovi sur les conditions de vie publiée au début du mois. Sept millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays en raison de la crise politique et économique, notamment depuis la mort de l’ancien président Hugo Chavez en 2013.

Le dialogue s’est ouvert en août 2021 à Mexico, après des tentatives qui ont tourné court en 2018 et 2019. Nicolas Maduro a suspendu les pourparlers deux mois plus tard, après l’extradition aux Etats-Unis d’Alex Saab, un homme d’affaires vénézuélien proche du pouvoir poursuivi pour blanchiment de capitaux.

Suspendues depuis 15 mois, les négociations ont finalement repris après l’intervention de la Colombie et des Etats-Unis. Une ouverture annoncée par le président de gauche colombien Gustavo Petro, qui a renoué avec le régime de Maduro après son arrivée au pouvoir cette année. En même temps que les pourparlers de Mexico, Caracas accueille depuis lundi la reprise des négociations entre le gouvernement colombien et l’ELN (Armée de libération nationale), considérée comme la dernière guérilla active en Colombie.

L’Occident satisfait
Le secrétaire d’Etat adjoint américain chargé de l’hémisphère ouest, Brian Nichols, a souhaité que le pouvoir et l’opposition s’entendent pour remédier aux «défis humanitaires» et garantir des «élections libres et justes». Les Etats-Unis ont applaudi «une étape importante dans la bonne direction», selon un haut responsable américain ayant requis l’anonymat, et ont appelé opposition et gouvernement «à dialoguer de bonne foi en vue d’un accord global venant à des élections libres et équitables en 2024».

Le président français Emmanuel Macron, qui s’est impliqué dans la reprise des pourparlers, a salué une «excellente nouvelle», offrant son soutien pour obtenir des «résultats concrets». Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a également proposé que Madrid joue un rôle «si les Vénézuéliens le souhaitent».