Des arrestations et grande purge au palais royal des Saouds

Mohamed Ben Salman

Mohamed Ben Salman

Du jamais vu en Arabie saoudite: onze princes de la famille royale, tous descendants du roi Ibn Saoud, fondateur du royaume, ont été arrêtés samedi soir, en même temps que plusieurs dizaines de ministres et hommes d’affaires.

Alors que l’agence saoudienne SPA publie, samedi 4 octobre en début de soirée, la mise en place, au royaume des Saouds, d’une commission ad hoc chargée d’enquêter sur la corruption dans le secteur public, la chaîne pro-saoudienne al-Arabiya english rapportait en soirée l’arrestation d’une dizaine de princes et de dizaines d’anciens ministres dans le cadre d’une offensive anti-corruption. Parmi les personnalités arrêtées figure le prince Walid ben Talal, selon plusieurs médias.

Selon al-Arabiya, la commission anti-corruption est dirigée par le prince héritier Mohammed Ben Salmane.

Ces évictions semblent s’inscrire dans le cadre d’une stratégie portée par le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et visant à se débarrasser de la vieille garde au pouvoir.

Plus tôt, des décrets royaux avaient été publiés par l’agence SPA, dont l’un relevait de ses fonctions le ministre de l’Economie et de la Planification, Adel al-Faqieh. Il est remplacé par Mohammed al-Tuwaijri.

Selon le second décret royal, le ministre chargé de la Garde nationale, Met’ib ben Abdallah, a également été démis de ses fonctions et remplacé par Khaled ben Ayaf.

Le roi saoudien a également démis de ses fonctions le commandant en chef de la marine saoudienne, Abdallah Sultan, qui est remplacé par Fahd el-Ghufaili.

Des avions privés cloués au sol à Djeddah

Parmi les personnes arrêtées figurerait le prince et milliardaire Al-Walid Ben Talal, connu pour son franc-parler et qui avait lancé il y a un an un vibrant appel pour que les femmes obtiennent le droit de conduire, selon des sites Web saoudiens.
Une source aéroportuaire a par ailleurs déclaré à l’Agence France-Presse que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Djeddah, importante ville portuaire située sur la mer Rouge, pour empêcher que certaines personnalités quittent le territoire.
« L’étendue et l’ampleur de ces arrestations semblent être sans précédent dans l’histoire moderne de l’Arabie saoudite, a commenté Kristian Ulrichsen, membre du Baker Institute for Public Policy à la Rice University (Texas). Si la détention du prince Al-Walid Ben Talal se confirme, elle constituera une onde de choc sur le plan intérieur et dans le monde des affaires internationales. »

Une vague d’arrestation de dissidents

Fin octobre, le prince héritier a promis une Arabie « modérée », en rupture avec l’image d’un pays longtemps considéré comme l’exportateur du wahhabisme, une version rigoriste de l’islam qui a nourri nombre de djihadistes à travers le monde.

Il a lancé plusieurs chantiers de réformes – droit de conduire pour les femmes et ouvertures de cinémas notamment – qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l’histoire moderne du royaume, avec une marginalisation de fait de la caste des religieux conservateurs.
Dans le même temps, il a œuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment à une vague d’arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.
Selon des analystes, nombre de ces dissidents critiquaient la politique étrangère musclée du jeune prince héritier, comme le boycott du Qatar, ainsi que certaines réformes comme la privatisation d’entreprises publiques et la réduction des subventions de l’Etat.

Conflit au Yémen 

Ces décisions font suite à l’interception, samedi, par les forces saoudiennes d’un « missile balistique » provenant du Yémen en guerre au nord-est de sa capitale Riyad. « Le missile (…) n’a pas fait de blessés ni occasionné de dégâts », a indiqué la chaîne de télévision el-Akhbariya. Il a été détruit près de l’aéroport international King Khaled de Riyad, qui a continué à fonctionner normalement, a-t-elle ajouté.

Les rebelles houthis au Yémen, soutenus par l’Iran, ont revendiqué avoir lancé le missile pour atteindre l’aéroport, selon leur chaîne de télévision al-Massira.

Le Yémen est déchiré par une guerre qui oppose les forces gouvernementales, soutenues par les Saouds ,  aux rebelles houthis qui se sont emparés en septembre 2014 de la capitale Sanaa et de larges pans de territoire dans le nord du pays.
En mars 2015, le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi a reçu le soutien d’une coalition arabe emmenée par Riyad. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le conflit a fait plus de 8.650 morts et quelque 58.600 blessés.

Pour nombre d’observateurs proches du dossier, l’arrestation de l’homme d’affaires saoudien Walid ben Talal, ainsi que l’éviction du ministre de l’Economie et de la Planification Adel al-Faqieh, du ministre de la Darde nationale Met’ib ben Abdallah ne sont qu’un début.