Tunisie : plan de relance ou plan de stabilisation ?

taoufik baccar tunisie fmiTout au long de ces derniers jours, j’ai vu défiler devant moi des documents sur la stratégie économique future du pays qui proposent une politique de relance. Je dois signaler au passage que deux partis de la place ont contacté le Centre International Hédi Nouira de Prospective et d’Etudes sur le Développement ( CIPED ) pour se procurer copie de son livre « Éléments de stratégie de sortie de crise  » à la recherche de mesures qui vont dans le sens de cette politique afin de préparer leurs contributions au débat initié par le gouvernement. Je les remercie à l’occasion pour cette démarche franche et honnête et leur assure de la disponibilité totale du CIPED. D’autres ont choisi d’utiliser directement ce livre. Cela ne nous dérange en rien, car comme Je l’ai dit à un de mes collègues « c’est fait pour ça, ce livre est pour la Tunisie, pourvu qu’ils en fassent bon usage « .
Je dois cependant dire que le contenu du livre est un tout, un ensemble cohérent et intégré : démarche de sauvetage, contenu de réformes, stratégie de relance, etc. et que chacune de ses composantes ne va pas sans l’autre. C’est là, la question fondamentale que je veux aborder dans ce statut.
Pour aller droit au but, la politique de relance n’a aucun sens dans la situation que vit la Tunisie actuellement. De quelle relance parle-t-on lorsque l’impasse budgétaire est de 12 milliards de dinars ? A quel niveau réel d’investissement public, instrument privilégié de relance, peut-on s’attendre pour 2018 et 2019, lorsque le budget d’investissement est devenu ces dernières années, une variable de solde du budget ? De quelle relance parle-t-on lorsque la confiance est au plus bas, notamment chez les hommes d’affaires, que l’environnement des affaires est de plus en plus complexe et que l’Administration est quasiment à l’arrêt ? De quelle relance parle-t-on, lorsque la compétitivité des produits baisse et la production bat de l’aile, ce qui n’autorise pas une accélération du rythme des exportations pour servir de point d’appui à cette relance ?
Non, le terme « relance » est impropre dans la situation actuelle du pays, à moins de vouloir continuer dans la politique de relance par la consommation et la fameuse politique du « Go and stop » qui a fait perdre au pays ses fondamentaux et donné lieu à d’énormes dégâts sans parvenir en retour, à renforcer la croissance dont la moyenne n’a pas dépassé 1.4% entre 2011 et 2016.
Ce qu’il faut désormais au pays c’est un programme de STABILISATION et d’AJUSTEMENT sur deux ans qui pourrait être relayé par la suite, par un programme de relance. C’est pourquoi, nous avons toujours plaidé pour un programme à deux étapes. La première aura pour objectif d’arrêter l’hémorragie des déficits et de la dette grâce à des réformes courageuses, d’assainir le climat des affaires et de faire retrouver aux opérateurs, la confiance. La seconde étape sera l’étape de la relance sur des bases solides : un modèle plus équilibré dont la croissance sera tirée à la fois par l’investissement, l’exportation et la consommation. Les réformes fondamentales, huit au total, démarreront durant la première étape pour se poursuivre jusqu’au rétablissement de l’économie du pays. Les réformes les plus urgentes et qui doivent démarrer rapidement sont celles de la compensation, des régimes de retraite, de la fiscalité et de l’assainissement du climat des affaires, outre une politique budgétaire rigoureuse et qui cible les priorités du pays.
Nous avons proposé cette démarche en deux temps au moment de l’adoption du plan : première phase de stabilisation (2017/2018) ; deuxième phase de relance (2019/2021). Nous avions jugé nécessaire de décaler la période du plan d’une année, car il était inadmissible d’adopter au mois de juin 2017, un plan dont la première année faisait déjà partie de l’histoire.
Nous avons également proposé d’actualiser les objectifs afin de les faire correspondre aux deux étapes proposées 2019 et 2021 et de les rendre plus crédibles, car viser une croissance de 5% en 2020 n’a aucun fondement, entendre, la croissance portée par des déterminants solides, à savoir l’investissement et l’exportation et non par des facteurs exogènes ou conjoncturels.
Nous proposons aujourd’hui une seconde fois cette démarche en deux temps indépendamment des échéances politiques, car c’est de l’avenir du pays qu’il ne s’agit aujourd’hui, ni plus ni moins.

Taoufik Baccar  président du CIPED