Vincere rate la dimension passionnelle et charnelle du fascisme et du pouvoir absolutiste

J’ai regardé Vincere. A sa sortie en 2009, les médias n’ont pas tari d’éloges sur ce film, mais il ne m’a pas du tout convaincu. C’est l’histoire d’Ida Dalser, la femme qui aurait sacrifié tout ce qu’elle avait, tous ses moyens d’existence, à la carrière politique de son amant Benito Mussolini, pour être crucifiée par la suite sur l’autel du fascisme. Elle aurait eu un enfant avec Mussolini, Benito Albino Dalser, que le Duce n’a jamais voulu reconnaître.

Giovanna Mezzogiorno, l’actrice qui interprète Ida Dalser, porte tout le film sur ses épaules. Elle joue le rôle d’une femme très forte, émouvante et brisée dans le sillage des événements historiques. Le film s’intéresse au Mussolini d’avant la Grande Guerre, c’est-à-dire à ses liens avec les milieux socialistes et aux campagnes contre la guerre coloniale en Libye auxquelles il participe avant de changer brusquement d’opinion et de faire campagne pour l’intervention italienne.

Il porte aussi un intérêt particulier à la fondation du journal Il Popolo d’Italia qui, selon le film, aurait été créé grâce à l’argent d’Ida Dasler et donné une grande impulsion à la carrière politique du futur dictateur. Vincere parle du Mussolini de l’avant-guerre et vacille entre images d’archives et reconstitution de certains faits historiques, néanmoins la grande Histoire de laquelle Ida est volontairement exclue est relégué au second plan.

En réalité, ce film tourne autour d’Ida, une femme frémissante de passion face à un homme dévoré par l’ambition, mais qui la fascine et l’éblouit. C’est, avant toutes choses, l’histoire d’une amante passionnée qui tient à tout prix à faire triompher sa vérité de femme trahie et meurtrie. Sa fureur opiniâtre fera qu’elle sera la première à se rendre compte de la véritable personnalité du Duce, celui que tout le monde porte aux nues.

La carrière de Mussolini en tant que Duce a été dépeinte par-dessus la jambe, de façon cavalière et caricatural. Dans ce film, le fascisme se réduit à une mâchoire en forme carrée et projetée en avant, à des postures orgueilleuses, à quelques phrases pompeuses, vides de sens et assénées avec autorité, à des postures ridiculement orgueilleuses et aux acclamations d’une foule immense et idolâtre. Ce film de Marco Bellocchio apparaît comme un énième règlement de comptes avec l’idéologie fasciste et nazie.

Le réalisateur aurait dû se servir de l’envers intimiste sur lequel il s’est focalisé pour capter l’essence du fascisme et son attractivité. Il aurait pu se servir de cette histoire d’amour délétère pour restituer la dimension passionnelle et charnelle du fascisme et du pouvoir absolutiste, mais n’est pas Pasolini qui veut. Marco Bellocchio s’est contenté de faire de la caricature et de véhiculer des clichés éculés. Les acteurs ressemblent davantage à des intermittents du spectacle qu’aux chemises noires et Filippo Timi ressemble plus à Mhadheb Remili qu’a Mussolini jeune. C’est l’interprétation époustouflante de Giovanna Mezzogiorno et la bande-son qui sauvent Vincere.

Pierrot LeFou