Un vibrant hommage a été rendu à Albert Memmi

Un vibrant hommage a été rendu hier après midi au grand Albert Memmi natif de Tunis en novembre 1920 et décédé à Paris le 22 mai dernier. Malgré le silence surprenant du ministère de la la culture et après les multiples articles écrits par plusieurs intellectuels tunisiens nous citons mais exclusivement (Samir Marzouki, Houcine Jaidi, Habib Mellakh, Wicem Souissi et d’autres), ce fut hier le tour de la Bibliothèque nationale et de la toute jeune association  » Nous Tous » de prendre l’initiative. Un public nombreux a suivi l’événement, il a été précédé par un travail de recension des articles et des réactions écrits suite au décès de Memmi le tout a été rassemblé par Moncef guellaty dans une superbe brochure de même qu’une exposition de photos sur la Hara a été montée dans le hall de la BN par la dynamique Afef Mbarek, secrétaire générale de l’association Nous Tous et membre du laboratoire du patrimoine de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de l’université de Manouba. La séance d’hommage à vu se succéder plus de 13 interventions notamment de Mme Raja Ben Slama directrice générale de la BN, de Afef Mbarek, de Samir Marzouki, de Samia Kassab et de Noureddine Douggui et de lectures d’extraits des œuvres de Memmi brillamment présentés par des étudiants passionnés de Memmi et préparant des recherche en littérature française. Deux lettres émouvantes ont été adressées et lues au public. La première provenait de Nicolas le fils d’Albert Memmi et la seconde la grande historienne Lucette Valensi, elle aussi native de Tunisie et actuellement présidente de l’association internationale de sauvegarde du patrimoine judeo tunisien. Un premier hommage à Albert Memmi qui sera certainement suivi par d’autres à Paris et ailleurs, mais il était important de noter avec fierté que c’était à Tunis, la ville qui avait vu naître il y a presque un siècle Albert Memmi, que le bal des commémorations, des rencontres et colloque autour de son œuvre soit lancé. Au delà des aléas de l’histoire, la Tunisie eternenelle restera reconnaissante, conservera la mémoire collective de tous ses enfants et veillera au patrimoine riche, diversifié de tous ceux et celles qui ont contribué à sa notoriété. Paix à l’âme d’Albert Memmi.

Habib Kazdaghli

Voici la lettre de Lucette Valensi adressée aux participants.

Paris, le 26 juin 2020

Chères amies, Chers amis,

J’interviens en mon nom propre et aussi au nom de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine culturel des juifs de Tunisie que j’ai l’honneur de présider. J’interviens à distance mais suis de cœur avec vous.

J’ai suivi jour après jour la préparation de cette journée qui restera mémorable. Vous avez toutes et tous déployé une inventivité et une efficacité admirables ; vous avez réalisé votre projet en un temps record, alors que les conditions sanitaires et autres ne sont pas des plus favorables, et vous l’avez fait avec un esprit d’équipe franchement réjouissant. On a beau savoir depuis longtemps que l’intelligentsia tunisienne est d’une qualité toute spéciale, la voir en action a quelque chose de réconfortant.

Vous honorez aujourd’hui la personnalité, l’œuvre, et la mémoire d’Albert Memmi. J’ajouterai seulement à ce que vous saurez exprimer mieux que moi que j’aimais le sourire sceptique avec lequel il observait les autres, et la bienveillance avec laquelle il acceptait la contradiction. Car connaissant Albert Memmi depuis mon adolescence à Tunis, j’ai plus d’une fois été, avec lui, dans la contradiction. J’étais irritée par le fait, que ne voulant pas se bercer ni nous bercer d’illusions, il secouait, ébranlait parfois, les espoirs dont nous avions pourtant besoin. Je n’ai pas toujours été d’accord avec lui par la suite, et quoi qu’en dise Kamel Daoud, dont je vous ai transmis le texte, je n’ai pas aimé certains aspects du portrait qu’Albert Memmi dressait du décolonisé. Mais les désaccords sont normaux en milieu démocratique, et son sourire bienveillant nous rappelait justement qu’il était salutaire de n’être pas unanime.

Il nous laisse ses romans et ses essais sociologiques qui ont précisément cette vertu qu’ils ne donnent pas seulement du plaisir à lire et à méditer, mais qu’ils invitent aussi et surtout à dialoguer, à dire « oui », « non », « peut-être », et finalement : « comme il a vu juste ! »

Ayant suivi vos échanges de courrier, j’ai communiqué une partie de vos messages aux enfants d’Albert Memmi. Nicolas, au nom de ses frère et sœur et surtout en son nom propre, n’a pas cessé de me dire l’émotion et le plaisir que votre action a suscités ; le regret que son père ne puisse pas écouter tout ce qui s’est dit et chuchoté sur lui. Votre hommage l’aurait, tout simplement, comblé de bonheur.

A toutes, à tous, un très grand merci.

Lucette Valensi