Seule la merde fleurit et s’épanouit dans ce pays

Selon d’aucuns, l’arrêt de la transmission de Misk fm. serait dû à un business plan mal préparé et boiteux dès le départ. C’est une explication fallacieuse. En fait, seule la merde fleurit et s’épanouit dans ce pays.

Radio Misk ne m’emballait pas outre mesure. Personnellement, je ne suivais assidûment qu’une seule émission : French Kiss. C’était un programme dédié à la chanson française et italienne. Avant de diffuser une chanson, l’animatrice présentait en quelques mots son histoire, qui plus est avec une voix suave, sensuelle, qui ferait bander le cadavre d’un nonagénaire en décomposition depuis deux semaines. L’émission a un peu perdu de sa superbe après que l’animatrice avait quitté la radio, mais je suis resté fidèle à French Kiss jusqu’au bout.

Ce qui me plaisait dans cette radio, c’est qu’elle se distinguait par un certain raffinement et le choix de ses programmes était dicté par le bon goût. Or, pour qu’une radio privée réussisse en Tunisie, il faut ostraciser les meilleurs, bannir toute élégance et répondre aux goûts de la populace.

Il suffit de regarder du côté des radios populacières pour repérer les principaux ingrédients de la recette de la réussite dans le domaine des médias audiovisuels ; à savoir : des émissions matinales présentées par des têtes à claques réactionnaires et dans lesquelles règnent une atmosphère de médisance et de conformisme intellectuel sclérosant ; des émissions consacrées à l’ « art » à la « culture » balisées de chausse-trappes, notamment quand il s’agit d’un(e) invité(e) qui a jeté aux orties conventions sociales et morale établie, des émissions menées avec une mentalité de tata cafeteuse ( taqti3 w tarich ) et où l’ignorance le dispute à la malveillance ; une playlist composée de libanaiserie, d’égyptâneries, de chansons tout droit sorties des cabarets égyptiens et destinées à donner envie aux b*niches de se trémousser lascivement devant leur miroir ; des sujets sociétaux sensibles traités à grands renforts de moraline, en prenant soin de ne pas sortir du carcan de la bien-pensance et en confortant la plèbe dans ses convictions…

Last but not least, pour qu’une radio privée se fasse une petite place au soleil, il faut éviter de projeter l’image d’une radio francophone. Et, quand on recourt à la langue française, il faut bien la massacrer et prendre une voix efféminée comme le fait souvent Haythem El Mekki avant de prononcer un mot en français pour ne pas réveiller certains complexes et montrer qu’on n’est pas des sbeyhiya  ou des bourgeois déconnectés des réalités de la vie des petites gens.

Je dirais, en guise de conclusion, que le paysage audiovisuel tunisien appartient aux médiocres et aux culs-bénis. Si vous n’êtes ni l’un ni l’autre, trouvez autre chose.

Pierrot LeFou