Notre Président-Enseignant n’a pas fait preuve de pédagogie et surtout de discernement

Bonne fête aux femmes tunisiennes .

Comme c’est souvent le cas, ceux qui parlent d’une cause en restant dans le registre des émotions sont ceux qui la desservent le plus.
Hier, le discours du Président s’est voulu solennelle et empreint d’académisme, mais il n’a pas échappé à cette règle.
À l’universitaire qu’il est (ou qu’il a été), j’aimerais rappeler cinq « acquis » des sciences sociales et humaines que tout modeste penseur ou chercheur en la matière ne peut ignorer :

1. Il n’y a pas de texte ni de message (y compris le Saint Coran) ni de communication sans (ou en dehors) de l’interprétation. Contrairement à l’argument d’autorité de ceux qui veulent imposer leur propre interprétation – et intérêts – afin d’interdire l’interprétation, la question de l’héritage (comme toutes les autres questions traitées par le coran) est et restera toujours ouverte et sujette à … interprétation. C’est d’ailleurs, ce qui fait la capacité d’un texte ou d’un message à s’adapter à son temps..

2- Une entité morale ou politique, comme l’État ou une entreprise – qu’il ne faudrait d’ailleurs pas confondre -, peut très bien décider d’adopter une religion (ou une charte ou des principes) comme elle peut avoir une « culture » (ou des idées, ou un brevet) et la considérer comme faisant partie de son avoir (C’est le cas de l’islam pour l’État tunisien). Ce qui aurait été inconcevable c’est de considérer que la religion (ou l’islam) fasse partie de l’être de l’entité en question

3- Contrairement à ce que dit monsieur le Président, la Nation tunisienne (la oumma ) n’a pas une religion mais a été constituée/construite de plusieurs religions

4- L’égalité ne s’oppose pas à la justice. Au contraire, le principe d’égalité des droits et des devoirs est l’une des conditions (nécessaire mais non suffisante) de la justice (et ce n’est pas parce qu’elle n’est pas suffisante qu’elle n’est pas nécessaire !)

5 – La citoyenneté ne s’arrête pas aux portes de la famille. Au contraire, la famille se doit d’être l’un des creusets de la citoyenneté et le fait d’être père ou mère ou enfant, n’exclut pas le fait d’être citoyen (sinon cela légitimerait tous les abus au sein des familles et cela signifierait que le droit civil ne s’applique pas aux relations entre les membres d’une famille, ou d’une tribu, etc.)

Sur tous ces points, il est dommage que notre Président- Enseignant n’ait pas fait preuve de plus de pédagogie et surtout de plus de discernement . Il rate ainsi une occasion historique pour servir les droits des femmes et des hommes Tunisiens au lieu d’en parler avec emphase en diffusant des… contre-vérités.

Karim Ben Kahla