Leïla Jaffel accuse le journal « Business News » de crimes qui valent dix ans de prison !!

« Je peux dire que j’ai eu chaud… Deux heures à la crim’ pour expliquer pourquoi j’ai écrit cette phrase et pourquoi j’ai utilisé ce mot. L’article vaut dix ans de prison et c’est la ministre de la Justice en personne qui a déposé plainte. »

Nizar Bahloul , directeur de Business News

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Violation de la loi, atteinte à la liberté de la presse, déstabilisation du président de la République à la veille du Sommet de la Francophonie. On ne sait plus trop comment qualifier la plainte officielle déposée contre Business News par la ministre de la Justice, Leïla Jaffel, pour le compte de la cheffe du gouvernement Najla Bouden.

Les faits. Jeudi 10 novembre 2022, Business News publie un article d’analyse intitulé « Najla Bouden, une gentille woman ». Comme nos lecteurs peuvent en témoigner, l’article est factuel et propose une lecture analytique de la situation socio-politico-économique de la Tunisie et de la gestion du gouvernement.

Vendredi 11 novembre, Leïla Jaffel dépose une plainte au parquet près le Tribunal de première instance de Tunis et accuse Business News de « diffamation, publication de fausses informations, allégations mensongères contre un fonctionnaire public et injures contre la cheffe du gouvernement ». La plainte précise que l’article a « des conséquences touchant la sûreté du pays et cherche à atteindre les institutions de l’État ».

Pour tout cela, Mme Jaffel invite le parquet à lancer les poursuites pénales nécessaires contre l’auteur de l’article et le responsable de la « page du réseau social Business News » et ce conformément aux dispositions du décret 54 du 13 septembre 2022 relatif aux crimes liés aux systèmes d’information et de communication.

Lundi 14 novembre, vers 14 heures, deux policiers se présentent au siège de Business News munis d’une convocation au nom du journaliste Raouf Ben Hédi et le 1er responsable du journal pour se présenter le jour même devant la brigade criminelle.

Accompagné de son avocate Me Zeineb Askri (du cabinet Fethi El Mouldi), le directeur de Business News Nizar Bahloul pointe devant la brigade pour découvrir que c’est la ministre de la Justice en personne qui a déposé la plainte et ce pour un article des plus ordinaires.

L’instruction se déroule sans aucun incident, se limitant exclusivement aux faits. Les agents de la Criminelle ont fait preuve d’un professionnalisme exemplaire.

Plus d’une heure après l’interrogatoire, l’agent de la Criminelle informe M. Bahloul qu’il doit consulter le parquet pour savoir s’il faut le libérer ou s’il y a un mandat de dépôt à son encontre.

La réponse arrive à peu près une heure plus tard avec la décision de libération. Le représentant du parquet nous transmet, cependant, un message, signifiant son total respect de la liberté de la presse et des journalistes.

Dans cette affaire, il y a plusieurs interrogations. Sur le plan de la forme, il y a deux vices de forme qui sautent aux yeux. Le premier est que la plainte est déposée par Mme Jaffel concernant un hypothétique préjudice touchant Mme Bouden. Or la plainte doit être obligatoirement personnelle et c’est obligatoirement à la cheffe du gouvernement de la déposer. Le second vice de forme est que la plainte est déposée sur la base du décret 54. Or il s’agit d’un article journalistique rédigé par un journaliste, titulaire de la carte de presse officielle. Vu qu’il y a un code spécifique à la presse (le décret 115), la ministre de la Justice ne peut pas évoquer le décret 54 généraliste. C’est une règle de droit, on ne peut pas évoquer une loi généraliste lorsqu’il y a une loi spécifique.

Sur le fond, la plainte parle de diffamation, d’injures et d’allégations mensongères, mais omet de préciser quelles sont les phrases de l’article qui étayent ces dires. Elle parle de conséquences sur la sûreté du pays, sans dire lesquelles. Ce n’est ni à l’agent de la Criminelle, ni au parquet, ni au juge de chercher ces mots et ces phrases, c’est au plaignant de les signaler.

Si la cheffe du gouvernement et sa ministre cherchent à intimider et à faire taire Business News, qu’elles déchantent, nous ne nous laisserons pas faire. Le droit à l’information et la liberté de la presse sont sacrés pour nous et pour nos lecteurs.

Business News continuera son travail et sa mission d’informer ses lecteurs. Toute autre entreprise est suicidaire. Rendez-vous au prochain épisode.

La Rédaction de Business News