Le Colonel Chabert se termine par des uns qui sortent financièrement gagnants, mais avec l’honneur profondément sali

France 2 a diffusé, en début d’après-midi, une adaptation d’un des chefs-d’œuvre littéraires de Balzac : Le Colonel Chabert. C’est un roman que j’ai lu à plusieurs reprises et que j’avais étudié au lycée ; c’était mon premier Balzac. Cette adaptation à l’écran réalisée par Yves Angelo et sortie en 1994 est tout bonnement magnifique. Les acteurs qui y jouent rivalisent de génie. Gérard Depardieu tient le rôle de Hyacinthe Chabert, Fanny Ardant de la comtesse Ferraud, Fabrice Luchini de maître Derville et André Dussollier du comte Ferraud.

Laissé pour mort, dix ans auparavant, sur les champs de bataille de l’Empire, le héros, un homme simple d’origine modeste et loyal, après être miraculeusement sorti d’un gigantesque amas de cadavres et avoir été immobilisé des mois durant à cause de ses graves blessures, retourne en France et apprend qu’il est déclaré mort et que sa succession a été prononcée. Il cherche en vain, tel un fantôme égaré, à recouvrer son identité. Ainsi, le comte Chabert, colonel de la Garde impériale, Grand officier de la Légion d’honneur, perd son nom et se trouve « ressuscité » dans une société qui ne veut plus de lui.

Personne ne croit à son histoire rocambolesque, sauf maître Derville qui, un soir, faisant preuve d’une patience inaccoutumée, l’écoute attentivement raconter son martyr et décide de l’aider. Il se battra pour lui rendre son nom et sa fortune. Cette dernière a été, selon les propres vœux du Colonel Chabert, échue à sa veuve, laquelle s’est remariée au comte Ferraud et a mis au monde deux enfants. La comtesse Ferraud refuse de reconnaître son ancien époux.

Dégoûté par la comédie que lui joue sa femme remariée et que ce « revenant » dérange dans ses ambitions, Hyacinthe Chabert renonce à la lutte juridique et, s’excluant de la société, tombe dans la misère la plus terrible.

L’on découvre dans cette adaptation, comme dans le roman, la société de la Restauration sous un jour intéressant, puisqu’il s’agit des relations que celle-ci entretient avec l’Empire napoléonien qui l’a précédée. La narration du film est passionnante, le scénario est délectable et les descriptions sont éblouissantes. L’adaptation d’Yves Angelo fait ressortir les traîtrises, vilenies et mesquineries que l’on trouve dans le roman de Balzac. Les discussions et négociations alternent avec les feintes et les ruses et les repentirs avec la honte et les regrets.

A la fin du film (et du roman), les uns sortent financièrement gagnants, mais avec l’honneur profondément sali, les autres retournent dans leur misère, mais dignes et dégoûtés.

Pierrot LeFou

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