La romancière Française Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022

L’écrivaine Annie Ernaux obtient le prix Nobel de littérature 2022. Avant elle, 15 auteurs français ont déjà remporté ce prix, mais elle est la première femme à être récompensée.

Le prix Nobel 2022 de littérature a été décerné ce jeudi à l’écrivaine française Annie Ernaux « pour le courage et l’acuité clinique avec lesquels elle dévoile les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle », écrit l’Académie. À 82 ans, l’autrice des « Armoires vides », de « La Place » ou encore de « Passion simple », dont l’œuvre mêle histoire intime et sociologie, devient la première femme française à recevoir la prestigieuse distinction.

Interrogée par la télévision suédoise SVT, Annie Ernaux salue « un très grand honneur qu’on me fait et pour moi en même temps une grande responsabilité, une responsabilité qu’on me donne en me donnant le prix Nobel ».

C’est le 16ème prix Nobel de littérature décerné à un écrivain français. Le dernier en date était Patrick Modiano, en 2014. Avant lui, Anatole France, André Gide, Henri Bergson, Albert Camus ou encore Jean-Paul Sartre ont été récompensés. Le prix Nobel avait récompensé l’an dernier le romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah, et l’Américaine Louise Glück en 2020.

Fille de petits commerçants

Annie Ernaux a grandi dans un milieu très modeste, ses parents tenaient un petit café-épicerie en Normandie, à Yvetot. Elle obtient le prix Renaudot en 1984 avec son roman « La Place ». L’an passé, une adaptation de son livre « L’Evénement » avait été adapté au cinéma par Audrey Diwan. Le récit d’un avortement à une époque où l’IVG était illégal.

Parmi ses écrits, un ouvrage lui a permis de se faire remarquer, de l’imposer parmi les grands écrivains français : « Les années ». Elle se raconte à la troisième personne. Grâce à cette distanciation, elle examine la femme qu’elle était et le contexte socio-historique dans lequel elle est devenue la personne qu’elle est.

Son dernier livre en date, « Le jeune homme », est le récit d’une relation amoureuse avec un étudiant de milieu modeste, qui a près de 30 ans moins qu’elle. Elle avait alors 54 ans et allait lui rendre visite à Rouen. « J’ai vraiment senti ce sexisme, cet ostracisme vis-à-vis de la femme mûre. C’était pour moi une façon de témoigner », à travers ce livre, a-t-elle expliqué, invitée de France Inter. « C’est lié au fait que la femme est considérée comme une mère à partir du moment où elle est ménopausée. »

« C’est vraiment une exception Annie Ernaux »

Quelques minutes après l’annonce de la récompense pour Annie Ernaux, Alice Zeniter a réagi sur l’antenne de France Inter. « Je suis très heureuse, il se peut même que je sois encore en train de danser de joie pendant que je vous réponds ! », s’exclame l’écrivaine, qui reconnait être émue. « Je me sens infiniment concernée par cette récompense », explique-t-elle. « Le lien que j’ai avec elle a été créé par ses livres. J’ai un attachement émotionnel très fort à l’œuvre d’Ernaux. » L’écrivaine normande, comme Annie Ernaux, indique avoir reçu « une claque » à la lecture de ses romans. « J’ai su assez vite qu’elle allait m’accompagner longtemps, parce qu’elle m’insuffle un courage dont j’ai sans cesse besoin. »

« Ce Nobel va permettre de faire connaître encore mieux l’œuvre d’Annie Ernaux, qui est une œuvre très importante en termes de représentation des femmes », poursuit Alice Zeniter, en citant des expériences difficiles des femmes, comme la pratique de l’avortement clandestin, mais aussi le désir de la femme. Annie Ernaux, c’est « cette figure de femme libre, de femme désirante, qui vient des classes populaires et qui a décidé d’écrire pour ‘venger sa race’, en essayant de retrouver la vérité du langage de cette classe populaire normande dont elle est issue. Elle n’a pas fait semblant d’appartenir à la bourgeoisie littéraire pour se créer sa place. C’est vraiment une exception Annie Ernaux. »