Sur la première photo j’ai 21 ans sur la seconde photo prise le 13 septembre 2022, j’ai 45 ans. En regardant ces photos de moi, j’ai du mal à réaliser que 24 ans séparent ces deux photos.
Que de chemin parcouru entre ces deux photos !
Voilà un résumé de mon histoire :
Sur la première photo ( à gauche ) j’ai 21 ans en 1998, je ne n’étais plus une petite fille mais pas encore tout à fait une femme, je ne savais pas vraiment qui j’étais, un peu perdue, j’étais en recherche de mon identité. Je me posais des questions existentielles, le monde extérieur me paraissait hostile et me faisait peur, j’étais fragilisée par une enfance difficile dans la violence et des épreuves traumatisantes. En quête d’absolu, je me posais des questions sur le sens de la vie, sur la mort, sur le monde, sur le but de notre existence, je croyais en Dieu, musulmane de naissance,religion de mes parents qui n’étaient pas pratiquants, je faisais mes prières depuis quelques mois et fréquentais les mosquées avec mes amies de la fac, qu’on appelait les sœurs musulmanes.
Mes copines de fac, étaient comme moi des étudiantes qui avaient la vingtaine, des jeunes filles francaises de souches, des blondes aux yeux bleues, converties à l’islam, elles priaient et portaient le voile , elles avaient l’air heureuses et épanouies, ce sont elles qui m’ont fortement incité à prier et à porter le voile à la fac, à l’époque je me posais des questions, je ne comprenais pas pourquoi des filles « blanches » françaises de souches, portaient le voile et pas moi qui étaient pourtant musulmane de naissance et de culture musulmane, j’avais le sentiment qu’elles étaient plus musulmanes et plus pieuses que moi, je les admirais et je les prenais pour modèles dans leurs pratiques, je ressentais le besoin de leur ressembler pour me sentir à la hauteur de ma religion en portant le voile, tout comme elles.
Je voulais appartenir à une communauté, moi aussi, trouver une famille de cœur, de religion, une grande famille que j’idéalisais, cette grande famille c’est la communauté musulmane, je croyais qu’il fallait être voilée de la tête aux pieds pour être respectée, je voulais être aimée non pas pour mon physique et mon aspect exterieur, mais pour mon cœur et ma beauté intérieure. Ma croyance en Dieu était sacrée, je croyais que le voile était une obligation et qu’il fallait le porter sans poser de question…
Alors un matin d’avril 1998, je me suis voilée, pourquoi j’ai choisi de porter le voile?
Pour plusieurs raisons :
Avant tout par amour pour Dieu, j’avais ce besoin de me connecter au Créateur et de lui témoigner mon amour avec des actes, renoncer à ma féminité et porter le voile en faisait partie, et puis j’avais rencontré des bonnes sœurs chrétiennes qui étaient voilées,elles m’avaient donné envie de porter le voile, pour me rapprocher de Dieu, mais pas seulement. J’ai porté le voile aussi pour me protéger du regard des hommes car ils me faisaient peur, j’avais été victime durant mon enfance de plusieurs agressions et attouchements sexuelles, dès l’age de six ans, dont une traumatisante durant l’année de mes neuf ans, depuis j’avais peur et honte de mon corps, je m’assumais pas ma féminité.
J’ai grandi avec l’idée qu’une femme doit préserver sa pudeur et que si un homme viol une femme, c’est de la faute de la femme, c’est elle la coupable car elle a provoqué son désir. C’est ce qu’on m’avait dit et j’y ai cru…
J’ai été programmée depuis mon plus jeune âge, à la soumission, à ressentir de la culpabilité, et la honte de ce corps féminin que je portais comme un fardeau. Je devais le cacher pour me protéger et pour être sure qu’on allait m’aimer et me respecter pour ce que je suis et non pas pour mon paraitre.
Une fille bien est une fille qui se couvre et qui cache sa féminité par pudeur pour être respectée. Une fille bien est une fille qui reste vierge et intact pour le mariage sinon elle mérite un lourd châtiment, j’ai eu très peur de ce châtiment, celui que me promettait ma mère si je déshonorais ma famille en perdant ma virginité mais aussi peur du chatiment de Dieu alors j’ai respecté..
Avec le voile que je portais depuis le mois d’avril 1998, je me sentais existée, j’étais enfin quelqu’un, une vraie musulmane, fière de montrer au monde extérieur ma croyance en Dieu et en l’islam, ma religion.
Puis très rapidement ,trois mois plus tard, durant mes vacances d’été en aout 98, je me suis retrouvée mariée avec un homme du jour au lendemain, un barbu qui se disait salafiste, que je ne connaissais pas et que j’avais vu seulement deux fois dans ma vie, je voulais continuer mes études tout en portant le voile, j’avais pourtant expliqué qu’il n’était pas question de mariage pour le moment mais plutôt que je continue mes études,car c’est ce que j’avais prévu, mon retour à la fac à la rentrée, mais j’ai fini par céder à la pression familiales et à ces traditions absurdes perpétuées de générations en générations par les femmes qui comme, pour se venger de ce qu’elles ont subi, le reproduisent tout naturellement à leurs propres filles sans réfléchir aux conséquences, de mères en filles, depuis des générations les mariages s’imposent…
Je garde un souvenir amère surtout lorsque je revois les photos de mon visage triste au bord des larmes, je n’étais qu’une gamine, voilée de la tête au pieds en robe de mariée, ce jour qui aurait du être un jour de fête et le plus beau jour de ma vie était tout sauf un jour de fête. Sur les photos on aurait dit que je portais le deuil le deuil de mon enfance volée, le deuil de ma vie rêvée…
Je peux dire qu’on a volé une partie de ma vie le jour de mon mariage, je n’avais rien choisi même pas ma robe, mes sous vêtements ou la bague que je portais. J’avais entendu les conversations, entre ma famille, ma mère, cet homme et la famille de cet homme qui s’était présenté pour m’épouser, ça parlait argent, j’avais l’impression qu’on negociait ma vente comme on vend une vache. Je me souviens avoir perdu l’appétit et 6 kg en 2 mois.
J’ai du subir et encore subir…
Après le mariage l’uniforme salafiste m’a aussitôt été imposé. Mon petit voile était bien trop court, il ne fallait pas seulement cacher mes cheveux mais mon corps tout entier. Plus le temps passait plus mon voile se rallongeait, quoi que je fasse, ce n’était jamais assez bien, quoi que je porte, je n’étais jamais assez couverte, il fallait même cacher mes sourcils, j’ai fini par céder au voile intégral, on ne voyait que mes yeux, parfois on ne voyait même pas mon visage, comme une ombre noir qui passe inaperçue, j’étais devenue l’ombre de moi même durant de longues années, j’étais vivante mais je ne vivais pas, on nous dit que cette vie est la prison du croyant et qu’il faut se priver des bonnes choses pour mériter le paradis, à force de me faire subir des lavages de cerveau, j’ai fini par y croire…
La jeune fille rebelle était devenue une femme soumise puis une mère au foyer qui devait obéir aux ordres de son époux et se taire.
Abusée, battue, enfermée, maltraitée, physiquement et psychologiquement, j’étais devenue l’esclave de mon époux, je vivais comme une prisonnière dans ma propre maison, je n’étais bonne qu’à faire des enfants, à faire le ménage et la cuisine et à obéir aux ordres, j’ai accepté la prison de la soumission durant de longues années car je pensais que je n’aurais pas d’autre issue…
Jusqu’au jour, ce fameux jour, ou j’ai eu enfin le déclic, apres trop de maltraitances, violences et surtout après avoir posé une question sur le sort réservé à nos enfants, j’ai fini par me révolter et j’ai dit stop aux injustices, non à la prison de la soumission et à la vie qui m’était imposée !
J’ai décidé de m’enfuir, j’ai tout quitté du jour au lendemain avec mes trois enfants et quelques valises, en taxi, j’ai fait 700 km sur la route que j’ai appelé « la route de la liberté », à destination de ma ville de naissance, Rouen, j’ai quitté la prison de mon foyer pour reprendre ma liberté et le contrôle de ma vie. Je voulais offrir un autre avenir à mes enfants. Un avenir meilleur, je ne voulais pas que ma fille subisse le même sort que moi. J’ai cassé cette fameuse chaine du mariage forcé, totalement injuste que les femmes reproduisaient de générations en générations, j’ai refusé de faire subir à ma fille ce qu’on m’a fait subir, j’ai divorcé, je suis devenue indépendante, ce qui m’a valu des represailles et l’exclusion de certains membres de ma famille mais je ne regrette pas, je me suis sauvée et j’ai préservé mes enfants de la secte salafiste !
J’ai réalisé que je n’étais pas seulement une mère mais aussi une femme.
J’ai retiré le voile obscur pour me montrer tel que j’étais, j’ai décidé de parler, d’écrire aussi pour dénoncer toutes les manipulations et toutes ces lois absurdes qu’on impose aux femmes au nom de la religion, j’ai enfin accepté ce corps que je portais comme un fardeau, j’ai réussi à me reconstruire aussi bien physiquement que psychologiquement, il a fallu des années d’efforts, de persévérance, de souffrance, de remise en question sur toutes mes idées, sur moi même, des rencontres et des expériences bonnes, d’autres mauvaises,pour grandir..
Un vrai travail de reconstruction prend beaucoup de temps, mais j’ai réussi à briser mes chaînes mentales, mes croyances erronées, après le lavage de cerveau qu’on m’a fait subir, pour devenir la véritable personne que je suis, la vraie Henda, aujourd’hui à 45 ans, je peux montrer mon visage, mes cheveux sans le voile et mon corps avec fierté. Car j’assume enfin ma féminité et la femme que je suis !
Moi Henda, j’ai choisi la liberté, je peux le dire sans crainte et sans avoir honte de qui je suis, j’ai longtemps et durement combattu pour devenir une femme libre, j’ai voulu et j’ai fait ce qu’il fallait pour réapproprier ma vie, mon corps, mon esprit, mes idées, mes actes, mes projets, pour devenir une femme libre et saine de corps et d’esprit.
Désormais plus personne ne m’imposera ses choix, ses idées, ses règles au nom d’une religion manipulée par des hommes dans l’intérêt des hommes et transmise par des femmes qui n’ont aucun sens critique et qui reproduisent sans réfléchir le mal qu’elles ont subi.
Ma vie est une succession de combats car j’ai choisi le chemin de la liberté. Il faut se battre pour sa liberté, il faut tout faire pour la préserver et la protéger, c’est ainsi, la liberté se mérite. Croyez moi ça en vaut la peine, et si c’était à refaire je recommencerais sans hésiter !
Pour moi, pour mes enfants et pour toutes les femmes qui ont choisi d’être libres et même les hommes que je n’oublie pas.
Si mon histoire peut donner le goût de la liberté à d’autres femmes ou à des hommes alors elle vaut la peine d’être vécue et partagée. C’est pour cela que j’ai écrit mon premier livre « J’ai choisi d’être libre ».
Je veux transmettre ce que la vie m’a appris, quoi qu’il se passe la vie mérite d’être vécue.
Après les ténèbres il y a la lumière après la prison il y a la liberté après la tempête vient toujours le beau temps…
Si j’ai réussi à le faire, n’importe quelle autres femme le peut aussi. Le secret c’est de ne jamais perdre espoir, de sortir de la victimisation et du statut réconfortant de victime, car cela ne fait pas avancer, au contraire, en se lamentant sur son sort et sur ses souffrances du passé, on stagne, il faut se responsabiliser, assumer ses erreurs et agir en faisant des choix pour changer sa vie, pour faire avancer les choses et concrétiser ses rêves et ses projets. Ne jamais oublier que nous sommes en grande partie responsables de nos échecs et aussi de nos réussites.
Pour y parvenir, il est important de reprendre confiance en soi mais aussi d’être capable de redonner sa confiance à d’autres même si nous avons vécu des mauvaises expériences, si nous avons été déçu et trahi par des mauvaises personnes, il faut continuer à croire en l’humain, il y a toujours et il y aura toujours des belles personnes autour de nous qui méritent notre confiance car seul et isolé on est faible et fragile mais à plusieurs, ensemble on est plus fort et on avance plus vite.
Si j’ai réussi à changer le cours de ma vie, n’importe quelle autre femme peut y arriver !
Yes my friends, We can do it ! 💪
Courage ,respect, force et honneur à toutes les femmes mais aussi aux hommes qui se battent pour la liberté !
Je dédicace cette photo à tous les amoureux de la Liberté ❤️
Henda Ayari