En retirant son voile, Mennel Ibtissem démonte les arguments des islamistes

Mennel, qui a décidé d’enlever son voile, démonte par son exemple tous les arguments pro-voile, analyse Fatiha Boudjahlat. Selon l’essayiste et enseignante, cette ancienne chanteuse de The Voice prouve en effet qu’il est une contrainte oppressive et pas seulement un accessoire de mode.

La chanteuse Mennel Ibtissem, ancienne participante du télécrochet de TF1, The Voice, revient après une expérience de vie et maritale aux USA. Mais elle ne porte plus ni ses turbans si colorés des plateaux télés, ni les hijabs austères et orthodoxes qu’elle affichait sur les réseaux sociaux. Son exemple illustre la stratégie islamiste et permet de démonter tous les arguments utilisés par les indigénistes, islamistes et autres néo-féministes pour défendre le voilement.

Mennel avait échoué à The Voice. Les militants du voile avaient présenté cet échec comme une illustration de l’islamophobie française. Les idiots utiles des islamistes, mettaient en avant sa jeunesse, son talent, sa modernité, son turban des plateaux illustrant cette France jeune et métissée, ramenant son voile à un accessoire de mode.

Et pourtant, Mennel explique qu’elle a perdu d’un coup 10 000 abonnés quand elle a fait le choix de retirer son voile. Qu’elle a épousé un musulman orthodoxe, qui correspondait donc à sa propre vision de l’islam. Puis qu’elle en a divorcé parce qu’il refusait de la laisser poursuivre dans la musique. Ce qui n’est pas sans rappeler le destin de la rappeuse Diams, qui cherche à ouvrir une agence de voyages religieux.

Il nous était demandé de voir au delà de son voile. De ne pas la réduire à ce voile. Les insultes, les accusations de trahison qu’elle essuie désormais montrent que c’est bien son voile qui était apprécié et valorisé. Mennel a fait le choix de se voiler. Elle a fait le choix de ne plus se voiler. Elle a exercé deux fois sa liberté. Ceux qui la soutinrent à l’époque ne la soutiennent plus.

Les mésaventures de Mennel permettent de faire ces rappels sur le voile

Porté volontairement en France, ou imposé en Iran, le voile ne change pas de signification. Il reste l’instrument du patriarcat arabo-musulman qui fait de la femme un organe génital total. Il incarne la trinité patriarcale imposée aux femmes dans toutes les cultures: La femme doit être Vierge. La femme doit être Pudique. La femme doit être Discrète. Et oui, la possession d’un utérus ne garantit pas d’être féminine. Et oui, les femmes peuvent faire le choix d’un système qui les pénalise objectivement. Les femmes sont tout autant les victimes que les premiers agents de la reproduction du patriarcat.

Le voile n’est pas compatible avec la dignité de la femme, selon la définition de Kant dans les Fondements de la Métaphysique des mœurs: «Dans le règne des fins, tout a ou bien un prix, ou bien une dignité. Ce qui a un prix peut être remplacé par quelque chose d’autre ; au contraire ce qui est supérieur à tout prix, ce qui n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité.» On sait que dans les sociétés patriarcales, la virginité augmente la valeur de la femme sur l’échange marchand qu’est le mariage. Une femme n’a pas de prix. Et n’a pas plus de valeur selon qu’elle est vierge, pudique, ou même pieuse ou orthodoxe.

« Les mêmes qui reconnaissent et combattent le patriarcat blanc et européen défendent son pendant oriental »

Il n’est en rien un signe d’empowerment féminin. Si les femmes voilées peuvent conduire en France, étudier, militer politiquement ou syndicalement, ou faire du vélo, ce qui leur est interdit en Iran, ce n’est pas en raison de leur pratique éclairée de l’islam, mais bien parce que la France leur garantit ces droits et refuse la subordination des femmes. Il est donc bien entendu plus facile à porter dans les États de droit occidentaux qu’en Orient, puisqu’il ne s’accompagne pas en France des conséquences sexistes qu’il illustre et entraîne dans les pays arabes.

La juriste Muriel Fabre-Magnan, qui a publié en 2018 L’Institution de la liberté, aux PUF, décrit le retournement actuel, à mon sens opéré par les néoféministes, idiotes utiles de l’islamisme: «À la limite même, la liberté se donnerait le plus à voir dans le choix assumé de revendiquer sa perte. Tout se trouve alors potentiellement retourné: la liberté n’est plus un espace infranchissable protégé de l’empiètement d’autrui, mais le droit de consentir à cet empiètement; elle n’est plus la faculté de dominer ses passions, mais le droit d’y céder; elle n’est plus un instrument de résistance à l’oppression, mais l’outil même de sa servitude volontaire». Les mêmes qui reconnaissent et combattent le patriarcat blanc et européen défendent son pendant oriental.

Un choix n’est réellement libre que s’il est réversible sans conséquence négative sur celui qui change d’avis et fait un autre choix. Les insultes subies par Mennel illustrent que ce n’est pas le cas avec le voile. Il est facile de faire le choix de le porter. Encore plus facile dans un pays comme la France. Renoncer à le porter fait de la femme une vendue, une femme de petite vertu. Un choix irréversible sous peine d’exclusion ou d’insulte n’est pas un choix libre.

Le voile marque le consentement de la femme à s’inscrire dans les exigences patriarcales, les hommes de sa communauté lui accordent en retour le droit de circuler. La femme jouit d’une liberté conditionnelle: aux conditions dictées par les hommes. Ce n’est pas de la liberté. Muriel Fabre-Magnan explique dans une interview que: «Le consentement est aujourd’hui considéré comme le signe le plus certain de la liberté, alors qu’il est en réalité souvent invoqué pour que les personnes acceptent de renoncer à des droits et des libertés et consentent à se mettre à la disposition d’autrui.»

« L’alternative entre la pudeur et l’impudeur, la sainteté ou la débauche, le paradis ou l’enfer, ne permet pas un choix libre« 

Ce n’est pas le consentement qu’il faut remettre en cause et contester, ce sont les conditions et les mécanismes de son obtention. Derrière le «Mon corps, mes choix, mon droit», droit de louer son utérus, droit de faire jouir autrui contre monnaie sonnante et trébuchante, etc… Il y a un système de subordination économique ou de valeurs qui me dicte mes actes. J’adhère à ce système par nécessité, par l’éducation, l’habitude ou par mon libre-arbitre. Ce système ne reste pas moins patriarcal et misogyne.

Un choix n’est pas libre en lui-même. Nous savons qu’il y a des tactiques pour faire adopter à autrui un comportement qui nous agrée: l’emprise ou la contrainte par exemple. L’alternative entre la pudeur et l’impudeur, la sainteté ou la débauche, le paradis ou l’enfer, ne permet pas un choix libre, qui repose sur une équivalence morale entre les termes du choix. Qui fera le choix de l’impudeur? De la débauche? De l’enfer?

C’est d’autant plus vrai avec l’éducation orthodoxe transmise par les enfants d’immigrés. Ainsi, l’avocat islamiste Asif Arif, proche de l’Observatoire de la laïcité, animait une émission sur YouTube sur la secte à laquelle il appartient. Il interrogeant un imam sur le voilement des fillettes. Celui ci lui a répondu qu’il fallait y habiter tôt les filles, dès 7 ans, pour qu’elles s’habituent et l’acceptent.

On a interdit en France les concours de mini Miss qui hypersexualisaient les corps des fillettes. On doit selon la même logique interdire le voilement des fillettes qui hypersexualisent tout autant le corps des enfants, élevés dans l’idée qu’elles sont un danger, une vulnérabilité pour l’honneur de la famille. Une proie pour les hommes.

« Si vous interrogez les fillettes voilées, elles expliqueront qu’elles le sont par choix. Un enfant ne souhaite rien d’autre que l’amour de ses parents, que leur plaire.« 

Il faut l’interdire sur la base de la définition de la maltraitance élaborée par la commission Jaques Barrot en 1988: «On inclut les enfants victimes de comportements plus difficiles à mettre en évidence car ne laissant pas de trace physique: (…) manifestations de rejet, de mépris, d’abandons affectifs et d’exigences éducatives disproportionnées». Si vous interrogez les fillettes voilées, elles expliqueront qu’elles le sont par choix. Un enfant ne souhaite rien d’autre que l’amour de ses parents, que leur plaire.

Mais leur imposer ou les éduquer dans cette hypersexualisation par l’effacement relève d’une exigence éducative disproportionnée. Il faut rappeler que les enfants ne sont pas les biens meubles de leurs parents. Et que ceux ci ne devraient pas se payer le paradis sur le dos des enfants, en en faisant notamment des bigots. Au nom de la religion qui a englouti toute l’identité et la culture, on tolère l’intolérable, on fait passer les choix des parents avant les droits et les intérêts des enfants.

Enfin, le voile n’est pas un serre-tête ou un accessoire de mode. Il est le signe d’une orthodoxie, respectable au demeurant, à condition que celle-ci ne se traduise pas par des exigences d’exception permanentes. Cette orthodoxie renforce les exigences patriarcales qui pèsent sur les seules femmes.

On s’extasie devant la responsable de l’Unef voilée. Elle est très impliquée dans les droits des LGBTQI+ par exemple. Je n’en doute pas un instant. Mais dans sa piété et son orthodoxie islamique, quel enseignement transmettra-t-elle à ses enfants? Qu’ils seront libres de vivre par exemple leur homosexualité? Ou leur enseignera-t-elle que l’islam reprouve l’homosexualité et prévoit la peine de mort et l’enfer pour les personnes coupables d’actes homosexuels?

Par Fatiha Boudjahlat ,essayiste et enseignante. Elle est cofondatrice avec Céline Pina du mouvement «Viv(r)e la République». Elle consacre un chapitre dans son livre Combattre le voilement (2019, éditions du Cerf) à la chanteuse Mennel.

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Source : FigaroVox