« Doubles vies » d’Olivier Assayas

Je viens de regarder Doubles vies (2018) d’Olivier Assayas. C’est vraiment un film très intéressant qui s’inscrit dans la lignée du cinéma de Rohmer dans lequel la parole est reine. C’est l’histoire d’Alain, un quadragénaire (Guillaume Canet) qui dirige une maison d’édition où il publie les romans de son ami de longue date, Léonard (Vincent Macaigne), un écrivain bohème, lunaire et qui pratique l’autofiction. La maison est prestigieuse, mais déficitaire. Les livres édités par Alain ont toujours produit plus de bonnes critiques que de ventes. Subissant de plein fouet la crise de l’édition, Alain rechigne à l’idée de faire passer son entreprise du monde de l’édition traditionnelle à l’âge numérique.

Laure (Christa Theret), une jeune femme qui a été engagée pour la transition numérique de cette prestigieuse maison d’édition et zélote de la dématérialisation, lui propose de publier un recueil de tweet, arguant la toute-puissance des blogueurs dont l’influence est devenue plus grande que celle des critiques littéraires. L’éditeur se pose des questions sur l’avenir de sa profession durant tout le film. Cette révolution à laquelle il est confronté, qui est aussi technologique qu’éthique, l’accule à repenser son métier.

Olivier Assayas met dans la bouche de ses personnages ses propres réflexions et interrogations sur la littérature, sa « consommation », sa digitalisation, son impact sur les gens et le rôle qu’elle occupe encore dans la société. En réalité, on a l’impression qu’il prend le film pour prétexte pour traiter de plusieurs questions pertinentes et décisives pour l’avenir du monde de l’édition : un texte édité sur Internet a-t-il la même valeur qu’un texte imprimé ? Le caractère précieux d’une œuvre se mesure-t-il à son prix ? Le tweet est-il le haïku du XXIème siècle ? Les algorithmes sont-ils en train de remplacer les critiques ?

L’intrigue et la sous-exploitation du potentiel des acteurs sont les deux failles de Doubles vies. En effet, en se focalisant sur les idées et les thèses qu’il soutient, Olivier Assayas n’exploite pas suffisamment le talent incontestable de ses acteurs confirmés tels que Juliette Binoche et Guillaume Canet dont la maturité lui sied à merveille. Comme il s’agit d’un film à thèses, l’intrigue est reléguée au second plan. En effet, le film ne va nulle part et l’intrigue est réduite à sa plus simple expression. Les discussions sur l’avenir du livre et la crise que traverse le monde de l’édition sont entrecoupées d’histoires de coucheries et de jeux de séduction maladroits et malheureux. Les vagues commentaires sur l’usure du couple sont intéressants, mais ne donnent pas plus de consistance à ces marivaudages.

Pierrot LeFou

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