Ces cheveux de la femme malédiction de l’Algérie !

Le directeur du lycée Lotfi d’Oran, a chassé une élève à cause de ses cheveux bouclés. Il accuse la mère de cette dernière d’être derrière ce « bouclage » ! La maman lui explique que ce sont naturels. Il exige la photo de l’élève en bébé!!
Bouclés, lissés, teintés au henné, naturels, blonds , blancs, noirs, mouchetés, coupés, longs, tressés, relâchés, attachés, noués, détachés, couverts, libérés, lissés, frisés, coupe garçon, coupe Monroe… les cheveux de la femme sont la cause de la pandémie, de la corruption et de le réchauffement climatique !!

Amin Zaoui

*******

Ode à la kechrouda

Être kechrouda aux pays des aliénés n’est pas toujours chose simple. Les représailles commencent très tôt, avant même que tu ne prennes pleinement conscience que tu es une fille, tu sais déjà que tu as les cheveux frisés et que c’est pas le jackpot.
Je ne connais pas l’élève qui a été, selon le témoignage de Nadia Leïla Aïssaoui, exclue par le directeur d’une école à Oran, parce qu’elle n’avait pas les cheveux lissés. J’ai lu des commentaires qui parlent de “fake news” mais moi je ne suis pas étonnée qu’un directeur d’école algérienne perde le sens de la mesure face aux cheveux “non normalisés” d’une élève.
Personnellement, j’ai une connaissance intime de la haine irrationnelle qu’ont de nombreux Algériens et Algériennes pour les cheveux des femmes qui sont naturellement frisés et qui refusent de se laisser lisser, dompter, normaliser.
D’ailleurs, souvent, ceux qui veulent être bienveillants envers ce qu’ils considèrent être ton infortune capillaire ne parlent pas de cheveux “frisés”, ils préfèrent dire: “bouclés”, “ondulés” et autres qualificatifs mielleux supposés adoucir la vérité, trop rêche.
A Alger, il m’est arrivé de me faire “insulter” par d’autres femmes, au volant, qui hurlaient par la fenêtre de leur voiture: “KECHROUDAAAA ro7i segmi cha3rek”.
Les hommes dans la rue t’en balancent à gogo, des métaphores foireuses sur le frisé de tes cheveux, car un homme aux cheveux crépus ça passe, mais une femme qui “le fait” cela peut être perçu comme attentatoire… comme si elle avait décidé de sortir dans la rue en pyjama, pour ne pas dire autre chose.
Tes collègues sourient sous cape de cette “bahloula” qui ne sait toujours pas, qui ne saura jamais, s’arranger les cheveux.
Les commentaires des auditeurs (au premier degré) sur mes cheveux frisés au Café presse politique de Radio M m’ont toujours amusée, ils n’ont jamais manqué pour me rappeler à quel point la haine du cheveu retors est plantée profondément dans les poitrines des Algériens, des Maghrébins, des Nord-Africains.
Lorsque je vivais au Caire, un jour je suis allée chez un coiffeur, je lui ai expliqué que je voulais simplement qu’il me coupe les cheveux, sans plus, pas de brushing. Je me souviens de sa colère, qui m’avait prise totalement par surprise. Il m’a mise à la porte! Il était furieux qu’une femme avec des cheveux comme les miens se permette de lui demander de ne pas les lisser.
Pourtant, kechrouda, ce mot que beaucoup utilisent comme une insulte, c’est bien qui je suis et ce que j’aime être.
C’est ce que j’ai envie de dire à l’élève infortunée de cette école.
J’ai envie de lui dire que, y compris le mot “kechrouda” je le trouve joli, je le trouve tonique, rebondi et élastique, stimulant et chantonnant, un brin déconcertant, toujours décoiffant, pour moi c’est le plus beau des compliments.

Daikha Dridi