Ce que signifiait être Chedli Klibi Ministre de la Culture

Durant une courte période, moins d’une année, j’ai été chargé de la « direction » du service des Beaux-Arts au Ministère des Affaires Culturelles, en tant qu’attaché au Cabinet du Ministre Si Chedli Klibi. J’étais donc responsable de la gestion des expositions, de la commission d’achat et de la création de ce qu’on appelle aujourd’hui « le fond national des oeuvres d’Art ».Et c’est en tant que tel que j’ai eu à organiser une exposition de miniatures iraniennes qui devait se tenir à la Galerie de l’Information dont le contenu était proposé par l’Ambassade d’Iran (du temps du Chah). J’avais donc préparé un texte pour le catalogue que j’avais communiqué à l’Ambassade pour avis. L’Ambassadeur avait protesté contre l’emploi que j’avais fait de l’appellation « La miniature arabo-persane » pour désigner les oeuvres d’Art traditionnel de l’Iran Islamique. L’Ambassadeur, avait récusé , en termes peu diplomatiques l’adjonction du terme arabe à celui de persan. On rapportait à l’époque qu’il avait traité son chauffeur tunisien de « sale Arabe! » J’en avais informé mon ministre qui m’a fait comprendre que je devais agir en toute autonomie de penser. J’ai donc publié et fait distribuer le catalogue sans prendre en considération les remarques de l’Ambassadeur. Le jour du vernissage. j’étais à la galerie entrain de superviser l’accrochage, avant l’arrivée du Ministre et de l’Ambassadeur. Une quinzaine de minutes, avant l’arrivée de si Chedli, le secrétaire de l’Ambassadeur est venu me voir pour me demander par quelle porte le Ministre va-t-il faire son entrée à la Galerie. Il y avait, en effet une porte qui ouvrait sur le Ministère de l’Information et une autre, la principale qui ouvrait sur l’Avenue Bourguiba (Place de l’Indépendance, avant l’installation de la statue d’Ibn Khaldoun) . J’avais répondu qu’il allait certainement rentrer, comme le public par la porte qui jouxtait la Cathédrale. L’Ambassadeur tenant à être reçu officiellement par le Ministre à l’entrée officielle de la Galerie a attendu , dans sa voiture, l’arrivée du Ministre, pour finalement, venir le rejoindre à l’intérieur de la Galerie. Le Ministre s’est retourné pour le saluer froidement puis il lui a dit : « Monsieur Ben Cheikh, va nous présenter l’exposition, Il est diplômé en Histoire de l’Art de l’Université de la Sorbonne et il connait très bien la culture iranienne. Et durant le quart d’heure qu’a duré le tour de la Galerie, l’Ambassadeur m’a entendu préciser que l’appellation de ces miniatures par l’Unesco était la peinture arabo-persane », sans oser ajouter un seul mot. Quelques semaines plus tard, L’Ambassadeur a été rappelé à Téhéran et remplacé par un autre diplomate qui comprenait que ce n’est pas parce que l’Ambassade de son pays n’était autre que la maison de Habib Bourguiba Junior, ( que le fils du Président a vendue, pour restituer, immédiatement, sur ordre de son père, le prêt qu’il avait contracté à la banque, pour la construire) qu’il devait se comporter en pays conquis. Tout cela pour dire ce que cela signifiait être Chedli Klibi Ministre de la Culture de Bourguiba. La souveraineté de la Tunisie était le pilier non négociable de notre politique étrangère.

Professeur Naceur Ben Cheïkh