Bourguiba : Lotfi Achour rumine un discours prétentieux d’adolescents attardés

Si les Tunisiens laïcs paraissent idolâtrer encore Bourguiba, c’est parce qu’ils savent pertinemment que le bourguibisme est, en Tunisie, la seule philosophie politique qui est à même de contrecarrer l’emprise que peuvent exercer les conservateurs et les réactionnaires sur les esprits. Le discours qui conjugue le binôme identitaire arabité-islamité atteint le Tunisien, et l’arabo-musulman d’une manière générale, au plus profond de lui-même.

Jusqu’à présent, seule la philosophie politique bourguibienne a permis de limiter l’emprise du discours islamo-conservateur sur l’esprit du commun des Tunisiens ; ce qui, d’ailleurs, explique la haine viscérale que vouent d’aucuns à Bourguiba.

Si Bourguiba n’avait pas preuve de fermeté durant son règne, il n’aurait pas fait long feu et édifié un Etat fort. Le bourguibisme qui permet, aujourd’hui, à la majorité des Tunisiens d’être imperméables à l’intégrisme religieux ne serait pas entré dans les mœurs. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

Ce metteur en scène et réalisateur raté, Lotfi Achour, rumine un discours d’adolescents attardés et un peu trop idéalistes, ses propos ( lire ci-bas ) sont ceux d’un gaucho illuminé et prétentieux, pensant fournir aux lecteurs un point de vue sagace et qui sort des sentiers battus. En réalité, en tenant ce discours usé jusqu’à la corde, il se fait l’allié objectif des islamistes.

Ce statut prouve que monsieur Achour juge l’Histoire à l’aune de la morale et des valeurs d’aujourd’hui. Il dénote son ignorance historique, mais aussi son ignorance des contraintes du pouvoir et de la réalité telle qu’elle fut. Lotfi Achour fait partie des gauchos qui sont un peu trop enfermés dans leur idéologie et leur bien-pensance et qui s’extasient à l’idée d’appartenir au camp du Bien.

Pierrot LeFou

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A mes amis et aux autres, quelques exemples des exactions des régimes de Bourguiba et Ben Ali, pour remettre un peu les pendules et l’Histoire à l’heure et peut-être vous amener à un peu plus à vous convaincre de l’idée que sans connaissance de la vérité sur notre passé, aucun avenir collectif apaisé ne sera possible. Et que non seulement la majorité des victimes pendant cinquante ans n’étaient pas islamistes, mais qu’en reprenant à votre compte ce mensonge même en pensant le combattre, vous faites leur jeu là où vous pensiez dénoncer leurs manoeuvres révisionnistes ou leurs crimes.

– 1962. Affaire de ce qu’on a appelé « la tentative de coup d’Etat contre Bourguiba ». Tentative qui n’a jamais eu lieu ni même vu un début de réelle organisation.

Cinquante-trois accusés jugés dans un procès expéditif en cinq jours. Majorité de condamnations à mort, exécutés une semaine après, la veille du Ramadan. Ceux qui ont été condamnés à la prison ( les chanceux) ont été enfermés à Ghar el Meleh et Borj Erroumi dans des conditions moyenâgeuses, leurs familles ne savaient même pas s’ils étaient morts ou vivants pendant huit ans et demi, jusqu’à la grâce décrétée par Bourguiba le bon papa. Rien que ça.

Beji Caid Essebsi était le directeur général de la sureté nationale, on connait la suite.

1983. Affaire Mohsen Mbarki. Jeune étudiant baathiste en Iraq. Torturé et assassiné au ministère de l’intérieur, sa mort a été déguisée en suicide.

Il y avait 22.000 étudiants tunisiens en Iraq à ce moment-là, boursiers de l’Etat iraquien. Tous et sans exception systématiquement convoqués au ministère de l’intérieur à leur retour en vacances, torturés pour la plupart, même s’ils n’avaient aucune activité politique.

2- 1987. Affaire Nabil Baraketi.

Jeune instituteur militant du POCT, 26 ans. Arrêté et torturé non stop pendant neuf jours au poste de Gaafour. Bras, jambes fracturés. « Oublié » dans la position du poulet rôti parce que ses tortionnaires lezem yetssa7rou, ramadan oblige. On jeûne un coup pendant qu’on torture. Mise en scène grotesque toujours défendue par ses tortionnaires jusqu’à ce jour, qui prétendent qu’il s’est enfui, a volé une arme, a couru presque nu sur cinq cents mètres au milieu des rails et des cailloux alors qu’il avait les jambes cassées, s’est mis dans un caniveau pour se tirer une balle dans la tête puis planquer l’arme sous sa cuisse. Comme mise en scène, on peut mieux faire.

Ben Ali était le directeur général de la sureté nationale, on connait la suite.

2008. Redayef. Affaire du Bassin Minier.

Siège de six mois de toute la ville vidée de sa population dont une grande partie s’est réfugiée dans des grottes dans la montagne pendant des mois. Plus de nourriture ni d’eau, rien. Une entreprise organisée et contrôlée pour affamer la population afin de la soumettre. La prison de Gafsa vidée pour y mettre la moitié des jeunes de la ville de Rédayef.

Torture systématique et abjecte, viols systématiques.

Plusieurs exemples de torture de jeunes en présence de leurs pères en prison. Saccage et vol systématique des maisons. Utilisation des armes à feu faisant plusieurs morts.

Ce sont là des exemples des plus « softs », les sévices sexuels étaient systématiques, généralisées et très variés, tout comme le poulet rôti qui est devenu un classique incontournable.

Mais si la vérité ne vous intéresse pas ou si vous avez peur de toucher aux symboles comme Bourguiba, il ne vous restera que le récit d’Enahdha qui finira par s’imprimer à l’insu de votre plein gré.

Lotfi Achour