L’UE fustige l’escalade à Gaza et s’apprête à réexaminer ses échanges commerciaux et sa coopération avec Israël en raison des violations présumées des droits de l’homme à Gaza, a déclaré la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.
L’Union européenne va réexaminer son vaste accord de commerce et de coopération avec Israël en raison de l’intensification de l’offensive dans la bande de Gaza et de l’incapacité de ce dernier à lever totalement un blocus de deux mois.
Cette décision a été prise mardi après que 17 des 27 ministres des affaires étrangères de l’Union européenne ont soutenu la proposition présentée au début du mois par le chef de la diplomatie européenne, Caspar Veldkamp.
Cela signifie que l’exécutif de l’UE va maintenant lancer un examen pour déterminer si Israël a violé ses obligations en matière de droits de l’homme en vertu de l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël, un pacte de grande envergure qui définit les relations commerciales et diplomatiques entre les deux parties.
« Il ressort clairement des discussions d’aujourd’hui qu’une forte majorité se dégage en faveur d’un réexamen de l’article 2 de notre accord d’association avec Israël », a déclaré Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, à la presse à Bruxelles.
« Nous allons lancer ce réexamen et, dans l’intervalle, il appartient à Israël de débloquer davantage d’aide humanitaire [pour les Gazaouis] ».
L’article 2 stipule que les relations « sont fondées sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guident leur politique intérieure et internationale et constituent un élément essentiel du présent accord ».
L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël, avec des relations commerciales évaluées à plus de 45 milliards d’euros par an.
Il y a 15 mois, l’Irlande et l’Espagne ont pour la première fois évoqué la possibilité de revenir sur l’accord d’association dans une lettre adressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui est restée sans réponse, mais elles n’ont pas réussi à obtenir le soutien ferme d’un autre pays de l’UE.
La démarche a toutefois pris un nouvel élan ces dernières semaines lorsque les Pays-Bas, considérés comme un allié solide d’Israël, ont déclaré que le « blocus humanitaire » imposé par Israël à Gaza, où une quantité limitée de fournitures essentielles est entrée lundi pour la première fois depuis plus de onze semaines, constituait une « violation du droit humanitaire international » et donc de l’article 2 de l’accord d’association.
Neuf États membres :
la Belgique,
la Finlande,
la France,
l’Irlande,
le Luxembourg,
le Portugal,
la Slovénie,
l’Espagne
et la Suède avaient publiquement soutenu la proposition des Pays-Bas avant la réunion de mardi des ministres des affaires étrangères.
L’Autriche, le Danemark, l’Estonie, Malte, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie ont également soutenu la révision mardi, selon des sources diplomatiques.
La Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Italie et la Lituanie étaient contre, tandis que la Lettonie s’est abstenue, ont également indiqué les sources.
Une autre proposition visant à accroître la pression sur Israël en introduisant de nouvelles sanctions contre les colons israéliens responsables de violences en Cisjordanie a été soutenue par 26 des 27 États membres, mais la Hongrie a opposé son veto.
La ministre suédoise des affaires étrangères, Maria Malmer Stenergard, a laissé entendre qu’elle irait plus loin et « ferait pression pour que l’UE prenne des sanctions à l’encontre de certains ministres israéliens ».
Plus tôt dans la journée de mardi, le Royaume-Uni a suspendu ses négociations commerciales et convoqué l’ambassadeur d’Israël en raison de ce qu’il a qualifié d’offensive « intolérable » de Tsahal à Gaza. Cette décision est intervenue après que les dirigeants du Royaume-Uni, de la France et du Canada ont prévenu qu’ils « ne resteraient pas les bras croisés » face aux « actions scandaleuses » du gouvernement Netanyahu dans l’enclave palestinienne, tout en appelant le Hamas à libérer immédiatement les derniers otages détenus.
L’Union européenne a toujours été très divisée sur la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée par les attaques terroristes du 7 octobre 2023.
Le prédécesseur de Kaja Kallas, Josep Borrell, a personnellement évoqué la possibilité de suspendre les liens avec Israël en novembre dernier, ce qui a conduit à l’organisation d’une réunion à huis clos entre le ministre israélien des Affaires étrangères et ses homologues de l’UE.
Lors de cette réunion, présidée déjà par Kaja Kallas, les appels à la révision de l’article 2 ont été complètement mis en sourdine alors qu’un cessez-le-feu était en vigueur à Gaza.
Le blocus de onze semaines sur l’entrée de l’aide semble avoir déclenché un revirement dans bon nombre de capitales européennes.
Kallas a déclaré que la décision d’Israël d’autoriser un nombre limité de camions à entrer dans l’enclave était certes « bienvenue », mais qu’il s’agissait d’une « goutte d’eau dans l’océan ».
« L’aide doit être acheminée immédiatement et à grande échelle », a-t-elle exigé.