J’avais dit que je n’avais plus de mots. Que les larmes avaient pris toute la place.
Mais il y a toujours un nouveau coup. Un nouveau pic de douleur qui vient me rappeler que je n’ai pas le droit de me taire. Que je dois parler. Hurler. Taper. Écrire. Témoigner. Encore.
Sonia Dahmani n’a pas le droit de bouger.
Dans sa cellule, elle ne peut pas marcher. Elle ne peut pas étirer ses jambes ni lever les bras pour délier une articulation trop raide. Elle n’a pas le droit de se tenir debout pour soulager son dos. Elle n’a pas le droit de faire de mouvements , pas même celui d’arpenter le minuscule espace qui entoure sa paillasse. Si elle le fait la chef de la cellule, la « cabrana » fait un rapport et la punition tombe.
Sur 24 heures, elle passe 23h30 immobile, allongée sur son matelas ou assise sur une glacière en plastique. Voilà ce qu’il lui reste de liberté physique : une alternance de douleurs.
Or, un corps privé de mouvement s’abîme. Ses genoux ne la portent plus. Elle ne tient plus debout. Ses articulations la trahissent. Son épaule ne répond plus. Son dos est une brûlure constante. Elle souffre d’un corps qu’on empêche de vivre, d’un corps qu’on laisse se défaire à petit feu.
Elle a mal. Tout le temps.
Plusieurs mois qu’elle nous dit qu’elle souffre. Elle ne réclame pas de privilège. Elle ne demande pas un traitement de faveur. Elle demande simplement à pouvoir bouger dans sa cellule. Pas dehors. Pas en salle de sport. Dans sa cellule.
Il lui a fallu deux mois pour obtenir un rendez-vous avec le médecin de la prison. Deux mois d’attente pour que le médecin lui réponde qu’elle doit absolument faire de l’exercice, mais qu’elle n’a pas le droit de l’y autoriser. Qu’elle va l’envoyer à l’hôpital. Alors elle a attendu encore. De longues semaines supplémentaires avant d’être transférée dans un hôpital, examinée par un nouveau médecin qui encore une fois lui dit qu’elle doit faire du sport mais qu’il ne peut pas l’autoriser sans radios. Alors on fait des radios. Du cou. De l’épaule qu’elle ne peut plus bouger. Des genoux qui ne la portent plus.
Et maintenant ? Maintenant, on attend encore.
On attend qu’un autre médecin voie les radios.
Puis qu’un autre rédige un rapport.
Puis qu’un autre analyse le rapport.
Puis qu’un autre donne un avis.
Puis qu’un autre autorise.
Combien de médecins ? Combien de gardiens ? Combien de signatures faudra-t-il pour qu’on lui permette… de bouger.
De faire un pas. De s’étirer. D’exister autrement qu’allongée.
À ce stade, il est nécessaire de nommer ce que l’on tente d’euphémiser, il ne s’agit pas d’une lenteur administrative, d’un oubli regrettable, ou d’un enchaînement malheureux. Ce qu’on inflige à Sonia Dahmani relève d’un acharnement méthodique. Ce que vit cette femme, privée de ses droits les plus fondamentaux, soumise à une immobilité imposée et prolongée, est une forme de torture. Une punition par le corps. Une condamnation physique déguisée en mesure disciplinaire. Une violence organisée, planifiée, assumée.
Au silence qu’on veut lui imposer, s’ajoute désormais une stratégie plus perverse, briser son corps pour mieux briser sa pensée.
Je ne sais pas combien de mois Malek Dallaaï va la faire attendre. Je ne sais pas combien de médecins, de rapports, de décisions, il faudra empiler pour que l’on accepte simplement de lui laisser un mètre carré de liberté musculaire. Mais je sais une chose : je ne me tairai pas.
Ma sœur est torturée.
Et personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.
Je parlerai pour elle. J’écrirai pour elle. Je poursuivrai chaque institution qui aura couvert, permis ou ignoré cette torture lente. Parce que ce qu’on fait à Sonia aujourd’hui, on le fait au vu et au su de tous. Et chaque silence devient une complicité.
Elle n’a plus le droit de se lever. Alors je me lève à sa place.
Si vous avez un cœur, un peu de courage, un peu de conscience, parlez. Relayez. Criez avec moi.
Ne la laissez pas mourir en silence.
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قلت ماعاتش عندي كلام، قعدلي كان لوجيعة و الدموع
أمّا كل مرّة تجي ضربة جديدة، وجيعة و قهر يفكروني اللي ما عنديش الحق نسكت، اللي لازم نحكي و نكتب و نصيح و نضرب بالبونية على اختي
سنيّة الدّهماني محرومة من حقّها في الحركة
مش نحكي على الخروج مالبيت و إلا على النصف ساعة آرية. لا، ممنوعة بش تتحرّك في البيت، ممنوعة تاقف، أدوّر الدمّ، تحرّك و تخدّم ساقيها و يدّيها
عندها زوز خيارات وتافف غادي، يا ممدودة على الفرش، يا قاعدة على ڤلاصيرة. في الأربع وعشرين ساعة، تعدّي 23 ساعة و نص قاعدة و ساعة ساعة تتكّى
و إذا تقوم، و إلا تتحرّك، الكبرانة تكتب فيها تقرير، والعقوبة تطيح
الحركة جريمة
والبدن كيف ما يتحرّكش، يتهدّ
ساقيها ما عادش هازّينها
ما عادش تنجم تاقف
مفاصلها يسطّرو
كتفها ما عادش يتحرّك
ضهرها كي الحطبة
عذاب ليل و نهار
اشهرة وهي تشكي و تطلب بش تشوف طبيب
لا قالت على راسي ريشة، لا قالت خير مالناس
لا خرّجوني لا هزوتي لسطاد رادس
قالت نتحرك في العشرين ميترو متاع البيت
شهرين باش قابلت طبيبة الحبس
شهرين بالوجيعة، بش في الأخّر، تقلّها، يلزمك تتحرّك، تعمل شوية سبور، أمّا ما عنديش الحق نرخّسلك، اتو نبعثك للسبيطار
استنّى يا سنية. يجي شهر و نصّ بش هزّوها للسبيطار
الطبيب يقولها فرد كلام، يلزمك تتحرّك، ما عنديش الحق نرخّسلك، لازمك تعمل راديو
عملوا الراديو، رقبتها، كتفها الميّت، ركبتها الي ما عادش هازتها. وتوا نستناو
توا، لازم واحد يشوف الراديو
وواحد يكتب تقرير
وواحد يقرى التقرير
وواحد يعطي رأي
وواحد ياخذ القرار
وواحد يبعث الإذن
هذا الكل على شنوة ؟
باش سنيّة تتحرّك
مش باش تجري. و إلا باش تعمل ماراطون
باش تمدّ ساقيها، تحرّكهم، بش تحرّك و تخدّم يديها، باش تفيّق بدنها من الموت البطيء
قدّاش من طبيب، و من ڤارديان، و من مسؤول باش سنية توللي عندها الحق تحرّك بدنها في بيتها؟
قدّاش من شهر، قدّاش مستنية، قدّاش عذاب باش يعطيوها حقّها في النفس؟
كان هذا مش تعذيب، آش أسمو؟
يلزمها تولّي مقعدة على كرسي بش يقولولها ايا عندك الحقّ في السبور
يلزمها تتهدّ باش تتحركلهم شعراة؟
سنيّة قاعدين يعذّبو فيها
ما يضربوهاش
ما يسبّوهاش
أما يقتلو فيها بالعرق
و مش تقول أمور إداريّة، و إلا نساو و إلا هذاك المعمول بيه
الّي صاير هو تعذيب ممنهج
هو قهر
هو تدمير متعمّد لبدن مرا حرّة
هو تعذيب جسدي قال شنوة إجراءات
سكّرو عليها بش يسكتوها، وتوا يحبّو يسكتو بدنها زادة
و كيفاش يسكتوه، يهدّوه
ما نعرفش قداش ملاك الدلاّعي باش تخلّيها تستنّى
ما نعرفش قداش من مسؤول و من تصحاحة و من طبيب باش سنية تنجم تعمل شوية حركات في بيتها
أمّا نعرف حاجة
مانيش باش نسكت
باش نحكي في بلاصتها و باش نكتب في بلاصتها و
باش نشكي بكل إدارة و بكل جهاز و بكلّ من سكت وسهّل وغطّى وعذّب
أختي قاعدة تتعذّب
وكلّ واحد ساكت، شريك في الجريمة
هي ما عادش تنجم توقف
ميسالش أنا ناقف في بلاصتها
و إذا عندكم قلب، إذا تنساو الخوف، إذا عندكم ڤرام شفقة، برطاجيو، إحكيو
وصّلو صوت سنية
هزّوا معانا شوية حمل
ما تخلّيوهاش تموت بالسكات.
Ramla Dahmani Accent