Tout à l’heure, en écoutant le jeune porte-parole du gouvernement et ministre de l’emploi et de la formation professionnelle à la radio, je me suis remémoré la célèbre anecdote sur Bourguiba que nous a racontée Si Omar Shabou, journaliste et fondateur du journal Le Maghreb, dans sa dernière vidéo.
En effet, Bourguiba aurait un jour, sous l’empire de la colère, lancé à ses ministres : « Si je vous pressais tous autant que vous êtes, je n’obtiendrais pas un ministre digne de ce nom. » Il avait en face de lui Béhi Ladgham, Hédi Nouira, Mansour Moalla, Chedly Klibi, Driss Guiga… Des noms prestigieux qui ont grandement participé à l’édification de l’Etat moderne. Cette anecdote exprime le contraste qui existe entre les noms suscités qui sont inscrits en lettres d’or dans l’Histoire récente de la Tunisie et les guignols d’aujourd’hui qui occupent les fonctions de ministres.
Pour revenir à Nasreddine Ncibi, ce type peut être tout sauf ministre. Je parle en connaissance de cause car je le connais. Nasreddine n’est pas un mauvais garçon, mais il n’est pas à sa place. En effet, quelques années plus tôt, et après avoir décroché son diplôme de droit à Tunis, il est parti au Canada pour poursuivre ses études. Ensuite, il est rentré en Tunisie et a passé le concours de l’Institut supérieur de la magistrature. Ce garçon de Hay El Khadra était coach de musculation dans une salle d’entraînement que j’ai fréquentée pendant de longues années et qui s’était spécialisée dans la boxe française.
Ce n’est pas un mauvais gars, il a laissé une réputation sans tache au gymnase, mais j’ai l’impression qu’il renie un peu ses anciens potes boxeurs et son passé de président de l’association tunisienne de boxe française (ATUBOF). D’ailleurs, dans l’enregistrement disponible ci-dessous, Nasreddine Ncibi intervient sur les ondes de Shems fm pour une mise au point ; il y avait eu quelque petite bisbille entre l’entraîneur de boxe française de l’équipe nationale de Tunisie, qui était aussi le patron de la salle de sport dont je vous ai parlé, et son poulain Zouheir Gadhgadhi, un boxeur originaire de Fernana (Jendouba) et qui s’entraînait régulièrement avec nous.
Pour devenir ministre, il faut maîtriser parfaitement ses dossiers, avoir de la bouteille et une profonde connaissance des rouages de l’Etat. Il y va de l’intérêt de tout un pays et de l’avenir des futures générations. Or, lorsque Nasreddine Ncibi a été nommé ministre de l’emploi et de la formation professionnelle, il venait à peine d’entamer sa carrière dans la magistrature. En fait, il a été parachuté parce qu’un membre de l’entourage de Kaïs Saïed l’appréciait. L’actuel ministre et porte-parole du gouvernement tunisien est devenu magistrat il y a seulement quelques années, donc il manque d’expérience et n’a pas les épaules assez solides pour remplir de telles fonctions.
La nomination de monsieur Ncibi prouve qu’on peut devenir ministre en Tunisie en brûlant toutes les étapes préalables, toutes les étapes d’une lente maturation politique. En somme, en Tunisie, on peut facilement intégrer un gouvernement sans avoir toutes les compétences requises. La présidence de l’ATUBOF est son principal fait d’armes avant de devenir ministre. Qui plus est, il n’a pas eu à batailler pour présider cette association, puisque l’entraîneur de l’équipe de savate est venu le chercher. Bref, une nomination hasardeuse parmi tant d’autres signée le Rain Man de Carthage !
P.-S. : Les vidéos qui témoignent de son passé de président de l’association tunisienne de boxe française, une association créée par un ami entraîneur de boxe et ancien patron d’une salle de sport, ont été supprimées de Google et des sites d’hébergement tels que Youtube. Fort heureusement, rien ne se perd. 🙂
Pierrot LeFou