Il y a deux jours j’avais écrit sur ma page officielle un statut portant sur la manière d’exprimer les réserves de change du pays en nombre de jours d’importation. Ce statut a été partagé de manière massive et provoqué des commentaires très constructifs qui se comptent par centaines. Mais il y avait aussi quelques commentaires qui s’attaquaient à ma personne au lieu de chercher à discuter l’idée ou l’approche et le but d’une telle réflexion. Il y avait des commentaires de type polémique. Quelqu’un (un véritable chargé de mission) m’avait même accusé de m’attaquer à la personne du gouverneur de la BCT. Le statut est toujours là, il parle de la BCT et non du gouverneur. Si Abdellatif B. H. si vous ne comprenez pas ce n’est pas grave, mais prenez au moins la peine de lire.
Cette polémique inventée de toute pièce est le résultat de quelque chose de grave: chez nous il y a des gens qui ne réfléchissent pas (ils en sont incapables) et ils veulent empêcher les autres de réfléchir. Allah ghaleb.
Venons-en au coeur du sujet, et c’est l’objet de cette précision. Je vais pour cela illustrer le raisonnement par un exemple simple.
Je dispose de certaines réserves (économies) et j’essaye d’exprimer mes réserves en nombre de jours de dépenses personnelles. Mes économies s’élèvent à 3.000 Dinars par exemple et pour couvrir mes besoins quotidiens il me faut 50 Dinars par exemple. Mes économies me suffisent pour couvrir mes besoins pendant 60 jours (3.000 / 50 = 60). Supposons maintenant que les prix ont flambé et que pour couvrir les mêmes besoins quotidiens il me faut 75 Dinars (et non plus 50), avec un minimum de réalisme, de rationalité et de responsabilité je dois comprendre que mes économies ne couvrent plus que 40 jours et non plus 60. Si je tiens à garder des réserves qui me suffisent pour au moins 60 jours je dois trouver une solution consistant soit à améliorer le niveau de mes réserves (économies), soit à réduire mes besoins de dépenses quotidiennes. Si je m’entête à ignorer les nouvelles conditions de prix (conditions du marché) et je continue à exprimer mes économies en fonction des anciens prix (qui ne sont plus d’actualité), ce serait un comportement irréaliste, irresponsable er relevant de la politique du déni et de la fuite en avant.
C’est exactement le cas de nos réserves de change aujourd’hui. Pour ceux qui veulent comprendre (pour les autres je n’y peux rien) il ne s’agit ni d’attaque contre le gouverneur, ni d’un crime de lèse majesté. Continuer à évaluer nos réserves de change sur la base de prix historiques (douze derniers mois) et de valeur historique de la monnaie nationale revient à ignorer la flambée sans précédent des prix des produits importés et à ignorer la baisse de la valeur du Dinar (contre le Dollar US notamment) et de camper dans cette politique de déni et de fuite en avant.
La loi de 2016 donne à la BCT la mission de conduire la politique monétaire en toute indépendance par rapport au pouvoir exécutif. La loi confie aussi à la BCT le rôle de conseiller financier de l’état. Ces deux fonctions impliquent entre autres la nécessité de gérer en toute prudence et sans entêtement, surtout étant données la situation difficile que traverse notre pays et qui est sans aucun doute le résultat de mauvaises politiques et de mauvais choix faits par la Tunisie depuis 2011. Il est clair aussi que l’indépendance accordée par la loi à la BCT n’a pas empêché notre pays de tomber dans le gouffre de la dette excessive, de l’inflation, de la stagnation économique, de la perte de dizaines de milliers d’entreprises et de dizaines de milliers d’emplois, de la baisse inquiétante de la valeur de la monnaie nationale, des déficits abyssaux (déficit commercial, déficit courant, déficit du budget).
Allah ghaleb il y a des Tunisiens qui ne réfléchissent pas (ou qu’ils en sont incapables) et qui tiennent à empêcher les autres de réfléchir. J’allais citer des noms mais je préfère m’en abstenir.
Ezzeddine Saidane