Si je devais chuchoter aux morts pour qu’ils se réveillent, je demanderais à Chokri BELAID de se lever en premier…
Si je devais prononcer une plaidoirie , j’aimerais qu’elle soit à l’image de cet homme…
Si je devais dessiner des images de bonheur, je le ferais avec la plume de cet aigle, volant haut dans des cieux jusque-là méconnus…
Si je devais exprimer la Liberté, je le ferais, telle une symphonie d’un virtuose, tel un hymne de soldat vaillant, telle une mélodie éternelle…
Si je devais implorer la terre, la quémander, je lui dirais de prendre soin de sa dépouille, afin qu’elle repose en paix dans le silence des gens dignes…
La mort, voyez-vous, est d’autant plus précieuse lorsque la vie perdure au-delà d’un corps qui s’éteint !
Le patriote, le progressiste, l’homme de gauche, le défenseur des libertés aura laissé son empreinte vivace dans le cœur et la mémoire des tunisiens, 8 ans après.
C’est dire…quelle belle prouesse Maître !
L’homme de Loi, le militant, le politicien , le tribun, nous surprendra toujours…même 6 pieds sous terre! Il titille notre intelligence, nos sens, notre essence avec ses mots coulant de source, ses discours enflammés, ses prises de position courageuses, et sa longue vue des choses…
Charismatique, il l’était, ô combien ! Éloquent, authentique, cultivé. En plus de son rire franc et communicateur, cette voix rauque et chaude mais imposante, audible, fascinante !
Chokri BELAID, le Dinosaure, le Lion qui rugit et impose le respect. Quelle perte! Quel homme remarquable et quelle absence remarquée !
Lui, l’avocat, le tribun hors-pair, le citoyen, l’intello témoin de son époque. Lui, l’homme humble, pragmatique, le révolutionnaire au sens de la repartie si légendaire, ne peut que forcer le respect ! Et l’admiration.
Il est de ceux qui sont « habités par la chose », mus par une force irrésistible qui les met au-devant d’une scène parsemée de mines aigries… et de mines tout court!
Chokri B. est notre Chee tunisien. C’est une bête de la politique. A l’état brut. Pur. Mûr.
Il suinte l’engagement, la révolte positive. Avide de liberté plurielle pour lui et son peuple.
Sa grandeur est dans son audace à dire les choses, sans détours, à dénoncer, à lutter. La Tunisie sera bel et bien orpheline d’un rare visionnaire, amoureux transi de son pays !
Ils l’ont tué car il a osé les pointer du doigt ! Accusateur, vindicatif, défendant sa Patrie comme on défend un nouveau-né fragile!
Ce sont eux: les islamistes-salafistes. Si peu intègres mais si intégristes…Il était cette épine qui leur restait au travers de la gorge…
Il fut criblé de balles ! Au sortir de son domicile. Il était dans sa voiture. Il était dans son pays qu’il aimait tant.
Il succomba. L’Histoire s’arrêta, fit un arrêt sur image sur cette mort presqu’ annoncée.
Ultime traîtrise de commanditaires qui polluent notre Parlement et toutes nos Institutions. Restés impunis jusque-là…
La voix de Chokri résonne encore lorsqu’il parlait de la poussée de l’islam intégriste comme étant » un projet servant un plan de déstabilisation américano-qatari-sionniste ».
Il dénonçait déjà l’envoi de jeunes en Syrie qui défendaient un projet qui n’était pas le leur ». Et dont certains avaient pour mission de semer terreur et violence en Tunisie.
Il en fit hélas les frais !!!
Fauché à 48 ans alors qu’il avait tant à dire, à faire, à plaider, à rire, à chanter, à aimer, à partager…C’est si injuste d’arracher ainsi une rose, pas tout à fait éclose !
Homme de métaphore, Chokri disait que » la Tunisie est un jardin avec 100 roses »…
Éclectique Tunisie, riche de ses différences, de l’intelligence de son peuple. C’est ça notre capital, disait-il, c’est notre intelligence!
Comme j’aime ce discours, comme je le valide ! J’aime les êtres dotés de talent, d’une intelligence supérieure, d’une force de persuasion. J’aime ceux qui sont porteurs d’un message, au-delà des régimes, au-delà des générations et des frontières…
Tuer Chokri BELAID, c’est un peu tuer Martin Luther King, ou Chee Guevara ou Ghandi ou Nelson Mandela !
Oui, notre Chokri était un Grand parmi les Grands. Une de ces graines fertiles et pures augurant d’espoir pour une Nation en perte de valeurs, presque à bout de souffle.
Suite à ce lâche assassinat, le pays sera mis à feu et à sang! Des locaux de la suspecte Nahdha furent saccagés, brûlés !
Une foule compacte, véritable marée humaine, la larme à l’oeil, la rage au coeur, portera le cercueil du héros, du martyr, du sacrifié jusqu’à sa dernière demeure, à El Jallaz…
L’Histoire inscrira l’événement en lettres de sang! Pour la mémoire. Pour une Justice escomptée. Qui tarde à venir…
Brillant avocat, il militait au sein du Parti des Patriotes Démocrates. Il était surtout et avant tout un humaniste, imprégné de justice et d’équité.
Ses bourreaux ont commis un sacrilège en éliminant un esprit porteur d’idées belles comme 100 roses écloses un matin de printemps…
Bruxelles, le 06.02.2021
Raja Snoussi