Cela fait maintenant Quarante ans que je l’ai connu pour la première fois . C’était au tout début des années Quatre-vingt du siècle dernier. Comme le temps passe vite ! Le temps qui nous met face à notre finitude en sonnant chaque année les cloches du départ. Le sien était brutal , inattendu , laissant après lui un vide sidéral et une douleur insondable.
Nous n’étions pas dans le même Lycée mais nous nous croisions souvent lors des contestations , assez fréquentes à l’époque , sur les places de Tunis et ses grandes artères.
Je l’ai retrouvé ensuite sur les bancs de l’université où sa réputation l’a déjà précédé . Je m’employais tout naturellement à assister lors de ses prises de parole dans les A . G ou autres occasions .
Quand il se mettait debout sur la fameuse ( Roche de Socrates ) – Un large pilon en granite qui soutient la rampe des escaliers attenant à la bibliothèque du Campus – nous étions alors subjugués par la clarté de son discours, par la précision de ses formules et par la force de ses convictions. Son physique frêle contrastait singulièrement avec sa voix rauque, masculine.
Il avait néanmoins ce don de trouver les mots justes pour expliquer les situations les plus complexes tant au niveau de la scène politique nationale qu’au niveau régional , notamment dans le Moyen-Orient avec bien sûr un intérêt particulier pour la cause Palestinienne.
Un certain 6 Février 2013 des tueurs à la solde de la métastase Islamo-fasciste l’ont réduit au silence . Un attentat lâche, un crime inqualifiable , une intrusion de l’obscurité dans la lumière.
Ma joie a été immense de voir ses deux filles ( Neyrouz ) et ( Nada ) assister aux manifestations de la semaine passée pour crier , avec les jeunes de leur âge , leur ras-le-bol contre une domination « frériste » qui a mené le pays au désastre.
Ces deux superbes créatures semblent décidées à suivre la voie tracée par leur père et clamer haut et fort que la lumière aura un jour sa revanche sur l’obscurité.
Voilà ce que j’ai écrit en 2013. …
En hommage à Chokri…...
Lors de ses funérailles, et dans tous les coins de ce pays en deuil, son nom était murmuré au rythme d’une douce mélodie orientale ( Mayhana ) .
Une foule nombreuse , immense , était venue lui rendre un dernier hommage et vociférait contre l’hydre de la terreur qui planait désormais sur la patrie.
Au cimetière , les senteurs de géranium et d’eucalyptus ont absorbé les gaz lacrymogènes qu’un vent froid venait en cet après midi morose déverser sur la foule .
Lors de ces moments de grande peine , nous savions tous que le seul honneur authentique qui peut lui être rendu est celui de donner un sens à son sacrifice, en faisant qu’il ne soit pas vain. Nous arrêter, hésiter, douter, c’est l’oublier et le trahir.
Ben Ahmed Sobhi