Le passage en force ou le piège

Les publicistes chez-nous ne sont pas unanimes à propos de cette nouvelle problématique de Droit – mais aussi de politique – que pose le dernier remaniement ministériel opéré par le Chef de Gouvernement Mechichi.
Le but était bien entendu de « purger » l’équipe gouvernementale des ministres fidèles au Chef de l’état et le moyen adopté était peu orthodoxe , un véritable passage en force où le Président Kaïs Saïed est mis devant le fait accompli.

Au départ, c’était pourtant M.Saïed qui détenait l’initiative de nommer le Chef de Gouvernement mais voilà que ce dernier est allé s’abriter chez la majorité parlementaire , le président ne peut maintenant que constater les dégâts puisque le pouvoir exécutif est en train de lui filer entre les doigts .
Reste pour le Chef de Gouvernement , afin de parfaire son passage en force , de régler cette question – devenue épineuse – celle de la prestation de serment devant le C . Etat, serment que la constitution impose aux Treize nouveaux ministres . Or , M.Saied l’a d’ores et déjà annoncé : Les ministres « qui traînent des casseroles » ne seront pas autorisés à prêter Serment. Nous voilà donc au coeur d’un nouveau blocage.

Les Frères Ben Achour ( Mrs : Yadh et Rafa’a ) , auxquels nous vouons bien sûr le respect dû à leur rang académique, ont évoqué « la théorie de la formalité impossible » et pensent que le CDG pourrait passer outre le serment. Le Professeur Amine Mahfoudh spécialiste du droit constitutionnel , quant à lui , pense tout à fait le contraire , selon lui cette théorie du Droit Administratif ne saurait être applicable en l’espèce et la prestation de serment reste donc une condition « Sine qua none » . Cet avis , auquel nous-nous rangeons, fait que les nouveaux ministres ne peuvent en aucun cas entrer en fonction.

Ce genre de débat pourrait évidemment s’éterniser et générer un immense gaspillage de temps et d’intelligence, car ce qui se pose au-delà des aspects techniques, c’est la nature même du régime politique instauré par la constitution de 2014. Un casse-tête Chinois , un inextricable jeu de labyrinthes avec de multiples trapes et autant de pièges, c’est en bref cela la nouvelle constitution . Mal élaborée, mal conçue et mal écrite, elle s’apparente plutôt à « une auberge Espagnole » où tous les contraires sont réunis. Premier article de la constitution : « La Tunisie est un État indépendant , l’Arabe est sa langue officielle et l’islam est sa religion . Second article : « La Tunisie est un Etat civil »  , donc pas religieux et la liberté de conscience est garantie . Le Président de la République est élu au suffrage direct mais il est empêché de gouverner , … ect .

À ces contradictions sont venues s’ajouter les innombrables lacunes et les failles flagrantes que la pratique a mises à nu .

Enfin et pour ne rien arranger , toutes les coalitions qui se sont succédées depuis 2014 avec toujours à leur tête la secte islamiste Ennahdha , ont omis sciemment de former une cour constitutionnelle prévue pourtant dans un délai d’une année à partir de la promulgation de la constitution. À chaque fois que le sujet de cette cour est évoqué, les tractations commencent et chacun cherche à placer les siens et nous retombons immanquablement dans le blocage.

Ainsi , et pour résumer, lorsque la mauvaise foi prend comme alliés l’incompétence et l’amateurisme, ce sont des générations entières qui paient le prix .

Ben Ahmed Sobhi