Un homme trapu se tenait à l’affût sous un Carroubier asséché , il scrutait le sentier qui serpentait la colline chauve derrière laquelle se tenait une montagne majestueuse.
Meur D était tendu , il tenait à peine sur ses jambes . C’était la première fois de sa vie qu’il allait rencontrer des terroristes.
L’émir de la Katiba ( Okba ibnou Nafa’a ) lui a pourtant fixé rendez-vous ici , et il est venu à l’heure convenue mais personne ne l’attendait .
Le temps passait et rien ne pointait à l’horizon , Meur D décida d’aller s’abriter dans sa voiture qu’il avait pris soin de cacher plus bas derrière des buissons épineux. À peine a-t-il ouvert la portière et mis son postérieur sur le siège qu’un type surgit de la banquette-arrière arme au poing .
– » Où est l’argent ? Gronda l’homme cagoulé .
– Euh !! Oui , l’argent bien sûr. » Meur D tremblait de la tête aux pieds, il a failli faire dans son froc . Résigné, il fit sortir de la boite à gants de son 4×4 flambant neuf des liasses de billets en devise qu’il tendit au type dont n’apparaissait que les yeux .
– Tout y est ? Demanda l’homme armé.
– Euh !! Oui . Cinq cents paquets , comme convenu .
Tandis que le gars rangeait l’argent dans son escarcelle , Meur D eut le courage de lui dire :
– Passez mon salut et mon allégeance à l’émir. Dites-lui aussi que le maudit K.W ne cesse de grignoter nos parts du marché et refuse de contribuer au Jihad.
Le gars écoutait sans rien dire puis il ramassa sa gandoura et s’éclipsa dans le noir de la nuit .
Meur D poussa un Ouf de soulagement , il était néanmoins satisfait puisqu’il n’aura plus à s’inquiéter pour son dépôt plein à craquer de produits Chinois. Même ses camions pourraient passer la frontière sous bonne garde de la Katiba. Cela lui a certes coûté la peau des fesses , mais il pourrait vite récupérer si l’émir le débarrassait de ses concurrents.
Deux jours après , K.W fut retrouvé décapité, corps et tête jetés sur le sable aride du désert. Meur D était aux anges , il était de plus en plus convaincu de son génie. Quel coup de maître ! Avoir à la fois des anges gardiens et des anges de la mort à sa solde . Quelle chance !! Décidément, il était le roi de la contrebande !
Meur D était à mille lieux de penser qu’il va bientôt regretter d’avoir joué avec les loups .
Les visites de l’émir se firent plus fréquentes et les sommes demandées de plus en plus grandes . Meur D se sentait pris au piège. Il pensa longuement à la situation et ne trouva d’autres issues que d’aller demander la protection de l’armée. Il alla rencontrer un Colonel en faction et lui raconta que les terroristes le rackettaient.
Un plan fut élaboré pour arrêter la bande et Meur D promit d’alerter l’armée lorsque la Katiba viendra lui réclamer de l’argent .
Au jour convenu , des divisions entières prirent position autour de la colline chauve où se faisait d’habitude la livraison du fric .
Méfiant comme un rat , l’émir envoya plus-tôt un éclaireur et découvrit vite le piège.
Las , exténué et ne voyant rien arriver , l’officier ordonna la levée du siège .
Après le départ de l’armée , Meur D était livré à lui-même . Son dépôt et ses camions ne tardèrent pas à s’embraser dans un feu gigantesque qui illumina l’obscurité du Sahara .
Pris de panique , le contrebandier ne se sentait plus en sécurité .Il ne pouvait pas rentrer chez-lui puisque l’émir viendra le chercher jusque dans sa chiotte , il prit tout ce qu’il avait comme argent liquide et conduisit son 4×4 des heures durant au coeur du désert.
Avec la levée du jour , dix hommes armés pointèrent à l’horizon avec leurs pick-up . Ils s’étaient fondus dans le mirage et le fuyard fut surpris de les trouver juste derrière lui .
L’émir n’a pas eu trop de mal à localiser Meur D puisque dès leur première rencontre, il lui avait dissimulé un émetteur GPS dans le châssis de sa voiture .
Les yeux crevés, les oreilles coupées et la gorge tranchée, le corps de Meur D gisait au milieu de nulle part dans l’immensité du désert .
Ben Ahmed Sobhi
NB / Toute ressemblance avec des faits réels ou des personnages réels est fortuite. La rédaction ne vise personne en particulier et dégage toute sa responsabilité au cas où cette fiction serait mal interprétée