Une foule monstre de partisans de Donald Trump a envahi les alentours de la Maison-Blanche mercredi pour soutenir le président sortant et sa quête de voir les résultats légitimes de l’élection présidentielle rejetés par le Congrès. Mais rapidement, ces partisans ont pris la route vers le Capitole, encerclé l’édifice et certains ont même réussi à y entrer, forçant les élus du Congrès à suspendre leurs travaux et se barricader.
Tour à tour, des membres de la Chambre des représentants se sont mis à publier sur Twitter mercredi après-midi qu’ils étaient enfermés dans leurs bureaux, effrayés par le son des manifestants à l’extérieur. Les loyalistes de Donald Trump avaient réussi à repousser les policiers qui protégeaient le Capitole. L’édifice a été bouclé. Mais quelques minutes plus tard, les manifestants étaient entrés dans l’édifice. Certains ont réussi à se frayer un chemin tout juste derrière les portes du Sénat, qui a été forcé de suspendre sa séance. Plusieurs médias américains rapportent que du gaz lacrymogène a été utilisé à l’intérieur du Capitole.
Une personne a été blessée par balles dans l’enceinte, rapporte aussi l’Associated Press. On ignore si sa vie est en danger.
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Le vice-président Mike Pence a aussi été évacué.
Signe des tensions, les autorités ont demandé l’intervention de la Garde nationale, et la ville de Washington a décrété un couvre-feu qui entrera en vigueur dès 18 h.
À l’extérieur, les milliers de trumpistes continuaient d’affluer, encerclant le Capitole ou escaladant carrément les escaliers et les murets l’entourant. La police était visiblement dépassée.
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Trump encourage ses partisans
En fin de matinée, Donald Trump s’était adressé aux manifestants lors d’un long discours au cours duquel il a répété ses allégations infondées d’irrégularités électorales, sommé une fois de plus son vice-président d’intervenir en sa faveur et argué à ses partisans qu’ils ne seraient pas muselés.
« J’ai brigué deux élections. Je les ai gagnées toutes les deux », a une fois de plus faussement plaidé le président sortant devant une foule compacte de partisans sans masque, massés sur le terrain de l’Ellipse et jusqu’au Washington Monument, au sud de la Maison-Blanche. « Nous ne les laisserons pas museler vos voix. Nous ne le permettrons pas », leur a lancé Donald Trump.
Ils étaient des centaines de milliers des manifestants à avoir fait la route vers Washington depuis l’Indiana, le Vermont, le Tennessee ou la Floride. Tous martelaient que l’élection de novembre dernier a été « volée » à Donald Trump. Que les résultats ont été truqués. Et que, peu importe si le Congrès certifie la victoire du démocrate Joe Biden cette semaine, leur lutte pour contester ce résultat ne s’arrêtera pas là.
Chad Melloh a fait dix heures de route depuis Indianapolis pour défendre Donald Trump. Il espérait que mercredi après-midi, dans les murs du Congrès devant lequel plusieurs manifestants avaient déjà convergé, le vice-président sortant Mike Pence intervienne pour rejeter les résultats du vote du collège électoral de certains États où Donald Trump plaide — sans preuves — qu’il y a eu des irrégularités électorales. « Il a beaucoup de pouvoir », insistait M. Melloh, même si le rôle de Mike Pence n’est que protocolaire et que la loi lui interdit de rejeter lui-même ces résultats.
Nonobstant ces faits, Donald Trump a une fois de plus sommé son vice-président de « faire ce que doit » en renvoyant les votes du collège électoral — ce qu’il n’a pas le pouvoir de faire. « Certains disent qu’il faut obéir à la Constitution. Mais c’est ce que vous faites, parce que vous protégez notre pays et vous protégez notre Constitution », a plaidé M. Trump en scandant plus tard qu’il fallait « se débarrasser des membres du Congrès qui sont faibles ».
Mike Pence a rapidement confirmé, par écrit, qu’il n’obtempérerait pas mais respecterait plutôt le rôle protocolaire qui lui est confié par la Constitution.
Au Congrès, des républicains ont comme prévu contesté les résultats du vote du collège électoral en commençant par celui de l’État de l’Arizona.
Le leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell, a déploré ces efforts de ses collègues. « Rien devant nous ne prouve qu’il y a eu de l’illégalité d’une telle ampleur que cela changerait l’issue de toute l’élection », a-t-il argué au début du débat au Sénat. « La Constitution nous donne, au Congrès, un rôle limité. Nous ne pouvons pas simplement nous déclarer un conseil électoral sur les stéroïdes », a martelé le sénateur McConnell, en désavouant complètement la position du président Trump. « Si cette élection était renversée en raison de simples allégations de la part du camp des perdants, notre démocratie sombrerait dans une spirale fatale. Nous ne verrions plus jamais une nation entière accepter les résultats d’une élection. »
Après une heure de chaos à l’extérieur du Capitole, Donald Trump a fini par envoyer un gazouilli à ses partisans. « SVP soutenez notre police du Capitole. Ils sont réellement du côté de notre pays. Demeurez pacifiques ! », a-t-il publié, pendant que la situation continuait de dégénérer.
Les trumpistes promettaient de se battre
Le manifestant Chad Melloh, un fidèle de Donald Trump et fervent croyant catholique, refusait de s’avouer vaincu mercredi matin, malgré le fait que les efforts du président sortant soient voués à l’échec au Congrès. La majorité démocrate pourra contrecarrer les contestations des républicains, et suffisamment de sénateurs républicains feront de même au Sénat. « La Constitution prévoit qu’on a jusqu’au 20 janvier », rétorque M. Melloh, au sujet de la date de l’assermentation du prochain président.
Comme plusieurs partisans de Donald Trump qui se déplacent à ses rassemblements, il avait bien prédit que la grogne pourrait devenir violente.
Mike Nolan, qui a conduit du Tennessee jusqu’à Washington avec son épouse pour soutenir son président et les droits des électeurs, était du même avis. « L’Amérique en a marre des mensonges et de tout ce baratin. Et ils [les Américains] s’apprêtent à agir s’il ne se passe pas quelque chose bientôt », a-t-il prévenu à son tour.
Son épouse Lisa Nolan a renchéri. « Nous sommes des Américains épris de liberté. Nous allons faire n’importe quoi pour conserver notre liberté. »
M. Nolan et son épouse refusent cependant de dire ouvertement, comme le font d’autres trumpistes, qu’ils pourraient avoir recours aux armes. Mais ils sont tout aussi furieux, plaidant que les deux élections sénatoriales en Géorgie ont elles aussi été volées aux républicains (le démocrate Raphael Warnock a été déclaré gagnant, tandis que son collègue Jon Ossoff est le meneur d’une course encore serrée).
Le Parti républicain « corrompu »
S’ils ont tous fait la route par amour pour Donald Trump, les loyalistes du président sortant n’ont pas la même affection pour le Parti républicain. Les élus du parti qui ne défendent pas suffisamment le président sont corrompus à leurs yeux. Une membre de la campagne électorale de Trump a même prévenu, lors du rassemblement de mercredi, que ces individus en paieraient le prix lors des primaires dans deux ans.
Renee Carpentino, du Vermont, ne se dit pas républicaine, mais « constitutionnaliste ». Elle espère qu’un « ménage sera fait » au sein du parti, « parce qu’il y a des républicains corrompus et des démocrates corrompus ».
Quant à la certification de la victoire de Joe Biden par le Congrès, Mme Carpentino n’entend pas l’accepter. « Je ne reconnaîtrai jamais Biden comme étant mon président. » Elle se dit plutôt convaincue que « Dieu va libérer la vérité ».
Avec agences