Au moins 110 paysans ont été froidement tués samedi 28 novembre dans le nord-est du Nigeria alors qu’ils travaillaient dans leurs champs, selon un nouveau bilan. C’est l’attaque la plus meurtrière menée contre des civils cette année dans cette région, en proie à une insurrection djihadiste depuis plus de 10 ans.
Le massacre s’est déroulé le jour des élections des représentants et conseillers régionaux des 27 circonscriptions de l’État du Borno, les premières organisées depuis le début de l’insurrection armée du groupe Boko Haram en 2009. Depuis cette date, on dénombre plus de 36 000 personnes tuées et plus de deux millions ont dû fuir leur foyer.
Le 28 novembre, en début d’après-midi, des hommes armés sont arrivés à moto et ont mené une attaque brutale sur des hommes et des femmes qui travaillaient dans des champs à Koshobe. Au moins 110 civils ont été froidement tués , ( une trentaine d’hommes ont été égorgée ), et de nombreux autres blessés dans cette attaque, a confirmé dans un communiqué le coordinateur humanitaire de l’ONU au Nigeria, Edward Kallon.
Le communiqué de l’ONU ne mentionne pas le groupe djihadiste Boko Haram ni sa faction dissidente, le groupe armé État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), qui multiplient les violences dans cette région et contrôlent une partie du territoire nigérian.
L’attaque s’est produite dans une rizière située à moins de 10 kilomètres de Maiduguri, la capitale de l’État du Borno, épicentre de l’insurrection islamiste. Le mois dernier, 22 agriculteurs avaient déjà été tués dans leurs champs non loin de cette ville.
Les agriculteurs, pêcheurs ou bûcherons sont régulièrement pris pour cibles par les djihadistes, qui les accusent de transmettre des informations à l’armée ou de ne pas payer l’impôt djihadiste, obligatoire pour exercer une activité économique dans certaines zones du Borno.
Un bilan de 43 morts d’abord
Samedi, le responsable d’un groupe d’autodéfense pro-gouvernemental avait fait état de 43 morts. Nous avons retrouvé 43 corps sans vie, tous ont été égorgés, avait déclaré Babakura Kolo. C’est sans aucun doute l’oeuvre de Boko Haram qui opère dans la région et attaque fréquemment les agriculteurs.
Les habitants désignent indistinctement les djihadistes de cette région comme des membres de Boko Haram, qu’ils appartiennent à ce groupe ou à l’ISWAP. Mais le groupe affilié au groupe État islamique est le plus actif dans la zone où se situe le village attaqué affirme sur Twitter Bulama Bukarti, analyste pour l’Afrique subsaharienne à l’Institut Tony Blair.
Les 43 premières victimes ont été enterrées dimanche dans le village voisin de Zabarmari, en présence du gouverneur de l’État du Borno, Babaganan Umara Zulum, alors que les recherches d’autres victimes dans des eaux marécageuses et difficiles d’accès se poursuivaient.
Le gouverneur avait affirmé dimanche que 70 agriculteurs avaient été tués, tout en prévenant que ce bilan pourrait s’alourdir dans les prochaines heures.
Figurent notamment parmi les victimes des dizaines d’ouvriers agricoles originaires de l’État de Sokoto, à environ 1000 km à l’ouest, qui s’étaient rendus dans l’État de Borno pour trouver du travail dans les rizières.
Si aucune revendication n’a été rendue publique, de telles attaques ont été perpétrées par le passé par les groupes Boko Haram ou « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (Iswap). Tous deux sont actifs dans la région, où les activistes islamistes ont tué au moins 30.000 personnes en dix ans.
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Les villageois fuient leurs terres
Des centaines de milliers de personnes ont trouvé refuge dans des camps de fortune après l’attaque de leurs villages par des djihadistes. Environ deux millions de personnes ont dû fuir leur domicile depuis le début du conflit en 2009, qui a fait plus de 36 000 morts.
Depuis plusieurs mois, les autorités ont encouragé les personnes déplacées à retourner dans leur village, affirmant qu’il n’était plus possible financièrement de les prendre en charge. Les déplacés dépendent presque entièrement de l’aide humanitaire pour survivre.
Un nombre important de déplacés ont ainsi regagné leurs villages, pourtant ravagés par les violences.
Le conflit, qui dure depuis plus de 10 ans, a créé une crise humanitaire dramatique, récemment aggravée par de mauvaises récoltes et les restrictions liées au coronavirus.
Nous avons enregistré des niveaux d’insécurité alimentaire similaires à ceux de 2016-2017, au plus fort de la crise humanitaire, lorsque le risque de famine menaçait le nord-est, a déclaré en novembre le coordinateur humanitaire de l’ONU au Nigeria, Edward Kallon.
Environ 4,3 millions de personnes ont été victimes d’insécurité alimentaire en juin 2020, durant la période de soudure, qui se situe entre l’épuisement des réserves et le début des récoltes. L’ONU prévoit que ce chiffre augmente de 20 % l’année prochaine à la même saison.
Avec agences