Coronavirus : Merkel juge que « la situation est grave, prenez-la au sérieux »

En Allemagne, Angela Merkel s’est adressée mercredi 18 mars à la nation. Jamais depuis son arrivée au pouvoir il y a quinze ans, elle ne s’était exprimée de cette manière. Un discours aux accents graves en raison de la progression inévitable du Covid-19. « C’est sérieux », a insisté la chancelière mercredi soir.

Pour la première fois en 14 ans, la chancelière s’est adressée aux Allemands devant les caméras pour les inciter à respecter les restrictions de circulation et de contacts sociaux imposés par son gouvernement pour lutter contre le coronavirus.

« La situation est grave, prenez-la au sérieux. Depuis la Réunification allemande, non, depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y a pas eu de défi pour notre pays qui dépende autant de notre solidarité commune », a prévenu d’un ton mère de famille, bienveillant et déterminé à la fois, Angela Merkel mercredi soir à la télévision.

A sa manière, « Mutti » ne pouvait mieux marquer la gravité de la situation provoquée par le coronavirus. Hormis ses voeux télévisés chaque fin d’année, c’est la première fois en quatorze ans à la tête du pays que la chancelière s’adressait ainsi directement à ses concitoyens à une heure de grande écoute télévisuelle. Avec un objectif : leur faire entendre raison, avant qu’il ne soit trop tard, pour surmonter sans trop de stigmates l’épidémie.

Garder ses distances par attention aux autres

Loin de l’emphase et des menaces d’Emmanuel Macron , Angela Merkel en a appelé à la raison de chacun. Vider les rayons de papiers toilette et de pâtes dans les magasins par précaution « est inutile et, en fin de compte, manque totalement de solidarité », a-t-elle assuré. En revanche, « nous ne sommes pas condamnés à accepter passivement la propagation de ce virus. Nous avons un remède pour cela : Nous devons garder nos distances les uns des autres », a-t-elle assuré. « Seule la distance serait une preuve d’attention ».

Quelques heures auparavant, l’Institut Robert Koch avait déjà mis en garde contre le non-respect des restrictions de circulation et de rassemblement décidées par le gouvernement lundi. « Si nous ne parvenons pas à réduire de manière effective les contacts entre les gens sur quelques semaines, alors il est possible que nous ayons dans deux à trois mois 10 millions de personnes infectées en Allemagne », a averti Lothar Wieler, président de l’institut d’épidémiologie et de veille sanitaire.

Un couvre-feu mal respecté

Celui-ci recensait mardi soir 8.198 cas contre 7.156 enregistrés la veille, et 12 morts, un montant en revanche inchangé en 24 heures. En comparaison de ses voisins européens, les cas mortels sont jusqu’ici peu nombreux . Cette létalité réduite explique sans doute le peu d’empressement de la population allemande à restreindre sa liberté de mouvement, pourtant moins réduite que celle de ses voisins.

Selon la presse berlinoise, la police a même dû intervenir dans au moins deux parcs de la capitale pour empêcher plusieurs centaines de jeunes de faire « une fête du coronavirus ». Mercredi soir, nombre de cafés restaient encore ouverts à Berlin malgré le couvre-feu imposé à partir de 18 heures.

Des slogans sans vision

La chancelière n’a pourtant pas ménagé ses efforts : elle est ainsi intervenue en public à quatre reprises en seulement huit jours pour inciter ses concitoyens à limiter leurs contacts sociaux. « Angela Merkel est identifiée comme la mère de la nation, mais les slogans de fermeté ne suffiront pas dans la situation actuelle. C’est important que maman parle dans les moments difficiles mais elle ne peut s’en tenir à éduquer ses enfants, elle doit leur dire quelles seront les conséquences de cette crise et à quoi ressemblera l’avenir. Cela fait partie du leadership politique », estime Uwe Jun, professeur de sciences politiques à l’université de Trèves.

Angela Merkel a préféré se concentrer sur le présent. « Prenez bien soin de vous et de vos proches ! Je vous remercie », a-t-elle lancé pour terminer son intervention.