Le mystère auquel je me heurte, tantôt placide, tantôt enfiévré, dans la recherche d’une explication à mes déboires d’électeur ayant placé sur le nom d’un ancien collaborateur de Bourguiba tous mes espoirs de voir mon pays réémerger de la marmite du diable, s’épaissit de plus en plus alors que paradoxalement, depuis longtemps déjà, s’accumulent les signes, les recoupements et maintenant les aveux d’une gigantesque tromperie. Cette explication, je me la dois toujours. Aussi, faute de mieux, je limiterai mon propos à quelques conclusions parcellaires:
D’abord, Bourguiba n’a pas eu autour de lui que des hommes d’état. Il s’y est trouvé qui a servi la Tunisie rien que pour le servir et jouir, à son ombre, d’une notoriété et d’un statut social conséquents. En dehors de la référence résiduelle que cela pouvait représenter dans une arène politique des plus malsaines, rien, aucune action méritoire particulière et surtout pas la moindre miette de charisme ne pouvait déterminer le vote des tunisiens qui comme moi paieront très cher une erreur du regretté premier Président de la République sur des qualités essentielles, comme il est dit en droit français de l’une des causes de nullité du mariage.
Ensuite, je trouve établie à jamais une distinction fondamentale, souvent dangereusement ignorée, entre ceux qui ont réellement un destin au sens de ce contexte précis et les petites gens. Pour la saisir, on ne peut convoquer meilleur connaisseur en la matière que Jules César qui disait préférer être premier dans un village que deuxième à Rome. L’idée ainsi exprimée montre bien la différence sur une échelle de valeurs principalement humaine et accessoirement politique de sorte que s’il advient que le courtisan se trouve par un hasard ou un concours de circonstances donné à la place du décideur, les intérêts de tous ordres, publics et privés, s’enchevêtrent inextricablement, le désordre s’installe et la ruine ne se fait pas attendre.
Enfin, quand, en connaissance des siennes propres, on découvre au sommet de l’Etat les limites constitutionnelles d’un pouvoir en ne l’exerçant pas, notamment pour l’avoir hypothéqué, on ne peut décliner la lourde responsabilité d’avoir sciemment verrouillé le sort de son pays sur la voie de sa perte lors même que, pour accéder à la magistrature suprême, on a promis à ses électeurs de l’en écarter.
Abdessalem Larif