La Belgique suspend ses livraisons d’armes vers l’Arabie saoudite

Le Conseil d’État belge a suspendu des licences d’exportations d’armes à destination de l’Arabie saoudite pour un manque de vérifications sur le pays acheteur. Engagée dans un guerre fratricide au Yémen, la monarchie saoudienne est accusée d’être à l’origine de la pire crise humanitaire au monde

Grain de sable dans l’engrenage ? En raison d’un examen insuffisant de l’attitude de Riyad envers le terrorisme et du rôle de ce pays au Yémen, la Wallonie doit suspendre plusieurs licences d’exportation d’armes vers l’un de ses principaux clients.

Le Conseil d’Etat de Belgique a décidé le 29 juin de suspendre huit licences d’exportation d’armes wallonnes vers l’Arabie saoudite, d’après le journal Le Soir. Selon l’agence de presse Belga, la juridiction a jugé que le gouvernement de la région de Wallonie, compétent pour délivrer les licences de vente d’armes, ne s’était pas suffisamment penché sur la question du respect des droits fondamentaux, dans le cas d’un client un peu particulier : l’Arabie saoudite.

Cette suspension a été motivée par le manque de vérifications sur la situation des droits de l’homme en Arabie Saoudite comme l’explqiue l’avocat de la Ligue des droits de l’homme, Vincent Letellier. « La Région wallonne n’a pas examiné comme elle devait le faire la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite ou l’implication du pays dans une guerre avec le Yémen. Cette appréciation aurait été nécessairement négative ».

Attitude de Riyad envers le terrorisme : la commission reste «silencieuse»

Dans son arrêt, cité par le journal belge L’Echo, le Conseil d’Etat déplore ainsi que l’avis de la commission chargée d’examiner les dossiers, soit resté, dans le cas de Riyad, «silencieux» sur des sujets comme «le comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté internationale et notamment son attitude envers le terrorisme». Le Conseil déplore en outre que les «antécédents du pays acheteur dans les domaines notamment du respect de ses engagements internationaux en ce qui concerne le non-recours à la force et du droit international humanitaire» n’aient pas davantage été passés au crible.

En 2017, plusieurs organisations de défense des droits humains, dont la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le CNAPD, avaient introduit des recours contre l’exportation d’armes produites par la FN Herstal, notamment vers l’Arabie saoudite. Cette même année, c’est en effet Riyad qui se classait en tête des clients des entreprises d’armement de Wallonie, pour une somme de plus de 150 millions d’euros, selon les données de Belga.

Si la décision juridique ne porte que sur quelques licences, Vincent Letellier, avocat de la LDH et du CNAPD cité par L’Echo s’en est réjoui : «C’est un arrêt important. La Région wallonne n’a pas examiné comme elle devait le faire la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite ou l’implication du pays dans une guerre avec le Yémen. Cette appréciation aurait été nécessairement négative.»

Aussi, ce grain de sable dans l’engrenage pourrait compromettre, selon lui, les échanges commerciaux d’armements avec Riyad à l’avenir : «La Région va maintenant être obligée d’examiner la situation et cela va devenir très difficile d’exporter.»

Tâche d’huile en Europe ?

Comme en Belgique, plusieurs ONG françaises dénoncent régulièrement les ventes d’armes de Paris à Riyad, qui est l’un de ses meilleurs clients en la matière.

Tâche d’huile en Europe ? Une décision qui embarrasse le gouvernement wallon, puisque l’Arabie Saoudite est son principal client. En 2017, la monarchie saoudienne a passé une commande d’un montant global de 153 millions d’euros (contre 455 pour la France). La question se pose désormais de savoir si la décision peut faire tâche d’huile à l’échelle européenne. « La Région va maintenant être obligée d’examiner la situation et cela va devenir très difficile d’exporter (des armes ndlr) », reprend l’avocat cité par le quotidien belge.

L’Allemagne a déjà décrété un moratoire sur cette question. En mars dernier, la France avait été épinglée par une étude d’un cabinet d’avocats, réalisée à la demande d’Amnesty International. L’ONG avait expliqué que la France s’exposait à un risque juridique élevé en livrant du matériel militaire à l’Arabie Saoudite, accusée de violer le droit international humanitaire, ce qui pourrait rendre Paris coupable de « complicité de crime de guerre ». Le conflit au Yémen a causé près de 10 000 morts depuis mars 2015 et entraîné la « pire crise humanitaire au monde » selon l’ONU.

Et pour cause, depuis mars 2015, l’Arabie saoudite est à la tête d’une coalition de pays arabes au Yémen, dont les bombardements aveugles sont responsables de milliers de morts civils. Bénéficiant notamment du soutien des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, cette coalition tente de remettre en place le gouvernement du Yémen, qui avait été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles houthis, proches de l’Iran.

Depuis, le conflit a fait plus de 10 000 morts et plus de 55 000 blessés, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans ce pays ravagé par la guerre civile, une épidémie de choléra a par ailleurs déjà touché plus d’un million de personnes, d’après le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Selon des données de l’ONU, quelque 8,4 millions de personnes sont à court de nourriture et risquent de mourir de faim, alors qu’environ 22 millions de personnes, sur une population totale de 25 millions d’habitants, ont besoin d’une aide humanitaire.

Sources : médias belges et agences