
Ridha Bouguezzi
La grande Actrice égyptienne Chadia tire sa révérence…du haut de ses 86 ans …R.I.P
Chadia de son vrai nom Fatima kamal Chakir est née en 1931. Elle était la benjamine d’une fratrie de cinq enfants. Son père était ingénieur agricole et travaillait dans une des exploitations royales égyptiennes.
En 1946, les deux grands réalisateurs de l’époque, Ali Badrakhane et Ahmad Kamil, avaient organisé un concours de chant et de comédie dans le but de repérer et de recruter de nouveaux talents et visages pour leurs films. La prestation de Chadia avait déplu à Ahmad Kamil mais pas à Ali Badrakhane. Ce dernier va la présenter à un autre réalisateur Hilmy Rafla, qui va la prendre en charge artistiquement. Il lui donnera son surnom Chadia. Il va ainsi lui permettre d’interpréter un petit rôle dans son film » Des fleurs et des épines ». Dans ce film elle va se démarquer par son style particulier. Son air à la fois enfantin, angélique et malicieux représentera parfaitement l’adolescente typique, avec ses caprices, ses doutes et ses passions. Elle va endosser son premier rôle en tant qu’héroïne avec l’acteur Ahmad Fawzi en 1947.
Cette même année, elle va faire connaissance avec une des stars de l’époque Kamal El-Chanaoui. Ensemble ils vont tourner plus de 25 films. Ils vont constituer à eux deux une sorte de grand et célèbre duo cinématographique.
Elle va par la suite enchainer rapidement plusieurs rôles principaux. Elle va atteindre l’interprétation de treize films uniquement durant l’année 1952, ce qui revenait à tourner chaque mois dans un nouveau film. La même année, elle va faire une autre grande rencontre, celle avec l’une des figures incontournable du cinéma de l’époque, Imad Hamdi. Ils vont tourner successivement ensemble plusieurs films dont » Plus fort que l’amour » (Akoua min El-Houb) et « Une nuit de ma vie » (layla min hayati) en 1954.
Elle va poursuivre et interprétera davantage des rôles plus complexes, comme dans le film » La femme inconnue « , (Imra’a majhoula) où elle jouera plusieurs étapes de la vie du personnage central : adolescente humble, jeune femme amoureuse et mère aimante, femme désespérée et alcoolique, enfin, celui d’une vieille femme misérable, solitaire et meurtri. Le casting du film fut impressionnant. Dans cette production elle partagera l’affiche avec plusieurs grands acteurs de l’époque,Imad Hamdi, Kamal El Chanaoui, Choukri Sarhan, Soheir El Babili et Zahrat El-Oula..
Les années soixante vont confirmer son professionnalisme et son talent. En effet, elle variera les personnages qu’elle incarnera, puisqu’elle excella autant dans des rôles dramatiques que comiques.
Elle tournera plusieurs films avec son mari de l’époque Salah Dhoul-Fikar. Au début des années 70, elle interprètera encore quelques rôles avant de quitter complètement la scène. Elle revint durant les années quatre-vingt pour tourner son dernier film « Ne me demandez pas qui je suis » (La tasalouni men Ana) en 1984. Elle y jouera le rôle d’une mère pauvre et sans ressources, qui devra abandonner un de ses enfants pour le confier à une femme riche.
Elle va interpréter brillamment aussi une pièce de théâtre, « Raya et Skina » du genre comique, en duo avec l’actrice Soheir El-Babili, alors même que le sujet traitait plutôt de sujets dramatiques et sociaux. Pour rappel l’histoire de Raya et Skina s’inspire de faits réelles concernant deux sœurs ayant défrayé la chronique les années vingt après avoir commis des meurtres en série à Alexandrie.
Ce fut alors les dernières apparitions de Chadia à l’écran et en public puisqu’elle se retira définitivement du monde artistique après cet évènement.
Sur un plan personnel:
Chadia va se marier en 1953 avec l’acteur Imad Hamdi qui dut divorcer de sa première femme pour l’épouser. Une différence d’âge importante séparait le couple, puisqu’elle n’avait que vingt-trois ans quand Imad Hamdi en était à ses quarante-quatre ans. Leur union ne durera que trois années. Leur divorce fut d’un commun accord, ils garderont des relations cordiales et professionnelles par la suite. Elle fera entre temps plusieurs rencontres amoureuses. On retiendra surtout sa relation avec Farid El-Atrach. Mais Chadia en pleine gloire et devenue une des stars en Egypte ne songeait guère encore à fonder un foyer. Ce n’est qu’en 1965, après une histoire d’amour passionnelle, qu’elle épousera l’acteur Salah Dhoul-Fikar avec qui elle jouera la plus part de ses films durant les années soixante. Ils divorceront en 1972. Malgré son désir d’enfant l’actrice ne réussira pas à en avoir. Mais elle put retrouver ce rôle de mère qu’elle a tant espéré auprès de son neveu. La mère de ce dernier qui était d’origine turc, était repartie dans son pays après son divorce du frère de Chadia. A l’approche de la cinquantaine, Chadia décidera de mettre fin à sa carrière. La star des deux dernières décennies, ne pouvait encore rester la première de l’affiche longtemps. D’ailleurs elle avait bien avoué plus tard que sa retraite anticipée était due au fait qu’elle désirait que son public garde d’elle son image de ses années de gloire. Elle admit qu’elle refuserait de finir par ne tourner, comme l’ont fait d’autres actrices de sa génération, que des rôles de mères à l’écran. On peut néanmoins supposer que la décision de Chadia d’interrompre brutalement sa carrière fut certainement motivée aussi par son état de santé. L’actrice avait appris la gravité de son état quand on lui diagnostiquera une tumeur maligne. Néanmoins, elle réussit à vaincre son cancer après une lourde médication et une intervention chirurgicale. Après un regain de religiosité, Chadia va se voiler après avoir accompli le pèlerinage. Depuis elle évite les médias et les apparitions publiques
Chadia porte le nom même du «Chadw» ou (tarab). Sa voix est suave et entraînante, légère comme le vent du printemps et pure comme l’eau de roche. Elle n’a peut-être jamais prétendu à un strapontin dans le cercle fermé des divas, genre Oum Kalthoum, Abdelwaheb ou Férid, mais cette insouciance n’en rend que plus croustillant et populaire son art. Qoulou li eïn échams ma tehmachi avait fredonné Chadia. Eh bien, sa supplique a fini en tout cas par nous réchauffer le cœur et enivrer l’âme.
Avec cette héritière du chant léger, doublée d’une actrice très douée, on ne s’ennuie presque jamais. «La ya si Ahmed, la ya Hamada», le style appartient aux sixties ou seventies, aux années 1960 et 1970 où le romantisme amusait beaucoup plus qu’il ne faisait sangloter.
Ridha Bouguezzi