Tendre conseil à Si Moez Joudi

Je vous livre ici in extenso le texte du statut de l’expert Moez Joudi, en réplique aux commentaires attribués à un  » journaliste » sur la conférence de presse ( lire résumé ci-bas ) donnée samedi dernier, par le gouverneur Baccar, président du Centre International Hédi Nouira de Prospective et d’Etudes sur le Développement (CIPED).

Ceci n’empêche qu’à la place de Si Moez, moi je n’aurais même pas écouté ni cédé ainsi inutilement, aux sarcasmes des discours qui conjuguent l’intuition, l’approximation et la passion.
Dans son texte, Si Moez restitue en substance, les performances de la BCT d’avant 2011, oubliant que le journaliste auquel il s’adresse, érudit de son état, connait tout et qu’il n’ignore pas par exemple, que l’institution a légué aussi, aux nouveaux locataires de la République, un pays souverain au plan financier et monétaire avec une dette extérieure de moins de 40% du PIB, un dinar fier, en ligne avec la politique du taux de change d’alors et des réserves de change qui couvrent près des deux tiers de la dette contre seulement 20% aujourd’hui.
Si Moez, le privilège du monde de l’économie, de la finance et de la monnaie tient fort heureusement à ceci que les performances et les contre-performances sont quantifiables, mesurables et donc objectivement comparables. Du coup, l’exercice devient si peu complexe huit ans après le « renouvellement des cadres », que ses conclusions s’apparieraient avec une de ces vérités de La Palice.
Moi à ta place, j’aurais continué à réfléchir, à proposer et à communiquer comme tu sais bien le faire, à mettre en œuvre le beau projet de formation au profit de la jeunesse de ton pays, à promouvoir davantage les espaces que tu fréquentes et que tu représentes dignement, le CIPED, l’ATG, etc., au lieu d’oser répliquer au risque d’être confondu, aux propos d’éminences au passé glorieux, au savoir inégalé par nos jours et sans doute inégalable et qui possèdent un esprit critique tellement subtil qu’ils peuvent te convaincre de la chose et de son contraire, avec une aisance rare.
Au moment où le pays cherche vainement des gouvernants capables d’apporter le salut, moi, j’ai déjà suggéré à qui de droit et à qui de fait d’aller prier ce genre d’intelligences supérieures, les supplier le cas échéant, de descendre du haut de leur illustre tribune et de daigner prendre les rênes du pouvoir. S’ils venaient à accepter l’offre, le pays résoudrait j’en suis presque convaincu, tous ses problèmes et moi, alors, confiant, serein et heureux, je reprendrai le plaisir en conduisant, d’écouter mon Marvin Gaye.

Samir Brahimi

Voici le texte de Si Moez :

« D’après la logique de M. Zied Krichen que je viens d’écouter à l’instant, TOUS les anciens Responsables du pays avant le 14 janvier 2011 doivent se la boucler et éviter toute analyse de la situation du pays aujourd’hui parce qu’il y a eu « révolution » !? Quelle logique et quel raccourci !?! Alors tout d’abord, je n’étais pas personnellement Responsable avant 2011 ni de près ni de loin, mais je fais la part des choses et je sais qu’il y a eu du bon et du mauvais dans ce pays depuis l’ère Bourguiba ! Ensuite, on ne peut pas mettre TOUS les anciens Responsables dans le même sac !! Quand vous avez par exemple un ex-Gouverneur de la BCT qui vous laisse 5,5 milliards de dinars dans les caisses avec 2,5 milliards de dollars placés dans un compte spécial, 167 jours de réserves en devises, moins de 3% d’inflation et un dinar qui tient tête face à l’euro et au dollar, la moindre des choses c’est de rappeler ce Monsieur et de l’écouter !! Certes il y a eu des clans de mafieux et de rapaces au pouvoir avant le 14 janvier 2011, mais il y a eu aussi des compétences et des institutions qui ont tenté tant bien que mal de garder un minimum d’équilibre et de souveraineté dans ce pays ! M. Krichen, lisez les derniers rapports du Centre Hédi Nouira de la Prospective et des Études sur le Développement, et essayez de vous imprégner des diagnostics et des propositions de sortie de crise relatés, et surtout essayez de débattre et de discuter du fond, c’est plus pertinent. Continuer à jouer les « révolutionnaires » alors qu’il n’y en a eu aucune révolution au vrai sens du terme, ne nous mènera qu’à la ruine totale dans ce pays ! Pour les clans mafieux, ils sont plus nombreux aujourd’hui avec la différence qu’avant 2011, il y avait au moins un minimum d’équilibre économique et financier dans le pays, aujourd’hui il n’y a plus rien, on a même perdu la souveraineté sur notre propre monnaie ! »

Réponse de Si Moez : Entendu Si Samir, je tiens compte de suite de ce conseil si subtil et si précieux!

 

Taoufik Baccar

Point de presse du Centre International Hedi Nouira de Prospective et d’Etudes sur le Développement (CIPED).

Le CIPED vient d’organiser à son siège au centre urbain nord, un point de presse en présence du Comité directeur du Centre et des principaux membres de son conseil scientifique.

Dans son résumé des principaux travaux réalisés par le Centre depuis sa création, il y a deux ans, Taoufik Baccar Président du centre a cité en particulier la publication d’un livre en mars 2017 sous le titre « Éléments de stratégie de sortie de crise», deux numéros de son bulletin semestriel « Les cahiers du CIPED » et une contribution transmise à la présidence de la République en Juin 2018 comportant un projet de programme de redressement économique et social, outre les communiqués du Centre publiés à l’occasion des événements économiques et financiers importants ( élaboration des lois de finances, visites en Tunisie, des missions du FMI et des agences de notation, etc ) et dans lesquels il exprime ses positions .
Evoquant l’impact des travaux du Centre, le Président a précisé que le Centre a été le précurseur en matière de stratégie de sortie de crise et a déjà proposé sa vision à cet effet, qu’il était également, le premier à avoir alerté les autorités sur les risques de classement de la Tunisie sur la liste des pays à défaillances stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et à proposer une stratégie plus agressive de diplomatie économique.
Par ailleurs, le CIPED ,convaincu du rôle du secteur privé dans le redressement de la situation du pays ,a récemment soutenu la création de la première agence locale de notation et contribué activement à sa mise en place .Il vient par ailleurs de finaliser une seconde initiative relative à la mise en place d’une norme de certification en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qu’il s’apprête à décliner après le dépôt de ce nouveau référentiel auprès des structures concernées en Tunisie et à
l’étranger.Le CIPED considère que par de telles initiatives le pays pourra reprendre la main au niveau de la région et rattraper un tant soit peu le retard pris ces dernières années en particulier dans le domaine financier et bancaire .
En ce qui concerne la Stratégie de sortie de crise, le rapport élaboré à cet effet propose cinq mesures à court terme pour arrêter l’hémorragie, six réformes à mettre en œuvre d’urgence et un programme social d’accompagnement. 
Les mesures de court terme concernent :
– l’adaptation du modèle de développement en vue d’un meilleur équilibre et d’une meilleure intégration sociale et le rétablissement de la confiance des opérateurs économiques ; 
– Le développement des exportations et l’amélioration du niveau des réserves en devises sans recours supplémentaire à l’endettement ; 
-La réduction de la pression sur le taux de change du dinar en adoptant un corridor autour du cours central à l’instar de l’expérience du du SME qu’a connu l’Europe auparavant ; 
-La maîtrise de la dette en adoptant la règle d’or et en créant l’agence Tunisie-Trésor et s’interdisant le recours à la dette pour financer des dépenses de fonctionnement ou pour couvrir des déficits.
-La restauration de l’image du pays à l’extérieur par une stratégie adaptée de « marketing country » et par la reconquête progressive de la notation souveraine du pays.

Présentant les réformes, le président en évoquera six au total :
– La réhabilitation des questions économiques par la création d’un conseil consultatif à compétence essentiellement technique et économique composé des partenaires sociaux, de l’Administration ,des opérateurs économiques et financiers et de la société civile dont l’objectif serait de soutenir le gouvernement et l’ARP dans l’étude des réformes et des programmes et des projets de lois, a l’instar de l’ancien Conseil Economique et Social, outre le réexamen du mandat de la BCT et du procédé de nomination du gouverneur et des membres du Conseil, le renforcement de la fonction de suivi des grands équilibres au niveau du ministère du Développement et l’affectation du budget d’investissement à ce ministère pour que ce budget cesse de servir de variable résiduelle et de solde du budget de l’Etat.
– concernant les cinq autres réformes jugées indispensables, (réforme des régimes de retraite, réforme de l’Administration et des entreprises publiques, réforme fiscale, réforme de la compensation et réforme des banques, en particulier les banques publiques) des propositions concrètes sont avancées dans le rapport élaboré par le Centre.
Le Président du Centre a précisé à cet effet que l’ajustement dont l’économie du pays a besoin ne peut s’en tenir aux seules mesures monétaires ou de change et que sans les réformes du secteur réel, l’économie ne pourra pas redémarrer. Il a souligné en outre, que pour les entreprises publiques, le CIPED propose la création d’un fonds de restructuration dans lequel seront déposées les ressources de privatisation, lesquelles serviront uniquement à financer les opérations d’assainissement des entreprises appelées à rester dans le secteur public.Enfin concernant l’Administration il insistera sur la nécessité de renforcer le choix fait des l’indépendance pour une Administration de carrière au caractère Républicain à l’abris des considérations politiques ,le pays ne pouvant se permettre à l’heure actuelle le choix d’une Administration de dépouilles .

Parlant des délais requis pour sauver l’économie du pays, le Président du CIPED a rappelé qu’en 1986, la Tunisie a mis 6 ans pour sortir de la crise alors que la Grèce vient juste de se soustraire du joug des bailleurs de fonds (UE, FMI, BCE.) après huit années d’ajustement économique ,financier et social à la fois étant précisé que la situation financière de ce pays n’est pas encore totalement assainie avec une dette encore très élevée.

Le CIPED considère que la mise en œuvre de ce programme exige des préalables politiques et sociaux et nécessite des sacrifices de la part de tous , c’est pourquoi il devra être accompagné par un ambitieux programme social à l’instar de celui mis en place en 1986( PNAFN,Fond d’insertion et d’adaptation professionnelle ….).Le CIPED insiste toutefois sur le fait que c’est la seule voie passante si le pays veut se donner les moyens de se redresser ,s’affranchir des mesures décidées de l’extérieur du pays et préserver sa souveraineté mise à mal ces dernières années par une situation économique et financière en dégradation continue