Culture, respect et rationalité pour engager l’avenir

Je ne sais si je peux dire que la plupart des Tunisiens se sont réjouis d’un bain de culture cet été : il y en avait, me semble-t-il, pour tous les goûts et c’est peut-être l’un des secteurs (avec le tourisme notamment) qui n’a pas pris de vacances. Je ne parle pas seulement des festivals qui ont été le vrai cœur battant d’une saison culturelle très performante, mais de plusieurs autres activités parallèles d’animation de l’été ou de préparation de la rentrée.

Ce qui m’a le plus réconforté dans cette dynamique, à laquelle je n’ai pourtant pas été toujours ou fréquemment présent, c’est qu’elle m’a changé les idées et les humeurs (et je ne dois pas être le seul) des classiques surenchères, provocations, altercations et autres confrontations entre les acteurs politiques. On peut dire, au vrai sens du mot, qu’on a eu droit à une bouffée d’air pur. Cela m’incite à poser la question suivante : « Pourquoi ne pas faire de nos débats politiques des conversations culturelles ? »

J’entends déjà des amis, et même de moins amis que les amis, commenter ironiquement : « Toujours aussi idéaliste ! Utopique plus qu’il ne faut ! Descends sur terre, le monde est moins parfait que tu ne le crois, l’homme aussi, l’homme surtout ! » Soit, je l’accorde, je suis par trop rêveur d’un monde où tout serait pour le mieux, pour le meilleur pourquoi pas ; mais je ne crois pas convoiter la lune (celle-ci n’est d’ailleurs plus inaccessible grâce à l’intelligence humaine) en cherchant à couvrir nos débats politiques de la soie culturelle : cela reviendrait tout simplement à faire régner le respect et la rationalité.

Le respect suppose qu’on prenne l’autre, qui qu’il soit et de quelque niveau qu’on le croie, pour une valeur certaine pouvant échanger avec nous à propos de tout ce qui se concevrait par nous et pour nous tous, et contribuer, avec nous, à tout ce que nous construirions ensemble, également pour nous tous. Est-ce difficile de se délester, autant dire « de se guérir », du langage d’arrogance qui nous fait, l’un pour l’autre, une configuration de l’animal féroce plutôt que celle du semblable solidaire ? Là réside le fondement éthique de la vraie vie en société, sans quoi, d’une manière ou d’une autre, nous ne serions pas très éloignés de la loi du talion ni très différents de ses actants.

L’autre pilier de la société, supposée utopique mais ô combien à notre portée, est la rationalité. A ce propos me revient en mémoire la célèbre citation de Denis Diderot :  » Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l’empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre.  » Je préciserais cependant à son sujet qu’il n’y a pas que les gouvernants qui soient redevables d’un devoir de raison, tous les citoyens le sont autant et d’abord les acteurs politiques de tous bords.

De grâce alors, commençons par les lieux les plus en vue, l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), les partis, les médias et, de là, toutes les cellules sociétales, depuis la famille jusqu’à la place publique et la rue, en passant par toutes les configurations intermédiaires : classe, association, salon, rencontres de tous genres. Tout ce qui est attendu de chacun, c’est un développement argumenté de sa vision des choses, des propositions pratiques à l’appui. Mais crier comme un aliéné ne contribue nullement à l’édification d’une société favorable à un vivre-ensemble solidairement constructif.

Chers concitoyens, notre avenir, individuel et collectif, nous appartient ; celui de notre patrie aussi ! Serions-nous capables d’aspirer à cet avenir sur la base des valeurs ci-dessus évoquées : le respect et la rationalités ? J’espère que oui car autrement, c’est l’inconnu qui nous attend.

Mansour M’henni