Des chercheurs chinois ont réussi à cloner des singes

La Chine est devenue le premier pays à cloner un singe en utilisant des cellules non reproductrices, ce qui pourrait diminuer le besoin d’élever des singes de laboratoire et ouvrir la voie à des tests (sur animaux) plus précis, plus efficaces et moins chers pour les nouveaux médicaments, ont déclaré jeudi des scientifiques.

En décembre dernier , l’Institut des neurosciences de l’Académie chinoise des sciences a créé deux macaques clonés appelés « Zhong Zhong » et « Hua Hua » via la technique de transfert nucléaire de cellules somatiques (cellules de l’organisme autres que les cellules reproductrices). C’est la même technique qui a été utilisée en 1996 pour la célèbre brebis clonée Dolly.

Les chercheurs chinois ont retiré d’ovules de singe le noyau qui contient l’ADN et l’ont remplacé par l’ADN d’un foetus de singe. Ces nouveaux ovules se sont développés et divisés, avant de devenir un embryon qui a ensuite été implanté dans une femelle jusqu’à la naissance.

Tetra, un macaque rhésus né en 1999, est le premier singe cloné au monde, mais a été créé en utilisant une méthode plus simple de séparation de cellules embryonnaires, qui ne peut générer que quatre progénitures clonées à la fois et qui ne permet pas de modification génétique pour s’adapter aux besoins expérimentaux, a expliqué Pu Muming, académicien et directeur de l’Institut des neurosciences à l’Académie chinoise des sciences.

« Le clonage d’un singe à l’aide de cellules somatiques a été un défi de classe mondiale, car c’est un primate qui partage sa composition génétique, et donc toute sa complexité, avec les humains », a-t-il déclaré.

« Pour les tests de médicaments et autres tests de laboratoire, les scientifiques doivent acheter des singes du monde entier, ce qui est coûteux, mauvais pour l’environnement, et produit des résultats imprécis parce que chaque singe pourrait avoir des gènes différents », a indiqué M. Pu.

« En clonant des singes via l’utilisation des cellules somatiques, nous pouvons cultiver massivement un grand nombre de descendants génétiquement identiques en peu de temps, et nous pouvons même modifier leurs gènes pour répondre à nos besoins », a-t-il ajouté. « Cela pourrait permettre de gagner du temps, de réduire les coûts des expériences et de produire des résultats plus précis, conduisant à des médicaments plus efficaces ».

Sun Qiang, directeur du complexe de recherche sur les primates non-humains à l’institut, a déclaré que la plupart des essais de médicaments sont actuellement effectués sur des souris de laboratoire. Cependant, les médicaments qui agissent sur les souris pourraient ne pas fonctionner ou même avoir de graves effets secondaires sur les humains, les deux espèces étant si différentes.

« Les singes et les humains sont tous deux des primates et sont dont bien plus proches. Les tests sur les singes sont supposés être aussi efficaces que les tests sur les humains », a indiqué M. Sun. Cette ressemblance génétique est particulièrement utile lors des tests de médicaments pour les maladies neurales telles que la maladie de Parkinson, les tumeurs, les maladies métaboliques ou celles affectant le système immunitaire, a-t-il ajouté.

« Ce succès aidera la Chine à prendre la tête de la recherche mondiale dans le cadre de projets scientifiques internationaux liés à la cartographie neuronale des cerveaux de primates », a-t-il affirmé. Cependant, les bio-laboratoires des Etats-Unis, du Japon et des pays européens sont également très compétents, et rattraperont rapidement la Chine après que la technologie de clonage de singe sera rendue publique, a ajouté M. Sun.

« Cela signifie que nous devons continuellement innover et travailler encore plus dur cette année pour rester en tête », a-t-il déclaré.

Zhong Zhong, âgé de huit semaines, et Hua Hua, de six semaines sont nourris au biberon et se développent normalement. L’expérience devrait être retentée dans les prochains moins.

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Après 79 tentatives

Selon les « pères » en blouses blanches des primates, l’idée est de se s’appuyer sur ces clones pour étudier les maladies d’origine génétique comme certains cancers, ou désordres du métabolisme. Mais évidemment répliquer une espèce animale si proche de l’Homme ne va pas sans un questionnement éthique: « Nous sommes très conscients du fait que les prochaines recherches utilisant des primates non-humains dans le monde reposeront sur le respect par les scientifiques de principes éthiques très stricts », a expliqué l’un des savants chinois.

Zhong Zhong et Hua Hua sont nés après 79 tentatives. Deux clones venus au monde précédemment n’étaient pas viables. Robin Lovell-Badge, professeur à l’Institut Francis Crick de Londres, a expliqué au site de la BBC qu’il voyait dans le processus de ses confrères une « procédure hasardeuse et très inefficace ». « Les travaux dans cet article ne permettront pas d’établir des méthodes pour obtenir des clones humains viables », a-t-il ajouté, faisant allusion à l’étude parue dans le magazine Cell.

Questions éthiques

Les scientifiques pensent que les études sur les singes génétiquement identiques seront utiles pour la recherche contre les maladies humaines.

Malgré tout, certains chercheurs, comme Robin Lovell-Badge, de l’Institut Francis Crick de Londres restent sceptiques : « La technique utilisée pour cloner ces macaques reste un procédé très inefficace et hasardeux ».

En termes d’éthique, la communauté scientifique pense que cette avancée est discutable car cela rapproche encore un peu plus l’humain du clonage. Pour sa part, la communauté internationale interdit strictement cette pratique sur les êtres humains.

Le chercheur Jose Cibelli, de l’Université Michigan State, pense que cela pourrait être techniquement possible un jour, mais qu’il serait « criminel » d’essayer aujourd’hui en raison du nombre de grossesses qui échoueraient en cours de route.

Si le processus devient éventuellement suffisamment efficace chez le singe, a-t-il dit, la société sera confrontée à un « grave problème éthique » quant à des essais chez l’humain.

Le transfert de l’ADN pourrait alors être combiné à une manipulation des gènes pour corriger des problèmes génétiques chez l’embryon, menant à la naissance de bébés en santé, a-t-il expliqué.

Évidemment, le clonage humain évoque la création d’une copie d’un être qui existe déjà, « mais je crois qu’on ne devrait pas aller dans cette direction-là », a ajouté le chercheur Dieter Egli, de l’Université Columbia. « Je n’y trouve aucun bienfait intéressant. »

Henry Greely, un professeur de droit de l’Université Stanford qui se spécialise dans les technologies biomédicales, envisage quant à lui la création d’une copie d’un enfant décédé pour consoler ses parents. Il doute toutefois que cela soit une raison suffisante pour tenter de faire approuver une telle procédure, du moins pour encore plusieurs décennies.

Une autre experte, Marcy Darnovsky, pense qu’il serait contraire à l’éthique de soumettre cet enfant « aux risques psychologiques et émotionnels de vivre à l’ombre de son prédécesseur génétique ». Le clonage humain nécessiterait aussi le don de plusieurs ovules et le recours à des mères porteuses.

Le groupe de défense des droits des animaux PETA a condamné le clonage des singes.

« Le clonage est un spectacle d’horreur : un gaspillage de vies, de temps et d’argent – et la souffrance qu’engendrent de telles expériences est inimaginable », a dit la vice-présidente Kathy Guillermo par voie de communiqué.

L’article 11 de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de 1997, élaborée par l’Unesco, rappelle que « des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction d’êtres humains, ne doivent pas être permises… »

Le Dr Muming Poo de l’Académie des sciences de Shanghai est conscient que les prochaines recherches devront se baser sur le respect par les scientifiques « de principes éthiques très stricts ».

En tout cas, les scientifiques chinois s’attendent à ce que d’autres macaques clonés naissent dans les mois à venir.

Sources : french.china.org.cn et agences