Yémen : le choléra et la famine continuent à faire des ravages

Ravagé par un conflit dévastateur depuis près de quatre ans, le pays est menacé par la famine et le choléra selon l’ONU qui tente d’organiser des consultations pour trouver un règlement politique.

Les cas de choléra se multiplient de nouveau au Yémen, pays en pleine guerre civile, rapporte le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). Un important dispositif humanitaire avait permis d’enrayer une épidémie en début d’année.

Selon Meritxell Relano, représentante locale de l’organisation, plus de 250 000 cas de choléra et 358 décès liés à cette maladie y ont été dénombrés depuis le début de l’année.

Les enfants de moins de cinq ans représentent 30 % des infections, a-t-elle souligné.

La situation n’est pas aussi grave qu’en 2017 – plus d’un million de cas avaient alors été recensés –, mais le taux d’infection est à nouveau à la hausse et une nouvelle épidémie de grande ampleur n’est pas exclue, estiment les organisations humanitaires.

« Avec l’arrivée de l’hiver, nous nous attendions à une baisse du nombre de cas, mais les malades continuent à arriver au même rythme », a déploré Mohammed Abdoulmoughni, pédiatre à Sanaa, la capitale, que les rebelles chiites houthis contrôlent depuis septembre 2014.

À Sanaa, les dirigeants mis en place par la rébellion ont entrepris de stériliser les puits, les réseaux de distribution d’eau et les canalisations dans les habitations.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé le mois dernier que 10 000 nouveaux cas présumés de choléra étaient signalés chaque semaine au Yémen, soit le double de la moyenne pendant les huit premiers mois de 2018.

La famine fait des ravages

Après trois ans de guerre, la situation sanitaire est catastrophique, comme en atteste David Beasley, directeur du programme alimentaire mondial.
Selon l’ONU, c’est la pire crise humanitaire au monde. Sur les 28 millions d’habitants que compte le Yémen, un sur quatre au moins n’a pas suffisamment à manger, et la famine pourrait bientôt menacer la moitié de la population. Outre de nourriture, les Yéménites manquent aussi de logements, de produits d’hygiène, de médicaments et de vêtements. Et à la famine s’ajoute la maladie, notamment le choléra – l’accès à une eau potable permettrait de contenir l’épidémie. Ces dernières années, la moitié des hôpitaux ont été détruits par des raids aériens.

Mark Lowcock, secrétaire général adjoint pour les affaires humanitaires de l’ONU, achève samedi une visite au Yémen où il s’est rendu à Sanaa, la capitale yéménite aux mains des rebelles, et à Aden, la grande ville du sud du pays où siège pour le moment le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi.

« Le Yémen est au bord d’une catastrophe majeure », a prévenu M. Lowcock dans un communiqué publié au terme de sa mission, ajoutant que la situation humanitaire s’était détériorée depuis son dernier séjour dans le pays en octobre 2017.

« Mais il n’est pas trop tard », a-t-il tenu à souligner en réclamant de nouvelles aides humanitaires pour l’année 2019.

Selon lui, « le Yémen est le théâtre de la plus large opération humanitaire au monde, mais en 2019 celle-ci doit encore être plus importante ». Les donateurs ont fourni en 2018 2,3 milliards de dollars pour le plan d’aide, soit 80% des besoins du pays.

« A peine ouvrir les yeux » 

Il y a davantage de cas de malnutrition en raison du conflit et de la crise économique. « A Aden, j’ai vu des enfants émaciés si mal nourris qu’ils parvenaient à peine à ouvrir leurs yeux. L’aide humanitaire aide beaucoup de ces enfants à se remettre », a poursuivi le responsable de l’ONU.

Mais, selon lui, il y a aussi des enfants, qui font « une rechute car leurs familles n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter à manger ou à leur fournir un traitement médical adéquat ».

D’après l’ONU, au moins 14 millions de déplacés sont en situation de pré-famine dans le pays où quelque 10.000 personnes ont péri dans le conflit depuis 2015.

Mettant en avant la dépendance du Yémen des aides humanitaires et des importations, M. Lowcock a répété la disposition de l’ONU à jouer un rôle clé dans le port de Hodeida (ouest), pour qu’il reste ouvert.

C’est par cette ville sur la mer Rouge, enjeu principal du conflit, que transitent 70% des importations yéménites et les aides humanitaires.

Hodeida, aux mains des rebelles, est la cible depuis des mois d’une offensive du pouvoir qui cherche à la reprendre avec l’aide de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, piliers d’une coalition militaire dirigée par Ryad et intervenue depuis 2015 au Yémen pour aider le pouvoir à stopper une offensive rebelle.

Combats meurtriers à Hodeida 

Ces dernières 24 heures, des combats ont de nouveau opposé les forces loyalistes aux rebelles à Hodeida faisant 10 morts –8 rebelles et deux loyalistes–, ont indiqué des responsables et des sources médicales.

Selon des habitants, interrogés par l’AFP, des affrontements se sont poursuivis par intermittence samedi.

Une trêve fragile a été instaurée le 13 novembre dernier à Hodeida mais des affrontements sporadiques ont continué.

En Arabie saoudite, pays voisin du Yémen, un projectile tiré par les Houthis a touché vendredi une habitation à Jazane (ouest) faisant deux blessés civils, selon l’agence SPA, le premier tir rebelle confirmé par Ryad depuis septembre.

L’émissaire de l’ONU, Martin Griffiths, s’est rendu la semaine dernière au Yémen pour persuader les belligérants de participer à des consultations pour lesquelles il n’a fixé aucune date. Les Etats-Unis avaient évoqué début décembre et des diplomates onusiens la date du 3 décembre.

Jeudi, les rebelles ont dit qu’ils s’y rendraient « si les garanties pour une sortie et un retour (des rebelles) en sécurité au pays sont maintenues ».

Le pouvoir avait lui aussi annoncé qu’il irait en Suède.

Les derniers pourparlers, organisés sous l’égide de l’ONU à Genève en septembre, avaient échoué, les rebelles n’ayant pas fait le déplacement, disant craindre pour leur sécurité.

Le Yémen est aujourd’hui quasiment divisé en deux, les loyalistes contrôlant le sud et une bonne partie du centre tandis que les rebelles tiennent Sanaa ainsi que le nord et une grande partie de l’ouest.

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