Tunisie : les signes prometteurs d’un projet culturel fondateur

mohamed-mahdiaDans tous les signes d’incertitude et les sentiments de scepticisme qui affectent plusieurs concitoyens en ce début de l’année 2017, à plus ou moins juste titre sans doute selon la perspective d’approche, il faut reconnaître qu’une dynamique est en marche qui a bien fixé sa finalité sur l’avenir et sur les moyens d’en assurer les objectifs.

C’est dire que malgré tout, nous avons toutes les raisons de positiver notre état d’esprit et de nous impliquer dans l’action, avec la conviction que c’est nous qui engageons notre destin et qu’on ne saurait réussir une telle gageure en mettant les roues à plat, à chaque démarrage. Autrement dit, il est non seulement permis, mais requis même, de critiquer le gouvernement et toutes les instances responsables de la gouvernance du pays – à condition que cela soit dans une intention constructive. Mais se laisser aller à des débats oiseux où l’objectif recherché est de dire que rien ne va dans le pays, c’est une façon suspecte de s’inscrire dans une sorte de mobilisation pour un suicide collectif.

A nous arrêter donc sur les premiers pas de chaque ministère (un peu plus de quatre mois), on trouverait sans doute plus à prendre qu’à laisser, même si de façon nettement différenciée pour des cas particuliers. Je voudrais cependant m’attarder particulièrement ici sur le secteur de la culture, pour des raisons qui me paraissent mériter d’être soulignées.

Il y a d’abord un détail qui paraîtrait anodin pour certains et qui est de taille : lors de la présentation de son gouvernement devant l’ARP, Youssef Chahed a annoncé la restructuration et la révision de la politique culturelle comme l’une des priorités fondamentales de son programme. Vu que, par le passé, la culture avait toujours constitué le maillon faible de toute politique générale, le doute était de règle et tout ce qui se faisait paraissait à certains comme de l’ordre de l’artifice.

Puis, il y a eu cet autre signe non moins éloquent en vertu duquel la politique culturelle fut le premier programme ministériel officiellement rendu public lors d’une conférence de presse organisée au siège même de la présidence du gouvernement. C’était assez pour donner le crédit qu’il fallait à cette nouvelle orientation gouvernementale cherchant à faire de la culture le pilier principal de tout projet de développement sociétal. Programme gouvernemental, cela est dit : il restait au ministre d’être à la hauteur de la tâche. Or aujourd’hui, tout semble permettre d’affirmer qu’il en a donné des arguments solides, qu’il a tous les moyens de l’être et qu’il le sera. On n’en voudrait pour preuve que les brèves indications que voici :

1 – L’actuel ministre des Affaires culturelles est un enfant de la culture, au sens large qui la lie d’un côté au savoir, à la science et à la recherche, et de l’autre à l’entreprise citoyenne comme conscience et comme engagement. Tous ses travaux antérieurs s’inscrivaient dans la réflexion et l’expérimentation continues de ce qu’on pourrait appeler des microstructures de gestion culturelle ; et la politique culturelle a été un objet majeur de sa pensée.

2 – L’expérience de la gestion du projet de la Cité de la culture lui a permis de mobiliser un potentiel humain plein d’enthousiaste, ayant donné la preuve que la créativité est dans les nerfs des Tunisiens, toutes générations confondues. Devenu ministre, Mohamed Zinelabidine nous paraît avoir retrouvé le sens de la concrétisation d’une conviction qu’il avait toujours eue, selon laquelle la Cité ne saurait être démocratique si ses composants n’étaient rationnellement distribués, sans dispersion anarchique mais dans une cohérence structurée, dans toutes les régions et les grandes villes. Des viviers de culture sont alors initiés pour une juste et large émulation de la créativité : c’est « les places des arts » et « les villes des arts » !

De la Cité de la culture aux Places de la culture, la logique est là : c’est la démocratisation de la culture par une interaction permanente entre la dynamique centripète et la dynamique centrifuge. Nous n’y avons peut-être pas assez pensé encore. A creuser l’idée collectivement et à y contribuer activement, on en découvrirait sans doute la richesse et la profondeur.

3 – Et cela n’a pas empêché toute la démarche adoptée pour redistribuer les hommes et restructurer les cadres, dans un ministère qui donnait le signe évident d’un besoin de réorganisation et non d’un simple toilettage de circonstance.

Arrêtons là ce propos pour ne pas trop verser dans le panégyrique, même largement justifié, car le ministre de la Culture sait que tout le soutien et la confiance qui lui ont été exprimés à tous les niveaux (à croire que nous sommes les derniers à nous y mettre !) ne font que le responsabiliser davantage, quant à un projet culturel fondateur qui favoriserait l’entrée en force de la nouvelle Tunisie dans les défis et les paris du 21ème siècle.

Ahmed Gacem

Illustration : le ministre en action