Tunisie : « Qadha w qadar » et « el maoutou haq » remontent à la surface

Les médias et les réseaux sociaux se sont transformés en des murs de lamentations. Toutes les émissions (ou presque) sont destinées à faire pleurer dans les chaumières. Manifestement, les médias sont prêts à utiliser n’importe quel moyen pour faire pleurer Margot. La course aux larmes bat son plein. On essaye à qui mieux mieux de soutirer le plus de larmes, le tout enrobé d’une « indignation » les plus vives.

Les plus aigris ont saisi cette occasion pour régler leurs comptes avec leurs ennemis idéologiques et politiques : « voyez où nous a conduits votre bourguibisme ? » braient-ils. Ou bien « nos laïcards sont tout entier absorbés par le combat pour les libertés individuelles et l’égalité dans l’héritage, les zweoula peuvent patienter avec un morceau de pain sec dans la bouche ». D’ailleurs, rares sont les Tunisiens qui adoptent un ton ironique pour dénigrer leurs adversaires, cela exige un peu de subtilité, laquelle subtilité se situe aux antipodes de l’esprit bougnoulien qui règne en maître absolu dans ce pays.

Tant qu’à faire, je leur propose : « les zweoula d’Ettadhamen et du Nord-Ouest de la Tunisie ne peuvent pas mourir en silence, sans rompre la quiétude des habitants de La Marsa, d’El Manar et d’El Menzah, bien trop soucieux de préserver leur dolce vita ? » Ah oui, parce que dès qu’il arrive un malheur à un zaouali dans ce pays, les habitants des quartiers huppés susmentionnés en prennent pour leur grade. D’autres en profitent pour donner libre cours à leur haine du Sahel auquel ils imputent tous les maux de la Tunisie.

C’est toujours tragique de voir des jeunes mourir d’une mort bête à la fleur de l’âge, mais ces scènes débordantes de rancune, d’hypocrisie et de misérabilisme nous renvoient en plein visage le caractère mesquin de ce population indigne. Par-delà l’émotion, la sentimentalité religieuse et les futiles bondieuseries dans lesquelles se noie le pays après chaque tragédie, les croyances archaïques, telles que le fameux « qadha w qadar » et celles que l’on ressasse à travers des apophtegmes débiles « droit à la mort » (« el maoutou haq » etc.), remontent à la surface et deviennent l’alpha et l’oméga de chaque intervention.

S’il y a bien un droit encore plus puissant que la mort dans ce pays, c’est le droit à la médiocrité et le droit de l’étaler au grand jour au nom de la compassion et des bons sentiments. Ceux qui comptent faire de la Tunisie un pays développé, civilisé et digne ne sont pas encore au bout de leurs peines…

Pierrot LeFou

Illustration haut de page : lecture de la Fatha au siège de l’ARP en hommage aux victime du tragique accident du bus sur la route Béja-Aïn Draham 

Ci bas , le cinéma des lamentations des médias