Tunisie : le rappel express de Moncef Bâati pose problème

Info du soir (bonsoir) : L’ambassadeur Moncef Bâati vient d’être rappelé de New York sous 24h…
Il représentait la Tunisie au siège des Nations Unis et au Conseil de Sécurité…
Nommé il y a 4 mois, avec 35 ans de carrière de diplomate…
Un limogeage, un de plus, à expliquer à nous autres communs des mortels…

Hassen Zargouni

Mardi 4 février, Moncef Bâati, ambassadeur tunisien représentant les pays arabes auprès du Conseil de sécurité de l’ONU et y siégeant depuis le premier janvier, a conjointement avec le représentant indonésien, présenté un projet palestinien d’un texte de résolution de dénonciation du plan américain, projet devant être débattu par les 15 membres le jeudi 6 février.

Le Tunisien aurait été trop zélé.
Il est de toute façon rappelé en urgence ledit jeudi 6 février, et n’assiste donc pas à la rencontre entre le conseil de sécurité et le gendre de Trump, (celui qui avait été mis sous les projecteurs dès le début du mandat de son beau-père pour coalition avec les Russes, puis « amnistié » tout autant que son dit beau-père), gendre présenté comme l’artisan du plan trumpiste.
Tout ce charivari a des relents de licenciement, laissant penser à une sanction pour faute grave contre notre ambassadeur.
Or, attention, la Ligue Arabe et l’Organisation de Coopération Islamique avait soutenu en amont les palestiniens dans leur dénonciation.
Mais le mieux est l’ennemi du bien, nous le savons bien…

Et les surprises ne s’arrêtent pas là, décidément.
En effet, l’autorité palestinienne compte présenter son projet dimanche 9 et lundi 10 février, à un sommet de l’Union Africaine et ainsi y débattre certainement de la conduite à tenir face au « fait d’arme » de Trump et consorts, pour, enfin, se présenter devant le conseil de sécurité en vu d’un vote sur son projet.

Mais, zut. Encore un contretemps côté Tunisien.
Notre président a une angine.
Et, exceptionnellement pour celui dont l’agenda quotidien est un puzzle indéchiffrable pour les journalistes en quête d’info, la nation tunisienne est mise au parfum immédiatement à propos de l’indispensable convalescence requise pour KS.
4 jours donc, à dater du 7 février, qui empêchent décidément notre président de participer en personne au dit sommet de l’Union Africaine, où la Tunisie devra se contenter d’être représentée par une sorte d’intérimaire, un ministre « chargé de la gestion » des Affaires Etrangères, un ministre pas vraiment ministre en fait, vu l’imbroglio existant dans l’exécutif.

Pas de bol pour une position officielle aussi ferme que les beaux discours présidentiels.

NB: Reconstitution faite selon les publications de la presse nationale et internationale à disposition. A confirmer, nuancer ou infirmer. On verra bien…

Selma Mabrouk

بيان توضيحي

يهمّ وزارة الشؤون الخارجية التوضيح أنّ قرار إعفاء سفير تونس المندوب الدائم لدى منظمة الأمم المتحدة بنيويورك، يعود لاعتبارات مهنية بحتة تتعلق بضعف الأداء وغياب التنسيق والتفاعل مع الوزارة في مسائل هامة مطروحة للبحث في المنتظم الأممي خاصة وأنّ عضوية تونس غير الدائمة بمجلس الأمن تقتضي التشاور الدائم والتنسيق المسبق مع الوزارة بما ينسجم مع مواقف تونس المبدئية ويحفظ مصالحها

وزارة الشؤون الخارجية

Le journal Le Monde écrit

Que vaut à Moncef Baati aussi sèche disgrâce ? Les spéculations allaient bon train vendredi 7 février au lendemain du limogeage signifié au représentant de la Tunisie auprès des Nations unies, alors qu’il était aux premières loges des discussions sur un projet de résolution d’inspiration palestinienne sur le « plan de paix » américain pour le Proche-Orient. Si les autorités tunisiennes invoquent une « faute grave » de la part du diplomate dans ses rapports professionnels avec sa hiérarchie du ministère des affaires étrangères, des sources à New York et à Tunis établissent un lien avec « un courroux américain » manifesté à l’égard de la position tunisienne dans les tractations en cours au siège des Nations unies.

L’incident retient d’autant plus l’attention que le chef de l’Etat tunisien, Kaïs Saïed, élu le 13 octobre 2019, s’est toujours montré très offensif dans son soutien à la cause palestinienne. Au lendemain de la divulgation fin janvier du « plan de paix » conçu par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, le président tunisien avait dénoncé « l’injustice du siècle » et déploré « la culture de la défaite dans le monde arabe ».

Que s’est-il donc passé entre MM. Saïed et l’ambassadeur tunisien à New York ? Le diplomate, très impliqué avec son collègue indonésien dans le parrainage d’une résolution d’origine palestinienne – texte voué à être amendé au fil de navettes –, aurait-il paru trop modéré au goût du chef de l’Etat ? Ou serait-il allé, au contraire, trop loin dans la posture propalestininenne au regard des intérêts diplomatiques supérieurs d’une Tunisie à l’économie fragile et de plus en plus ligotée par ses engagements financiers auprès des bailleurs de fonds internationaux ? Ou joue-t-il simplement le rôle de fusible dans une affaire qui le dépasse ? Analystes et diplomates hésitaient vendredi entre ses différentes hypothèses.

Une « faute professionnelle »

A Tunis, la version officielle demeure que l’ambassadeur a commis des faux pas dans sa méthode de travail. Des sources officielles à la présidence de la République tunisienne assurent au Monde que Moncef Baati ne se serait « pas concerté » avec son ministère de tutelle et ses collègues de la Ligue arabe à l’ONU sur les tractations entourant la résolution d’inspiration palestinienne qui devrait être proposée mardi au Conseil de Sécurité de l’ONU. « Il en va des intérêts de la Tunisie et ne pas discuter des ordres du jour avec le ministère des affaires étrangères tunisien est une faute grave », insiste-t-on au palais présidentiel de Carthage.

L’invocation d’une « faute professionnelle » masque-t-elle d’autres dimensions à cette trouble affaire, notamment le jeu des Etats-Unis qui auraient exprimé, selon plusieurs sources, leur mauvaise humeur à propos de la tournure prise par les débats sur cette résolution ? Cosponsor du projet de résolution – aux côtés de l’ambassadeur indonésien –, Moncef Baati était particulièrement exposé. La réaction américaine aurait été « virulente », selon un diplomate occidental, plaçant Tunis sur la défensive. « Tunis aurait lâché l’homme pour ne pas apparaître auprès de son opinion comme reculant sur le dossier », poursuit cette source. Face à d’éventuelles pressions américaines, la Tunisie se trouve dans une situation délicate en raison de sa dépendance croissante à l’égard des prêts du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres bailleurs de fonds.

Ce jeu d’influences extérieures survient dans une équation politique tunisienne en pleine mutation après l’élection de Kaïs Saïed à la tête de l’Etat. Le nouveau président n’a cessé depuis l’automne d’imprimer sa marque auprès d’une administration des affaires étrangères jusque-là dominée par les équipes de son prédécesseur Béji Caïd Essebsi (décédé le 25 juillet 2019). L’ancien ministre des affaires étrangères Khemaies Jhinaoui avait ainsi été sèchement limogé fin octobre. L’analyste Youssef Chérif estime ainsi que le rappel de Moncef Baati s’inscrit avant tout dans cette volonté présidentielle de prendre la main sur le personnel des affaires étrangères.

« Affirmer sa propre politique diplomatique »

« Moncef Baati est perçu comme faisant partie de l’ancienne équipe diplomatique de Béji Caïd Essebsi, décode-t-il. Il est donc normal que Kaïs Saïed s’en déleste puisqu’il veut affirmer sa propre politique diplomatique. Moncef Baati était dans le viseur de la présidence depuis quelque temps et que son faux pas en ne consultant pas Tunis avant de s’engager auprès des Palestiniens a été le prétexte pour le limoger ».

Il reste néanmoins que le moment choisi est « délicat », ajoute M. Chérif, alors que les tractations partisanes en vue de la formation du nouveau gouvernement tunisien ne sont pas achevées. En outre, la Tunisie siège depuis le 1er janvier au Conseil de sécurité de l’ONU pour deux ans. Elle y représente les pays arabes. Le rappel brutal de M. Baati fait plutôt mauvaise impression.

Avec l’éviction de M. Baati, le président Saïed devrait reprendre la main sur le dossier diplomatique lié à la Palestine. Avant son élection, il avait multiplié les déclarations retentissantes de soutien à la cause palestinienne. La « normalisation » des relations avec Israël relève de la « haute trahison », avait-il lancé. Lors de sa cérémonie d’investiture, il avait ajouté que « la Palestine est gravée dans le cœur des Tunisiens » et qu’« il était temps de mettre fin à son occupation par Israël ». Enfin, le 31 janvier, alors qu’il faisait le bilan de ses cent jours au pouvoir sur la chaîne tunisienne Wataniya 1, le président a rappelé que « la Palestine n’est pas une ferme ni un jardin pour faire l’objet d’un accord », en faisant allusion à l’initiative américaine pour la paix au Proche-Orient proposée le 28 janvier.